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Les « Entretiens sur l'éducation » est un mensuel publié sans interruption depuis plus de 100 ans.
Le site www.entretiens.ch vous offre la possibilité de consulter en ligne ces extraordinaires archives parcourant/ponctuant au jour le jour l'histoire de l'éducation familiale d'un bout à l'autre du XXème siècle.
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RETOURGénérosité et égoïsme Sans s'être consultées, plusieurs maîtresses d'école ont étudié à cet égard les jeunes enfants qui leur sont confiés. Les récits qui suivent sont contés par elles. Un jour, dans une classe d'anormaux, après une leçon sur la mandarine, il ne restait plus qu'à la déguster; or, le nombre des quartiers se trouva sensiblement inférieur au nombre des élèves. Que faire? Je demandai si quelqu'un voulait s'en passer pour rendre le partage possible. Une bonne demi-douzaine de fillettes, toutes enfants du peuple, s'annoncèrent (pas un garçon!), si bien que, le partage effectué, il me resta encore en mains plusieurs quartiers. Je proposai aux enfants non servies de prendre leur part; croira-t-on que l'esprit de sacrifice l'emporta sur la gourmandise, à tel point, qu'elles préférèrent toutes persister dans leur refus? J'eus l'idée de faire quelques autres expériences du même genre: Je donne à un enfant un certain nombre de pastilles à partager avec un, deux ou trois de ses camarades; je m'arrange à ce que jamais le nombre de pastilles ne soit exactement divisible entre les participants au partage; toujours il en manque ou il en reste de trop. Le plus fréquemment, je donne à un enfant cinq pastilles à partager avec un camarade; si les enfants veulent couper une pastille en deux, je m'y oppose: «C'est trop petit, ce n'est pas la peine». Si les enfants sont trois, je donne à l'un d'eux cinq ou sept pastilles dont il faut faire trois parts. D'autres fois, je varie l'expérience en offrant à un enfant deux morceaux de grandeurs différentes à partager avec un camarade. Jamais, je ne fais l'expérience de but en blanc. C'est après avoir fait faire quelques autres jeux que je sors mes pastilles de chocolat. J'explique la chose de la façon la plus claire; les plus petits ignorent parfois le sens du mot «partager»; dans ce cas, je leur dis: «Voici des pastilles pour ton frère et pour toi; allons prends-les, c'est pour toi et pour ton frère.» … Je me rappelle mon admiration lors de ma première expérience. Un petit gamin des rues (quatre ans), fils de mobilisé, devait partager trois pastilles avec une demoiselle; il lui en tend deux; puis cinq pastilles avec son frère aîné; il lui en donne trois; je lui donne encore deux moitiés et un quart de biscuit pour lui et ses deux frères; sans hésitation, il donne les deux moitiés et garde le quart. Que pouvons-nous déduire de ces expériences? C'est au-dessous de cinq ans que les partages sont le plus naturel sans que l'enfant cherche à paraître généreux vis-à-vis de la personne qui assiste au partage. Chez les enfants pauvres, nous trouvons huit altruistes contre deux égoïstes; et chez les enfants plus aisés, 1 altruiste contre 6 égoïstes! Le plus souvent, on voit ces tout petits enfants des rues, pour partager cinq pastilles, en prendre deux, en donner deux au voisin, hésiter un instant et donner celle qui reste en plus. N'y a-t-il pas là un fait curieux et bien éloquent? Ainsi, malgré les morales, certainement beaucoup plus largement octroyées aux enfants aisés, ceux-ci semblent déjà avoir emprunté à leur milieu ce sens exagéré de la propriété, tandis qu'il est hautement réjouissant de constater chez les enfants des milieux populaires une aptitude aussi nette et aussi précoce au sacrifice, à la bonté? … De nombreux témoignages d'expériences vécues sont venus confirmer la mienne; une personne me parle d'école; une autre, de salles d'hôpitaux, une autre, du service militaire où toujours ce sont les moins fortunés qui se montrent les plus généreux. |
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