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Les « Entretiens sur l'éducation » est un mensuel publié sans interruption depuis plus de 100 ans.
Le site www.entretiens.ch vous offre la possibilité de consulter en ligne ces extraordinaires archives parcourant/ponctuant au jour le jour l'histoire de l'éducation familiale d'un bout à l'autre du XXème siècle.
La survie de la brochure mensuelle imprimée parallèlement à la distribution virtuelle à travers le site est le garant de la poursuite de cette aventure. La rédaction est assurée de façon bénévole par un groupe de parents passionnés par la réflexion et l'écriture autour du vécu familial. Les frais d'impression du journal et la gestion du site (100 000 pages demandées par mois??)....30.- par an (20€).
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Générosité et égoïsme

La scène suivante, qui s'est passée tout récemment dans une école privée, nous montre que la générosité n'est pas l'apanage d'une classe sociale et que dans tous les milieux, les enfants se montrent accessibles à la pitié et savent s'imposer un sacrifice quand on fait appel à ce qu'il y a de meilleur en eux.

Mardi matin à la récréation

Les «Petits» ont reçu un jeu de sable, mais depuis son installation, ce sont les «Grands» qui s'en emparent en toutes occasions.

Trois garçons viennent en embassadeurs.

R, pleurant: Mademoiselle, pourquoi ne nous avez-vous pas donné un jeu de sable au lieu d'un jeu de quilles? Oh! on en voudrait un…

Le jeu de sable va très bien pour les «Petits», dis-je, mais pour vous…, nous avons pensé…

R.: Mais non, nous savons faire des choses très intéressantes nous, eux ne font que des pâtés…

R. pleurant: Oh! ils m'ont défait ma tour, et elle était si belle!

Console-toi petit, fais ta tour et tes tunnels chaque fois que le jeu sera libre et, si les «Petits» les détruisent, tu recommenceras.

R.: Mais, est-ce qu'on ne peut pas avoir un jeu pour nous, je vous assure, je vous ferai des choses très chics….

Le jeu de sable coûte 25 fr., mon garçon, et nous ne pouvons pas vous en donner un second.

R.: Mais on pourrait le payer.

Mais tu n'as pas d'argent.

R.: Que oui, dans ma tire-lire.

A.: On pourrait en gagner.

Eh bien! vous pouvez en parler à vos parents, mais il faut que ce soit de votre argent à vous, et si vous pouviez le gagner en travaillant, ce serait très bien.

Les trois garçons vont annoncer le projet à leurs camarades et la bande revient le discutant et criant hourrah.

Vendredi matin.

R. apporte 2 fr. pour lui, sa sœur et ses deux frères; c'est l'argent de leurs économies. D'autres, encore, apportent quelque argent. J'inscris au fur et à mesure et nous constatons que l'argent apporté nous permet déjà d'acheter les planches pour l'entourage. Nous cherchons l'emplacement et prenons les mesures.

L'enthousiasme est grand, les garçons se distribuent déjà les rôles de constructeur, directeur, ingénieur, etc., etc. il y a promesse de grand travail.

Samedi 9 h. 15.

Toute la bande est au travail. Les garçons mesurent et creusent l'emplacement du sable, les fillettes sont en classe.

J'arrive quelques minutes en retard, ayant été commander les planches destinées au jeu.

D.: Bonjour, Mademoiselle, je sais où vous avez été, vous avez été chercher les planches.

V.: On aura le sable lundi. Voici encore 1 fr. C'est ma maman qui le donne…

Oh que vous êtes des enfants gâtés!

G.: Oh! oui.

Savez-vous, je connais une maman qui ne pourrait jamais donner un centime à ses enfants pour un jeu, quand même ils en auraient très envie, et quand ces enfants gagnent quelques sous eux-mêmes, ils achètent bien autre chose.

G.: Ils achètent du pain, peut-être, parce qu'ils sont pauvres…

Oui, justement, mais quelquefois, ils ne peuvent même pas s'en acheter et ils n'ont rien à leur dîner, ni à leur souper.

D.: Vous les connaissez?

Nous connaissons la maman depuis hier seulement et elle nous a raconté son histoire; c'est si triste.

G. et D.: Dites-la nous, dites, la nous, on va s'asseoir tout près. Les chaises sont immédiatement réunies et le profond silence m'indique tout l'intérêt.

Hier soir, Mademoiselle X. a donné une causerie à des mamans. Elles étaient nombreuses, elles écoutaient toutes.- Dans un angle de la salle, une d'elle avait la tête baissée et de grosses larmes roulaient le long de ses joues.- A quoi pensait-elle? Elle devait avoir un bien gros chagrin.

Lorsque Mlle X. eut fini de parler, nous nous sommes approchées de cette maman, et nous lui avons dit: «Bonsoir, Madame, avez-vous des enfants?

Ses grosses larmes coulaient toujours…

Oui, Madame, J'en ai cinq et je ne sais plus que faire, je n'ai pas de pain à leur donner; à midi, quand je suis rentrée de mon ouvrage, ils criaient tous: «J'ai faim, j'ai faim, maman…» et je n'avais pas de pain à leur apporter et le petit Marcel n'avait pas fait la soupe parce qu'il n'y avait plus rien au logis. Ce soir, ils ont mangé un bout de pain et se sont couchés en me chantant la même chanson que ce matin, j'ai faim, j'ai faim.

Quel âge ont ces petits, Madame?

L'aîné a douze ans, c'est mon Gaston, il est brave, il travaille après l'école, il fait des commissions et gagne quinze francs par mois. Puis, la petite Blanche a dix ans et mon Marcel, oh! mon Marcel, c'est lui qui fait la cuisine tous les jours à midi et le soir, c'est un vrai petit homme, vous savez, il a un cœur d'or. Ah! si je vous disais…. quelquefois il n'y a plus de pain, n'est-ce pas, et quand ils ont faim, je leur partage le mien…. eh bien, lui - il cache son morceau et me l'apporte après. Il a neuf ans, il est tout pâle, je n'ai pas pu le soigner. Il y a encore les deux cadets, la plus petite a six ans. Ils vont tous a l'école, tandis que je travaille en journées, je fais des lessives et des nettoyages. Mais pour cinq enfants, il en faut des vêtements, et chaque jour, le pain, je ne peux leur en donner assez. Oh! que faudra-t-il faire?

… Quelques secondes de silence, les fillettes pleurent. D. se lève et dit très-sérieusement «On ne peut pas avoir un jeu de sable, puisqu'ils n'ont pas de pain!»

G. Il faut leur porter notre argent aujourd'hui pour qu'ils aient du pain demain, c'est dimanche.

… Vous avez une très bonne idée, mais que penseraient vos parents?

G. Oh, ils seront encore plus heureux…

Mais… et les garçons qui mesurent et creusent.

D. On va les chercher et leur dire…

Les garçons rentrent.

A. se réjouissant: «Oh! c'est chic, c'est chic, ça mesure 3 mètres de long sur 1 1/2 mètre de large.

R. Il en faudra du sable, mon vieux.

D. Vous savez, il est arrivé quelque chose.

A. Oui, les planches sont là, heim?

D. Non, on ne veut pas de sable, on veut donner notre argent à une maman qui n'a pas de pain pour ses enfants.

G. N'est-ce pas, vous donnerez le vôtre?

F. ça, c'est sûr.

A . Oui, oui.

R. Faut le compter combien est-ce que ç'a fait?

Nous vidons l'argent dans un plateau, en quelques minutes nos garçons additionnent toutes les pièces et trouvent la somme de 8 fr. 95 qu'ils annoncent avec un hourra; il manque un sou pour faire neuf francs, qui en a un?

R. Ça fera beaucoup de pain.

A. Ça aurait fait des belles planches.

F. C'est drôle, l'argent était pour des planches et on le prend pour du pain.

G. Ç'est pas drôle, c'est bien mieux.

S. Il faudrait faire un joli dessin pour chaque enfant.

F. Il faut leur donner la jolie gravure de notre calendrier, ce sera pour la maman.

Tous se mettent à l'œuvre, les dessins sont jolis, les messages naïfs, mais pleins de tendresse. - A 11 h. 30, le petit paquet est terminé et je promets d'aller le porter.









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