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La Joie

Souvent les moyens matériels manquent pour des bienfaits considérables, mais il y a telles petites attentions du cœur qui donnent plus de plaisir aux âmes que des dons somptueux.

Un de mes amis de Rome accompagnait un jour un médecin de sa connaissance dans l'un des faubourgs les plus misérables de la ville. Il vit tout à coup, dans l'allée qui précède le quartier populaire, une femme en haillons sortir de derrière un arbre où elle s'était dissimulée, s'approcher du docteur, et lui tendre un petit bouquet de violettes fraîches. Le médecin prit le bouquet, sourit en silence et passa les fleurs dans sa boutonnière avec le geste machinal dont on accomplit les actes quotidiens, mais sans mettre la main à sa poche. Déjà la malheureuse s'était éloignée. Mon ami, étonné de ce manque de générosité, voulut courir après elle pour lui donner quelques sous, mais son compagnon l'arrêta:

- Vous l'offenseriez, dit-il.

Et comme l'autre insistait pour avoir une explication de la petite scène, le docteur raconta que, durant une épidémie de diphtérie, il avait eu le bonheur de sauver un des enfants de la pauvre femme. Grande joie dans le misérable ménage! Mais on n'avait pas d'argent pour payer le médecin. Alors, voulant absolument lui prouver sa gratitude, la mère reconnaissante se levait à l'aube, chaque jour, pour courir la campagne à la recherche des premières violettes. Puis elle guettait son passage et glissait le bouquet dans les mains qui avaient sauvé son fils. La première fois, le médecin avait voulu donner quelqu'argent en échange des fleurs mais le regard que lui lança la femme était si rempli de reproche, qu'il laissa loin l'or les pièces de monnaie et ne recommença plus.

- Je n'oserais pas, murmura-t-il avec émotion, en tirant d'un geste carressant les tiges des violettes, afin de mieux les assujettir à sa boutonnière.

Mon ami demanda:

- Ces fleurs vous font donc réellement plaisir?

- Très réellement, répondit le docteur, c'est un petit rayon de soleil qui me réchauffe!

Si l'on pensait davantage au petit rayon de soleil dont on pourrait éclairer tant de vie ternes, la somme des joies croîtrait en ce Monde, ce qui rétablirait l'équilibre car jusqu'ici elle a été terriblement inférieure à celle des douleurs.

Mais pour donner du plaisir aux autres, il faut que nous nous fassions un peu de joie dans nos âmes. Or, l'éducation de la joie est à faire. Entourés de sources de jouissances, nous ne savons ni les découvrir, ni nous y abreuver. Apprendre à discerner et à goûter la beauté et la poésie des choses est une science qui exige des études. Chacun de nous en a plus ou moins fait l'expérience: tel aspect qui nous laissait indifférent nous devient cher tout-à-coup, parce que, l'ayant mieux regardé nous en avons perçu le charme. L'amour de la nature, par exemple, n'est pas toujours spontané…..

Pour beaucoup de gens la nature est belle, mais muette et froide. Ils ne sont pas entrés avec elle en communion intime, ils n'entendent pas ses voix; l'esprit des eaux, celui des forêts, et des montagnes ne leur parle jamais. Ils voient la réalité de ses formes mais le grand secret des nuits étoilées leur échappe. Les joies que donne la contemplation de l'univers leur sont inconnues, et, ne les connaissant pas, ils ne peuvent ni les enseigner aux autres, ni les inviter à y participer….

Combien d'hommes ne connaissent pas ce livre profond, ou se sont bornés à le feuilleter distraitement, absorbés qu'ils étaient par les menus incidents de la vie journalière! On les voit traverser presque automatiquement les plus beaux sites, calculant les kilomètres parcourus, l'heure du départ et celle de l'arrivée; mais leur âme ne sent pas la fraîcheur délicieuse des sources, cachées dans les forêts, et ils ne prêtent pas l'oreille au vent de la montagne qui leur apporte le salut des neiges éternelles…..

Il est nécessaire de respecter les bonheurs des autres et les nôtres propres. Une fausse morale et une fausse religiosité ont fait longtemps consister la vertu en une sorte de morosité austère. Rien ne lui a fait plus de tort; elle a ainsi éloigné d'elle les cœurs…. Nous avions été créés pour être heureux, et notre cœur rempli d'un si inextinguible besoin de bonheur s'en porte garant.

Or, ce besoin que la nature a mis dans nos âmes, il faut le respecter comme l'indice de notre origine divine; c'est la seule chose qui nous rattache à une existence meilleure et plus élevée. Les joies, même insignifiantes doivent être sacrées, et il faudrait éviter avec soin de les assombrir ou de les diminuer…

Les petites attentions sont des sources de joies auxquelles ont ne pense pas assez. La trame de la vie au fond est faite de petites choses, et le charme d'une pensée amicale ou gracieuse, se révélant dans les menus faits de l'existence quotidienne, s'exerce puissant et doux. Les femmes modernes, trop affairées, ont désappris cet art. J'en connais cependant une dernière représentante. Est-ce durant les rêves, ou les insomnies de la nuit que le désir d'être agréable aux autres se transforme dans son cerveau en idées ingénieuses? Mais chaque jour elle invente pour l'un ou l'autre de ses amis quelque attention minable. Elle étudie leurs goûts et s'efforce de les satisfaire matériellement et moralement. Elle connaît leurs déboires secrets et s'essaye à redonner l'espérance à leur secours. Ses pensées nobles et tendres, ses façons fines et caressantes ont mis un coin d'idéal dans plus d'une vie qui en manquait. Mince et frêle jusqu'à l'invraisemblance, avec des cheveux de neige, nul ne songe à demander son âge, tellement on sent qu'une éternelle jeunesse vit dans son coeur. D'autres ont accompli peut-être des actes héroïques, elle a donné des joies.

L'influence d'une parole de bonté tombant de certaines lèvres ne peut-être mesurée…..

Il suffit de réfléchir pour se convaincre que, soit dans l'ordre matériel, soit dans l'ordre moral, on néglige trop souvent les occasions de rendre les gens heureux.









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