Accueil
   

 

 

 

RECHERCHES
Rechercher un mot dans les articles:


Recherche avancée
• par mots
• par thèmes

ARCHIVES DE TOUS LES ARTICLES



AUTRES MENUS
ACCUEIL
ADRESSES
  • Adresses utiles
  • Bibliographie
  • Liens Internet
LE JOURNAL






Les « Entretiens sur l'éducation » est un mensuel publié sans interruption depuis plus de 100 ans.
Le site www.entretiens.ch vous offre la possibilité de consulter en ligne ces extraordinaires archives parcourant/ponctuant au jour le jour l'histoire de l'éducation familiale d'un bout à l'autre du XXème siècle.
La survie de la brochure mensuelle imprimée parallèlement à la distribution virtuelle à travers le site est le garant de la poursuite de cette aventure. La rédaction est assurée de façon bénévole par un groupe de parents passionnés par la réflexion et l'écriture autour du vécu familial. Les frais d'impression du journal et la gestion du site (100 000 pages demandées par mois??)....30.- par an (20€).
En dehors du grand intérêt pour vous de cette matière exceptionnelle, que vous soyez jeune parent, chercheur dans une université ou simplement intéressé par l'évolution des comportements humains, votre soutien par l'intermédiaire d'un abonnement nous est indispensable.
Pour les pays lointains et si vous ne désirez pas profiter de la version papier, un abonnement sous forme de pdf est accessible au même prix annuel de CHF 30. Il vous donne un accès complet aux archives
RETOUR

Où peut conduire l'usage du vin?

(Extrait d'une causerie adressée à des mères par un médecin.)

L'emploi de l'alcool comme boisson n'a pas comme seules conséquences fâcheuses l'ivresse, résultat de l'empoisonnement du cerveau par une dose plus ou moins élevée d'alcool et l'ivrognerie aboutissement d'ivresses répétées.

L'ivresse et l'ivrognerie, avec toutes leurs conséquences, déchéance morale et intellectuelle, misère, crime et folie, sont les manifestations à grand éclat de l'intoxication aigüe et chronique par les boissons alcooliques. Non moins importantes par leurs effets sur l'individu, la famille et la société sont les manifestations lentes et plus ou moins cachées de l'empoisonnement alcoolique.

Il existe en effet un alcoolisme insidieux ou petit alcoolisme (dans nos contrées de vignobles c'est la forme dite «vinisme» qui prédomine) dû à l'usage habituel, quotidien, de boissons alcooliques à des doses insuffisantes à produire l'ivresse, mais capables cependant de produire peu à peu des altérations cellulaires de divers organes. Or, les organes les premiers atteints sont le cerveau et les glandes de la reproduction. Ce fait, constaté de tous temps, a trouvé dans de récentes recherches scientifiques sa confirmation et une compréhension plus exacte. Des découvertes expérimentales et anatomiques démontrent que les cellules nerveuses et les cellules germinatives sont, du fait de la constitution chimique de leur enveloppe, plus perméables que d'autres à l'alcool introduit dans le sang par la boisson. Ainsi l'alcool se trouve être à la fois un poison de l'individu, dont il altère l'organe le plus noble, celui de la pensée, de la sensibilité, de la volonté, et un poison de la race, puisqu'en détériorant les cellules de la semence et de l'œuf humain, il porte son action délétère sur la descendance du buveur.

L'alcool qui possède cette propriété destructive de nos organes est l'alcool éthylique contenu dans les boissons fermentées (vin, bière, cidre) comme dans les boissons distillées dites liqueurs. Deux décilitres de vin ordinaire (6%), un verre à bordeau de vin plus fort (8 %), une «mousse» ou petite chope de bière, renferment autant d'alcool absolu qu'un verre à liqueur d'eau-de-vie. Vous désireriez savoir à partir de quelle dose par repas ou par jour l'usage habituel du vin, si bien supporté, en apparence, par tant de personnes, devient nuisible au cerveau et aux glandes reproductrices. A cette question, le médecin ne peut donner de réponse précise, à cause des grandes différences qui distinguent un individu d'un autre en ce qui concerne la sensibilité de son cerveau à l'action de l'alcool; cette sensibilité est particulièrement vive chez l'enfant, dont le cerveau est en voie de développement rapide et chez les personnes à hérédité névropathique, notamment chez les descendants d'alcooliques.

Poison du cerveau, l'alcool, pris longtemps à des doses considérées par beaucoup comme modérées, modifie peu à peu le fonctionnement de l'organe qu'il attaque sournoisement. Le «petit alcoolisme» reste pendant longtemps compatible avec une bonne santé générale. Voyez cet aubergiste à la figure joviale et rubiconde; ce n'est qu'après des années que son gros ventre s'affaissera, que son embonpoint disparaîtra, que son teint rouge deviendra pâle ou terreux; mais avant que se dessinent ces indices de l'atteinte du foie, longtemps avant, les signes de l'altération cérébrale se seront manifestés. Toutes les fonctions de l'organe pensant sont troublées, mais les troubles de la sensibilité précèdent ceux des facultés proprement intellectuelles. L'individu que frappe le «vinisme» peut pendant des années briller dans sa carrière; débitant ou agriculteur, fonctionnaire, magistrat ou politicien (ces catégories de citoyens sont chez nous les plus atteintes par l'alcoolisme insidieux), il jouira souvent d'un certain prestige et d'une popularité que favorisent l'usage du «verre de l'amitié», ainsi que la bonne humeur et l'éloquence momentanées des premiers verres. En effet, comme le montrent les expériences des laboratoires de psychologie expérimentale, une dose non enivrante d'alcool produit chez un adulte normal une première phase d'excitation des fonctions cérébrales; cette courte phase est suivie de leur perturbation, puis de leur paralysie, celle-ci est accompagnée d'anesthésie morale, c'està-dire que, après avoir pris de l'alcool, l'individu est moins apte qu'avant à contrôler ses instincts; avec l'alcool il y a suppression du frein moral. Ces données sur l'effet d'une dose unique d'alcool permettent de comprendre les modifications du caractère qui chez le buveur d'habitude précèdent l'affaiblissement de l'intelligence. Les aspirations élevées, l'amour du prochain, l'attachement à sa famille persistent plus ou moins longtemps chez lui, mais ces sentiments se traduisent de moins en moins par des actes, parce que la maîtrise de soi, le contrôle des instincts et impulsions, la volonté et l'énergie diminuent à mesure que l'intoxication augmente; peu à peu la recherche des jouissances matérielles, la préoccupation de soi, la crainte de l'effort moral rendent de plus en plus stériles les qualités et saines tendances de l'individu; sa sensibilité affective ne se traduit plus que par une sensiblerie de surface, par des accès d'attendrissement; elle devient susceptibilité, irritabilité, jalousie. La perte du sens moral, du sentiment des responsabilités, de la volonté achèvent la déchéance morale de l'individu le plus doué moralement dont l'usage continu du vin a altéré le cerveau. Cette altération porte également, en général plus tardivement sur les fonctions intellectuelles: faculté d'attention, de jugement, mémoire, d'où diminution, graduelle de l'aptitude au travail.

C'est ainsi que, indépendamment de l'ivresse et de l'ivrognerie caractérisée auquel il conduit, l'usage habituel des boissons alcooliques (vin, bière aussi bien que liqueurs) peut entraîner un abaissement de la valeur morale, puis intellectuelle et physique, de l'individu le plus robuste et le mieux doué. On conçoit que dans notre pays où tant d'hommes utiles et honorés boivent du vin en toute occasion, aux repas, en société, aux fêtes, en faisant des affaires et de la politique, cette habitude constitue une des plus grandes entraves au progrès matériel et moral de notre civilisation, un des plus graves facteurs de désordre, de misère et d'injustice dans nos familles et dans la société.

Récemment un honorable père de famille, chef respecté d'une entreprise commerciale, venait demander aide à la consultation du dispensaire anti-alcoolique de Montreux (office de patronage aux victimes de l'alcoolisme). Jamais il ne s'était enivré; mais il s'apercevait depuis quelque temps que dans ses propos avec ses employés ou en famille, au cours de parties de cartes avec ses amis, il n'était plus maître de son langage, se laissant facilement entraîner à des médisances, à des reproches injustifiés, à des colères qu'il regrettait ensuite. Heureusement, conscient du changement fâcheux qui s'opérait en lui et l'attribuant à l'effet du vin qu'il avait coutume de boire, sans excès pensait-il, à ses repas et parfois le soir avec des amis, il désira et put s'arrêter sur la pente qui le conduisait rapidement au désordre, brouilles, scènes de famille etc. Bientôt, son cerveau désintoxiqué par l'abstinence, il retrouva l'égalité d'humeur et la maîtrise de soi qu'il avait passagèrement perdues.

Ceci est un exemple entre mille de l'intoxication cérébrale insidieuse.

L'alcool n'est pas seulement destructeur du sentiment, de la pensée et de la volonté, il est en même temps un poison de la race. Introduit avec les boissons dans la circulation sanguine, il entre en contact avec les organes de la reproduction, dont les cellules possèdent à son égard la même sensibilité et fragilité que celles du cerveau; traversant leur enveloppe, il porte son action sur le noyau cellulaire destiné à produire l'œuf chez la femme, la semence fécondante chez l'homme. Cette action décelée par les méthodes de l'anatomie microscopique et de la chimie cellulaire permet de présumer que l'alcool en empoisonnant ou modifiant la structure intime du germe crée des tares chez le descendant du buveur.

Cette présomption est justifiée sans aucun doute possible en ce qui concerne diverses espèces animales. De nombreuses expériences, poursuivies pendant des années, reprises, critiquées, contrôlées par des commissions scientifiques en divers pays, ont établi le fait que des mammifères auxquels l'on fait absorber de faibles doses d'alcool, insuffisantes à altérer leur santé, procréent une descendance de qualité inférieure, des morts-nés ou qui succombent peu après leur naissance, d'autres porteurs d'anomalies et monstruosités variées, d'autres, enfin, simplement inférieurs en taille et en poids aux produits de sujets non alcoolisés de la même espèce.

En ce qui concerne la race humaine, la démonstration de cette loi ne peut être établie aussi rigoureusement. Pour ne pas risquer d'émettre ici une conclusion qui ne soit pas fondée sur des bases scientifiques incontestables, nous dirons, avec le Dr Preisig (Revue de Biologie Sociale, 1921, n° 10): «On peut penser que l'alcool souvent ne crée pas les tares, mais se borne à les rendre apparentes chez les descendants, de latentes qu'elles étaient chez les ascendants… En pratique, cela ne fait aucune différence… Si l'alcool révèle et donne vie à des éléments qui, sans lui, seraient restés inertes, invisibles, et qui tendraient à disparaître avec les générations, il y a là une action bien funeste.»

Cependant, les données concordantes d'innombrables travaux, de statistiques faites en divers pays sur la descendance des alcooliques et un certain nombre de faits isolés, d'une valeur incontestable, imposent la conviction que, chez l'homme comme chez le cobaye, le lapin et le chien, l'alcool peut détériorer, les germes et nuire ainsi à la vitalité des descendants.

Il y a lieu de distinguer deux modes de transmission de tares à la descendance, selon qu'elle est le résultat d'un empoisonnement passager ou celui d'une altération lente du germe par intoxication chronique. La première de ces éventualités, c'est la procréation après ivresse. De nombreux faits de cet ordre ont été relatés depuis l'antiquité jusqu'à nos jours.

Lycurgue, le législateur de Sparte, avait édicté une loi interdisant l'usage du vin les jours de mariage.

Diogène interpellait un jour un idiot en lui disant: «Ton père était ivre lorsqu'il t'a conçu!»De nos jours, en Belgique, le peuple appelle les idiots «enfants du dimanche», signifiant par ce sobriquet que leur idiotie provient de ce qu'ils ont été conçus à la suite de quelque libation dominicale. Cette cause d'idiotie et d'imbécilité a été fréquemment relevée par des médecins. Le Prof. Combe, de Lausanne, qui l'avait constatée plusieurs fois dans sa clientèle, citait la lettre du père d'un idiot qui, reconnaissant avoir procréé son enfant après avoir trop bu, ajoutait: «Et pourtant, c'est la seule fois de ma vie que je me suis enivré!»

S'il suffit d'une seule ivresse du père pour produire chez l'enfant les lésions du cerveau qui font de lui un idiot, ne doit-on pas en déduire qu'une intoxication moindre, un état de demi-ivresse, peut occasionner chez l'enfant des altérations nerveuses moins graves, suffisantes, cependant, pour le doter d'une moindre résistance à l'égard des chocs moraux et physiques que son existence lui réserve, pour la prédisposer aux convulsions de l'enfance, puis à la nervosité et aux affections mentales? Il est évident que le risque d'une production d'une tare chez l'enfant est plus grand si les deux conjoints étaient alcoolisés lors de la conception. Sachons aussi que cette alcoolisation passagere ne confère pas nécessairement à celui ou celle qui en est atteint les allures grossières de l'ivresse du cabaret. N'y a-t-il pas dans les salons une façon élégante d'être «allumé» à la fin d'une fête? Chez le monsieur bien-né, auquel l'éducation a inculqué le souci des bonnes manières, l'intoxication par les bons crûs conserve jusqu'à un certain degré des allures distinguées, elle n'en affaiblit pas moins le contrôle des instincts et le sens des responsabilités; ses effets éloignés n'en suivent pas moins leur cours.

Dans le second mode de production de tare chez les enfants par l'alcool, nous avons à faire, non plus à l'empoisement occasionnel des germes, mais à leur détérioration progressive sous l'effet de l'intoxication continue de leur porteur. Il s'agit donc de l'effet de l'alcoolisme chronique des parents sur leur descendance. Les recherches statistiques, dans lesquelles les causes d'erreurs ont été écartées avec le plus grand soin, montrent que les cas de tuberculose, de maladies nerveuses et d'affections mentales sont de beaucoup le plus fréquentes dans la descendance des alcooliques, moins dans celle des modérés, moins encore dans celle des abstinents. Les affections, anomalies de conformation, tares de dégénérescence attribuables à une ascendance alcoolique se montrent sous des formes multiples et à tous les degrés de gravité. Ce sont notamment des arrêts de développement frappant le cerveau (hydrocéphalie, idiotie) ou l'organisme entier (nanisme ou insuffisance du poids et de la taille, comme le fait constater le recrutement militaire dans certaines contrées de la Suisse, nervosité, épilepsie, etc…).

On a constaté aussi dans la descendance des buveurs la fréquence des femmes incapables d'allaiter leurs enfants.

Ainsi, l'alcool, qui abaisse la valeur de l'individu, est aussi un facteur important de dégénérescence de la race humaine. La connaissance de ce fait nous confère de grandes responsabilités, celle, entre autres, de faire connaître ces vérités.

Toute future mère doit savoir les conséquences de l'usage du vin pour son mari, ses enfants et pour elle-même; elle doit savoir que l'alcool qu'elle absorbe est rapidement répandu par le sang dans tous ses tissus et organes; on peut notamment constater sa présence dans le «placenta» d'où, pendant sa vie intra-utérine, l'enfant en formation reçoit les principes nutritifs que lui transmet sa mère. On le retrouve aussi dans le lait de la nourrice. Ces notions, récemment acquises, doivent faire tomber l'usage de donner des vins dits «fortifiants» aux femmes enceintes et de la bière aux nourrices… L'alcool ne fortifie pas; ces vins sont recommandés à cause des principes toniques et reconstituants qu'ils renferment (quinquina, kola, phosphates); la bière, à cause du malt qui sert à sa préparation. Or, ces principes toniques et le malt seront pris avec grand avantage sans être associés à l'alcool.

L'abstinence totale des boissons alcooliques n'offre jamais, dans aucune circonstance, le moindre inconvénient pour la santé. Elle devrait être la règle pour tous les enfants, puisque leur cerveau, en voie de développement, est particulièrement sensible à l'alcool. Elle devrait l'être pour la même raison pour les personnes dont le système nerveux est doué, par hérédité, maladie, surmenage, d'une fragilité particulière, pour toutes celles qui comptent dans leur ascendance des nerveux, des aliénés, des buveurs. Elle devrait être adoptée, sans regret, pour la sécurité et la joie qu'elle procure, par les adultes appelés à procréer, par la femme qui va être mère, par celle qui nourrit son enfant, par tant d'autres personnes, enfin, qui croient à la puissance de l'exemple et ont le sentiment de la solidarité humaine.









www.entretiens.ch fait partie du réseau « NETOPERA - culture - société - éducation sur Internet » et pour la photographie PhotOpera - Uneparjour || DEI - Défense des Enfants - International
ROUSSEAU 13: pour allumer les lumières - 300 de Rousseau  ROUSSEAU 13: les IMPOSTURES - 300 de Rousseau - portraits déviés PHOTOGRAPHIE:Nicolas Faure - photographe d'une Suisse moderne - Le visage est une fiction - photographie de l'image brute - Laurent Sandoz - comédien et acteur professionnel - Genève