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"Ton fils"
J'étais absent, lorsque mon fils premier né vint au monde. Ma femme était allée chez sa mère pour cette première naissance et l'on ne put me prévenir à temps. Je reçus cette dépêche: «Ton fils est né, tout va bien».
A mon arrivée, lorsque je fus introduit auprès du lit de la jeune mère, elle achevait d'allaiter le nouveau-né, et elle me le présenta aussitôt en me disant: «Ton fils» - Je corrigeai: «Notre fils!» - Elle sourit: «Oui, notre fils!»
Les années passèrent, des filles naquirent, puis un autre fils et tous deux nous avions le sincère désir d'élever le mieux possible toute cette chère petite famille. Mais il advenait souvent que nos enfants se trouvaient incontinent les enfants de l'un ou de l'autre, lorsque quelque chose ne marchait pas: «Ton fils est insupportable! … Ta fille n'a pas voulu obéir…» Ah! que de fois, je les ai entendues, ces phrases-là! … Et, Dieu me pardonne! je crois que ma femme a entendu pas mal de fois aussi les suivantes ou similaires. «Débarrasse-moi de tes enfants!… Ta Juliette (ou ta Marthe) est trop fatiguante!…
De telles phrases se prononçaient dans des moments où père et mère ne s'entendaient pas tout à fait, où Madame avait ses nerfs, où Monsieur était surmené. En soi, ce n'était que risible; mais nous ne tardâmes pas à nous apercevoir qu'en grandissant les enfants faisaient habilement leur profit de ces petites mésententes pour obtenir de l'un ce que l'autre refusait, pour éviter une punition, pour s'esquiver au moment psychologique.
Et un jour, ma femme me dit: Tu sais si ce n'était que bête, nous pourrions continuer; mais c'est mauvais pour les enfants; il faut qu'ils nous sentent en constante union pour que nous participions à leur formation, chacun dans la mesure qui lui appartient. Donc, j'ai pris la résolution de ne plus jamais te parler de ton fils, de tes enfants, il faut que tu la prennes aussi à mon égard». - J'acquiesçai d'autant plus volontiers que je trouvais cela, de ma part comme de la sienne, parfaitement ridicule; et puisque cela dénotait des nervosités qui sont des plus déplorables dans l'éducation.
Vous dirais-je que notre mutuelle résolution fut aussitôt parfaitement tenue?… Non, car je mentirais. Mais elle y arriva peu à peu; et notre plus douce récompense fut cette réflexion plaisante de notre fils qui avait deviné nos efforts: «Ah! que cela semble bon d'être toujours maintenant les enfants de vous deux à la fois!»
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