
|
|
Les « Entretiens sur l'éducation » est un mensuel publié sans interruption depuis plus de 100 ans.
Le site www.entretiens.ch vous offre la possibilité de consulter en ligne ces extraordinaires archives parcourant/ponctuant au jour le jour l'histoire de l'éducation familiale d'un bout à l'autre du XXème siècle.
La survie de la brochure mensuelle imprimée parallèlement à la distribution virtuelle à travers le site est le garant de la poursuite de cette aventure. La rédaction est assurée de façon bénévole par un groupe de parents passionnés par la réflexion et l'écriture autour du vécu familial. Les frais d'impression du journal et la gestion du site (100 000 pages demandées par mois??)....30.- par an (20€).
En dehors du grand intérêt pour vous de cette matière exceptionnelle, que vous soyez jeune parent, chercheur dans une université ou simplement intéressé par l'évolution des comportements humains, votre soutien par l'intermédiaire d'un abonnement nous est indispensable.
Pour les pays lointains et si vous ne désirez pas profiter de la version papier, un abonnement sous forme de pdf est accessible au même prix annuel de CHF 30. Il vous donne un accès complet aux archives
(Sans titre)
Il faut apprendre à sympathiser avec nos enfants, à les encourager (sans abuser des compliments, et surtout sans admirer devant eux leur grâce et leur gentillesse) lorsqu'ils nous apportent avec fierté une œuvre bien imparfaite encore, mais qui témoigne d'un véritable effort de leur part, à nous réjouir de leurs progrès. Souvent hélas! nous jetons de l'eau froide sur leur enthousiasme.
L'autre jour, une mère est venue me voir; elle m'apportait une gerbe d'œillets superbes. L'enfant, voyant sa mère, se précipite sur elle en s'écriant: «maman! J'ai eu 6 en calcul» (c'était sa partie faible). Dans son impétuosité, elle n'avait pas pris garde aux fleurs. Plusieurs eurent la tige brisée. La mère, au lieu de féliciter son enfant du succès obtenu lui administra plusieurs tapes en lui reprochant sa brusquerie. J'en avais le cœur serré. Elle aimait pourtant sa fille avec tendresse, mais elle ne sut pas réprimer le dépit et l'impatience que lui causait le dégat commis. Combien de fois n'agissons-nous pas de même et ne punissons-nous pas sévèrement une maladresse à cause des conséquences fâcheuses qu'elle aura eues, alors que nous laissons passer une faute morale tout autrement grave mais dont les résultats ne nous ont pas atteintes directement.
****
Je passais des mains de ma grand-mère dans celles de ma seconde mère (j'avais alors 6 ans). Celle-ci tenait extrêmement aux bonnes manières, au décorum, et elle se mit tout de suite en devoir de refaire mon éducation. J'avais toujours habité la campagne, j'étais un enfant de la nature, habituée à courir au grand air et à m'épanouir en liberté. Ma belle-mère (sans mauvaise intention, j'en suis convaincue) m'emprisonna dans une chape de plomb.
C'étaient sans cesse des défenses, des règles, et le pire est qu'elle faisait précéder chacune de ses injonctions de ces mots: «ton père n'aime pas cela, ton père désire ceci». Je connaissais peu mon père, ne l'ayant vu qu'à de rares intervalles, mais j'avais pour lui une profonde affection. Ma belle-mère (peut-être par une jalousie inconsciente) réussit à m'inspirer une véritable peur de lui. Les premiers jours, j'aurais voulu m'élancer dans ses bras, quand il rentrait de son travail, mais elle prévenait toute velléité de ce genre en me disant: «ton père n'aime pas cela». Alors, je m'avançais vers lui toute raide et intimidée. Il m'observait avec curiosité et tristesse, comme si j'étais devenue une énigme pour lui. Il ne retrouvait pas l'enfant débordante de vie qu'il avait connue, mais ne semblait pas deviner la cause de ce changement. Cela dura longtemps ainsi.
Un jour, mon père fut gravement malade. Bouleversée par l'émotion, je m'approchais de son lit en m'écriant: «Papa, il ne faut pas mourir, je t'aime trop.» Il me considéra avec une tendresse joyeuse, comme s'il me retrouvait enfin. A partir de ce moment là, la glace fut rompue, et une intimité profonde, qui fut la grande joie de ma vie s'établit entre nous. Notre affection ne pouvait guère s'exprimer en présence de ma mère, mais nous faisions ensemble de longues promenades pendant lesquelles il m'engageait à lui demander tout ce que le désirais savoir.
****
Ne nous affligeons pas par trop de nos imperfections, en tant que parents et éducateurs. Les enfants sont clairvoyants sans doute, mais ils ont à l'égard de leurs parents une indulgence infinie. Je l'ai constaté maintes fois. Une enfant d'ivrogne, obligée de convenir que son père la maltraitait, ajoutait pour l'excuser «Mais quand il n'a pas bu, il est si gentil!»
****
Mme Armand parle des vices de son mari devant ses enfants! Jamais le moindre effort pour leur cacher sa paresse à l'ouvrage, ses accès de colère, ses longues séances au cabaret, d'où il rentrait ivre trois ou quatre fois chaque semaine. C'étaient au contraire là les sujets habituels de conversation entre mère et fille; aussi les enfants avaient-ils pris l'habitude de traiter leurs parents tantôt en camarades, tantôt en ennemis, selon leur humeur du moment.
|
|
|