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La Tradition
Une chose en elle-même très bonne peut devenir nuisible par l'usage qu'on en fait
La tradition comme toutes les choses humaines, est mêlée de bien et de mal. Eprouvons toutes les traditions et retenons les meilleures. Faisons alliance dans le passé avec toutes les bonnes forces et disons-nous toujours que la meilleure façon de nous rendre vraiment dignes de nos ancêtres est de continuer avec intelligence leurs œuvres bonnes, en nous appliquant d'autre part à supprimer et à réparer leurs erreurs, leurs fautes et leurs crimes
Une bonne tradition peut devenir funeste si elle ne se maintient pas dans les limites voulues; on ne saurait trop insister sur ce point. La vie nous donne d'ailleurs une forte leçon de choses. Sans cesse le passé s'en va, poussé par la puissance irrésistible du temps. La vieillesse et la mort s'emparent des générations et les couchent au tombeau. Les œuvres des hommes et leurs civilisations disparaissent pour faire place à la vie fraîche et jeune. Cela nous prouve que si les enseignements et les expériences du passé doivent être gardées comme une bonne acquisition, la principale place doit rester à l'activité de ceux qui vivent à présent. Les morts ne doivent pas obstruer la place des vivants. Or, c'est là ce qui arrive partout où les vieilles traditions ont pris toute la place et fermé toutes les issues. Les vivants ne peuvent plus bouger; ils étouffent. Leur pensée et leur activité sans cesse ramenées vers les choses mortes, finissent par s'étioler dans l'air des tombeaux
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Une bonne tradition est l'institution d'un jour de repos par semaine. Partout où cette tradition existe, il faut la maintenir comme un des droits les plus sacrés de l'homme. Mais si, sous prétexte que c'est votre jour de repos, vous refusez de ramasser un blessé sur le chemin ou d'allumer du feu près de quelqu'un qui grelotte, cela s'appelle tirer un usage absurde d'une tradition intelligente.
C'est une bonne tradition de se laver les mains avant de prendre son repas. Je suppose qu'on vous ait dit à maintes reprises: ne vous mettez jamais à table avant de vous être lavé les mains. Mais voici qu'un jour le repas est servi et il n'y a pas d'eau nulle part pour vous laver. Ne mangerez-vous pas et continuerez-vous à refuser toute nourriture jusqu'à ce qu'il se trouve de l'eau? Mais non. Le bon sens vous dira que pour cette fois, mieux vaut manger sans se laver les mains
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Le monde est plein de bonnes vieilles traditions dont la routine, le manque de discernement, la bêtise, font des instruments malfaisants.
Quoi de meilleur qu'une méthode dans l'enseignement pour apprendre à dessiner, jouer d'un instrument, chanter, exercer un art ou pratiquer une science, il faut de la méthode. Mais aux mains des pédants, la méthode traditionnelle la plus raisonnable devient odieuse. Ils l'appliquent à tort et à travers et finalement elle ne sert plus qu'a abrutir les élèves au lieu de les former.
La discipline est une tradition salutaire, partout, au régiment comme à l'école et dans la vie civile. Mais laissez faire les gens qui exécutent aveuglément les consignes et ne savent ni les tempérer par le tact et la justice, ni les éclairer par les réflexions: ils feront de l'école une prison, de la famille un pénitencier, de la caserne un bagne.
Résumons nos idées sur ce sujet d'importance capitale. On ne saurait se passer de traditions. Mais il faut faire son choix entre ce que le passé nous a légué et ne pas confondre la balle avec le blé. Une vie sans tradition est une calamité; une tradition sans vie en est une autre. Mais de toutes les calamités, la pire, la voici: une société déchirée en deux fractions ennemies dont l'une est attachée aux traditions mortes et dont l'autre veut détruire toute espèce de tradition. La vie normale demande que la tradition et la vie s'unissent, se soutiennent, se corrigent et se fortifient l'une l'autre.
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