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Les « Entretiens sur l'éducation » est un mensuel publié sans interruption depuis plus de 100 ans.
Le site www.entretiens.ch vous offre la possibilité de consulter en ligne ces extraordinaires archives parcourant/ponctuant au jour le jour l'histoire de l'éducation familiale d'un bout à l'autre du XXème siècle.
La survie de la brochure mensuelle imprimée parallèlement à la distribution virtuelle à travers le site est le garant de la poursuite de cette aventure. La rédaction est assurée de façon bénévole par un groupe de parents passionnés par la réflexion et l'écriture autour du vécu familial. Les frais d'impression du journal et la gestion du site (100 000 pages demandées par mois??)....30.- par an (20€).
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Correspondance.

On nous écrit:

Parents aidez-nous!

Nous autres, maîtres d'écoles, nous avons de l'ambition pour vos enfants. Nous voudrions non seulement les instruire, mais leur donner pour la vie une source intarissable de bonheur. Vous aussi, vous le voulez. Mais souvent votre conception du bonheur diffère de la nôtre - au moins à quelques-uns de nous. -

Nous voudrions que l'école soit un lieu où l'on n'ait que de bonnes pensées généreuses et saines; où l'on soit franc, ouvert; où l'on apprenne que si la perfection n'est pas de ce monde, la marche incessante vers le mieux en est, et qu'elle suffit.

C'est si judicieux, une tête d'enfant. Cela voit si net et si droit. Il est si facile de faire sentir à l'enfant que le plus grand bonheur - le seul véritable - est de faire le bien; que le seul véritable malheur est de faire le mal.

Je veux parler des enfants normaux, c'est-à-dire, heureusement, encore la presque totalité. Mais, que de fois l'éducation familiale - ou l'absence d'éducation - vient tuer dans l'œuf le germe de généreuse ardeur de l'enfant.

Dernièrement, j'avais à faire appel à l'esprit de solidarité et à la bonté de cœur de mes garçons en faveur d'orphelins. Après ma causerie, les yeux brillaient et presque tous ces enfants m'ont dit avec élan: «J'apporterai tout mon argent». C'était joli de voir tous ces sourires et ces visages pleins d'animation. Hélas! Je savais bien d'avance que cette «folie» des enfants serait corrigée par le «bon sens» des parents et, en effet, le lendemain, tel qui, radieux, m'avait dit qu'il apporterait cinq francs de son argent personnel, m'en apporte un; tel autre m'apporte dix sous et tel autre, rien du tout.

(Il ne faut blesser personne et c'est là que le maître d'école doit trouver le difficile mot qui ne froissera point l'enfant dans son amour et son respect des parents, et qui le maintiendra pourtant dans le vif sentiment des grandes vérités qui dominent les parents comme elles dominent les enfants et les maîtres).

Il y avait dans la classe un petit garçon de sept ans qui - heureusement dans ce cas - n'est guère contrarié dans sa famille dont il est le dernier enfant. Il m'avait annoncé très fermement qu'il possédait vingt sous et qu'il les apporterait. C'était dit, et il les apporta, en effet, et ses yeux brillèrent de belle joie.

Et puis, quand tout le monde eut donné son obole, voilà qu'un pauvre garçon miséreux, lamentable, pauvre être déshérité de toutes les façons, arrive en souriant de sa large bouche - et quel sourire et me dit qu'il a apporté ses sous, lui aussi. Dix sous! Quelle joie dans tous ses traits; il en était presque beau. Ce don émouvant - fait des sentiments complexes, que je devinais, illumina la classe.

Mettons que les enfants aimant à donner des sous ne donneraient pas aussi volontiers des bonbons et surtout des jouets, qui ont pour eux une sorte de personnalité.

Mais pourtant, ils savent bien tous qu'avec leur argent ils pourraient se procurer au moins quelques bonbons.

Et pourquoi les parents arrêtent-ils si souvent l'élan de leurs enfants? Ils leur donnent volontiers quelques sous pour s'acheter des friandises - croyant ainsi les rendre heureux. Ils les entraînent à jouir de plaisirs égoïstes, comme si les enfants n'étaient pas réellement plus heureux de goûter une joie plus haute. Cela, je puis l'affirmer, l'immense majorité des enfants que j'ai vus avaient réellement une profonde joie à se priver de quelque chose pour d'autres. Ils n'y viennent que fort rarement d'eux-mêmes, cela est vrai, mais comme ils sentent vite qu'il est plus beau de donner quelque chose que de garder tout pour soi, et comme ils jouissent de le faire, dès qu'on éveille en eux ce désir!

Et enfin, il y a un autre sentiment qui intervient, oh! très mystérieusement sans doute. Donner est le signe et la vertu d'une puissance, d'une richesse; donner est le geste du possesseur de trésors, donner est l'attitude du fort, donner est un bel acte de vie.

La joie de donner est une des plus douces de l'existence humaine. Pourquoi ne pas la laisser faire son œuvre sur l'âme des enfants.

Il me souvient que dans une école où je venais d'arriver, je demandais un jour à mes élèves: «Aimez-vous mieux donner ou recevoir?» Toutes les voix avaient répondu: «recevoir», sauf une, toute vibrante, qui sortait d'un pâle visage de garçonnet aux yeux profonds, - et j'ai encore dans l'âme l'accent de ce beau mot: «oh! donner!» Toute la joie - une joie intime était pour lui. Les autres enfants ne pouvaient pas avoir eu - et n'avait pas eu en effet - un accent aussi profond.

Laissons les enfants faire à l'occasion une belle folie, comme de donner d'un coup tout ce qu'il ont. La joie intense qu'ils en garderont pour toujours vaudra bien une petite épargne. La vie, plus tard se chargera de leur donner le sens de cette épargne, en leur en imposant la nécessité.

Et d'ailleurs, on peut tout concilier: le besoin des habitudes d'économie avec l'élan merveilleux qui porte quelques enfants à donner ce qu'ils possèdent avec des sourires d'anges.









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