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Les « Entretiens sur l'éducation » est un mensuel publié sans interruption depuis plus de 100 ans.
Le site www.entretiens.ch vous offre la possibilité de consulter en ligne ces extraordinaires archives parcourant/ponctuant au jour le jour l'histoire de l'éducation familiale d'un bout à l'autre du XXème siècle.
La survie de la brochure mensuelle imprimée parallèlement à la distribution virtuelle à travers le site est le garant de la poursuite de cette aventure. La rédaction est assurée de façon bénévole par un groupe de parents passionnés par la réflexion et l'écriture autour du vécu familial. Les frais d'impression du journal et la gestion du site (100 000 pages demandées par mois??)....30.- par an (20€).
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La mère et l'enfant

Maman, c'est à douze ans que j'ai commencé à te comprendre. Je t'ai comprise ainsi que j'ai compris notre petite ville et notre maison, c'est-à-dire avec beaucoup d'idées intéressées, mais aussi avec quelques idées indépendantes. C'est à douze ans que j'ai commencé à te voir.

Maman, tu es toute petite, tu portes un bonnet blanc, un corsage noir et un tablier bleu. Tu marches dans notre maison, tu ranges le ménage, tu fais la cuisine et tu es maman. Tu te lèves le matin pour balayer, et puis tu prépares la soupe, et puis tu viens m'éveiller. J'entends tes pas sur les marches de l'escalier. C'est le jour qui arrive avec l'école, et je ne suis pas bien content. Mais tu ouvres la porte, c'est maman qui vient avec du courage et de la bonté. Tu m'embrasses, et je passe les bras autour de ton cou et je t'embrasse. C'était le jour qu'accompagnait l'école, maintenant c'est le jour que tu accompagnes. Tu es une bonne divinité qui chasse la paresse. Tu entrouvres la fenêtre, et l'air et le soleil c'est toi, et tu es encore le matin et le travail. Tu es, ici, à la source de mes actions, et tes gestes me donnent mes premières pensées et ta tendresse me donne mon premier bonheur.

Maman, j'ai douze ans et je commence à te comprendre. Je te distingue des autres mères comme je distingue ma maison des autres maisons. Tu devins une femme particulière dont je connus les habitudes et alors je m'aperçus que tu étais meilleure que les autres femmes. Maman, tu es travailleuse. Le travail de mon père est celui qui nous donne la vie et ton travail consiste à l'ordonner. Le bruit de ta besogne est le bruit du temps qui passe chaque jour avec des repas, du travail et du repos. Tu veux que rien ne manque, et tout ton corps, et tes mains et tes yeux et tes jambes s'occupent à ce soin et je sens que tu en as fais les serviteurs de notre vie et les ordonnateurs de notre joie. Il y a la vaisselle, il y a le ménage, il y a la cuisine. Il y a le puits plein d'eau que tu puises, il y a le balai et la lessive. Il y a les commissions chez l'épicier, chez le boucher et chez tous les marchands. Il y a le raccommodage et la confection. Ce sont des travaux simples qui s'étendent devant ta vie et que tu accomplis sans cesse. Après chacun d'eux, tu regardes le suivant et tu pars où il te conduit, docile et calme. Tu franchis le temps et tu n'as jamais les mains vides.

Et je te vois, maman. Je te vois avec ton front de bonne femme qui renferme quelques idées, avec tes yeux de ménagère qui ne regardent pas plus loin que la maison, et avec tes lèvres de mère mobiles et douces. Je te vois avec tes joues tendres où mes baisers s'enfoncent. Je vois tes mains un peu rugueuses que la vie a frottées avec tous ses travaux. Et ton bonnet entoure ton visage et limite son contour comme tes sentiments entourent ta vie et limitent ses actions. Le soir, tu te fais un peu plus belle, et tu prends un bonnet gaufré. Je préfère celui qui est orné d'un ruban de velours noir. Tu es assise, tu es bien propre, tu fais partie de la chambre, et comme elle, on dirait que tu reluis. C'est comme cela que je t'aime. Tu n'es pas belle comme une femme, puisque tu es maman.

Maman, lorsque tu es assise à la fenêtre, tu couds et tu penses. Je sais bien à quoi tu penses. Tes pensées ressemblent à une allée de vieux tilleuls où c'est toujours plein d'ombre, et tu t'y promènes en respirant. Tu t'y promènes parce que le jour est gris, parce que ton âme est calme et parce qu'une âme calme n'aime pas les changements. Tu penses à la chemise que tu couds, à un gilet, à un pantalon ou à la soupe du soir. Tu te dis: il va falloir à cinq heures que je coupe mon oseille pour faire de la soupe à l'oseille. Tu écoutes mon père qui fait des sabots et tu causes parce que causer fait du bien. La rue entre dans ta pensée avec ses poules et ses passants. Les poules tiennent compagnie aux solitaires et les passants leur donnent des émotions. Tu penses à hier, à aujourd'hui, à demain, au temps qui marche et qui traverse les événements sans qu'on s'y attende.

Mais surtout tu penses à moi. Tes autres pensées sont les pensées de toutes les femmes qui continuent à vivre, sans savoir pourquoi, simplement parce qu'elles ont commencé. Lorsque tu penses à moi, maman, ta vie est une chose nécessaire. Tu veux vivre, non pas tant pour me voir grandir que pour m'aider à cela. Ton cœur est plein de forces et tu veux toutes les employer. Ton cœur est beau comme un monastère où tous les moines à genoux s'unissent pour envoyer à Dieu chacun sa pensée et pour lui faire entendre qu'il est le bien-aimé chez les hommes. Tu m'aimes comme la fin de toutes choses. C'est un dépôt que la nature t'avait confié et elle t'a dit: Femme, je t'ai donné un fils auquel tu apprendras mes lois, je l'ai déposé dans ton sein parce que je suis bonne et pour que tu lui apprennes à me connaître. Alors, maman, tu n'est plus une simple femme qui coud et qui pense, tu es la mère d'un enfant de douze ans, tu te recueilles et tu travailles pour l'Humanité, toi qui prépares un homme.









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