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Les « Entretiens sur l'éducation » est un mensuel publié sans interruption depuis plus de 100 ans.
Le site www.entretiens.ch vous offre la possibilité de consulter en ligne ces extraordinaires archives parcourant/ponctuant au jour le jour l'histoire de l'éducation familiale d'un bout à l'autre du XXème siècle.
La survie de la brochure mensuelle imprimée parallèlement à la distribution virtuelle à travers le site est le garant de la poursuite de cette aventure. La rédaction est assurée de façon bénévole par un groupe de parents passionnés par la réflexion et l'écriture autour du vécu familial. Les frais d'impression du journal et la gestion du site (100 000 pages demandées par mois??)....30.- par an (20€).
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Les pourquoi?

La page suivante est tirée d'un livre récent de Duhamel: Les Plaisirs et les jeux. Nous le recommandons à nos lectrices.

Le sanglier mort est pendu la hure en bas. La livrée est grisonnante; c'est une bête âgée. Du groin, encore souillé de terre, tombent des gouttes de sang qui forment sur le pavé une affreuse tache cramoisie. Les soies sont rares et roides.

Devant ce farouche trophée, le petit homme s'arrête, hérissé, d'instinct, comme un jeune limier qui rencontre la carcasse d'une bête ennemie.

- Qu'est-ce que c'est?

- Un sanglier. Une espèce de cochon sauvage.

Il réfléchit un instant, puis lâche une meute de questions que je reçois aussi courageusement que possible. Et pour finir:

- Sa peau … Elle est en quoi?

- Hum ! En peau.

- Ah! Et ses poils?

- Eh bien, en poils.

- Ah! Ah!

Il esquisse un mouvement des épaules. Il n'est visiblement pas très satisfait de mes explications. Qui pourrait le satisfaire? Il déverse sur le monde une curiosité corrosive qui s'insinue partout, attaque tout, décolore et met à vif le misérable savoir des hommes.

Avide, affamé, il ne prend même plus la peine d'articuler le mot magique. Il a dit cent fois et assez nettement «pourquoi», il se hâte et ne dit plus que «pouroi», puis «pouhoi» et enfin «poua», «pra», «pra». S'il pouvait, pour aller plus vite, il remplacerait ce mot par un signe du doigt, par un clignement de la paupière.

Peu à peu, au fur et à mesure qu'il avance dans le ténébreux maquis de la connaissance, il use du «pourquoi» avec plus de modération. Souvent, la pudeur lui coupe la parole. Cette question qui lui brûlait la langue, il ne la posera pas. Peut-être a-t-il peur de savoir; peut-être a-t-il honte de sa curiosité, peut-être encore préfère-t-il son rêve aux explications qu'on lui donnerait; peut-être même devine-t-il qu'on va lui faire une de ces «réponses pour petit enfant» dont il pressent la vanité.

Mais il ne renonce pas complétement au «pourquoi». Il le manie avec adresse, avec réserve. Il l'applique au point sensible, tel le boxeur un coup savant. Le moment vient donc où, hors de combat, j'avoue: - Je ne sais pas.

Alors, lui, me regardant en face.

- Pourquoi que tu ne sais pas?

Parfois, il néglige de s'adresser à nous; il néglige même de formuler toutes ces questions qui s'agitent dans son esprit. Sa curiosité rêve et rôde sans objet précis. Comme un sage au faîte de l'angoisse, le petit homme murmure ce seul mot: «Pourquoi…»









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