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Comment enseigner aux enfants à donner, ou «La tirelire sur la cheminée»

Il y a je crois peu d'enfants qui ne reçoivent de temps en temps un peu d'argent dont ils peuvent disposer à leur gré. Dans certaines familles on leur donne une somme fixe par semaine ou par mois; ailleurs ils reçoivent quelque chose soit à leur jour de naissance, soit à l'occasion de quelque autre fête. D'autres gagnent, pour ainsi dire, leurs sous tantôt par un bon carnet à l'école, tantôt par des services rendus (commissions, jardinage, etc.). Et enfin il y a ceux qui cumulent ces différentes manières de garnir leur porte-monnaie. Quand des enfants se trouvent ainsi en possession d'une petite somme, le devoir des parents et des éducateurs est de leur enseigner à en faire un bon usage, c'est-à-dire de leur faire comprendre qu'il est égoïste de garder ou de dépenser pour soi uniquement tout ce que l'on possède, et que - comme ils devront le faire plus tard - ils doivent apprendre à faire trois parts de leurs biens. Trois parts dont les proportions varient à l'infini selon les circonstances: une part que l'on dépense tout de suite ou peu à peu pour soi-même, une part que l'on met de côté (à la caisse d'épargne, si la somme est suffisante) pour les dépenses imprévues qui pourraient surgir, et la troisième part que l'on consacre à autrui (à un autrui que l'on juge être moins privilégié, moins heureux que soi-même). J'estime en effet que lorsqu'un enfant désire acheter un petit cadeau à offrir à quelqu'un (à sa mère par exemple pour sa fête) il ne doit pas prendre pour cela sur la troisième part de son avoir, mais sur la deuxième car ce cadeau ne peut pas rentrer dans ce qu'on appelle la bienfaisance, la philanthropie, la charité, etc.

Décider un enfant à faire les deux premières parts dans son budget est facile, mais pour la troisième cela l'est moins! Rien d'étonnant d'ailleurs, car enfin l'enfant ne peut pas être d'instinct plus altruiste que l'homme fait. Or combien y a-t-il de grandes personnes qui donnent à la troisième part de leur avoir la quotité qu'ils pourraient lui donner? Bien peu probablement. On me dira que si un enfant est trop avare ses parents n'ont qu'à l'obliger à donner, à lui imposer des sacrifices, à exiger par exemple que, quand il va au catéchisme il mette deux sous dans le tronc pour les «pauvres» ou pour les «petits nègres». Mais au point de vue éducatif cette méthode me paraît tout-à-fait mauvaise. L'enfant est (dans ce domaine) comme les grandes personnes: le mobile qui est le plus susceptible de le rendre généreux c'est la sympathie qu'il éprouve pour l'individu ou pour l'Å“uvre qui bénéficiera de sa générosité. Il faut donc l'intéresser à des gens ou à des Å“uvres, mais se garder de le contraindre à donner à tels ou telles. Qu'il ait le choix, et que, si les lointains petits nègres, ou les anonymes pauvres ne lui disent rien, il puisse donner son obole à qui excitera le mieux sa sympathie. Quant à la manière de donner, qu'elle est la mère qui n'a pas fait l'expérience qu'en voulant obtenir à jour ou à heure fixés par elle, un don de ses enfants elle échouait trop souvent devant toutes sortes d'arguments: «Si tu m'avais demandé ça hier, dira un enfant, j'aurais pu, mais voilà j'ai dépensé tous mes sous ce matin». «Je t'ai déjà donné, dira un autre, et mon frère ne donne jamais rien». Ou encore: «La prochaine fois que je recevrai quelque chose je te donnerai des sous, maman» etc. Voulant remédier à toutes ces objections nous avons institué chez nous «La tirelire sur la cheminée». Elle y est en permanence; deux ou trois fois par an nous la vidons, et les enfants choisissent ensemble à qui je dois envoyer son contenu. Au mois de juillet dernier par exemple ils m'ont demandé de la vider quelques jours avant leur départ pour un séjour au bord de la mer, et je n'ai pas été étonnée que parmi les Å“uvres que j'ai proposées à leur choix celle des «Bains de mer» ait remporté le plus de suffrages. Mais comme une partie d'entre les enfants s'intéressait spécialement à une autre chose nous avons partagé la petite somme recueillie entre les deux Å“uvres. Depuis l'institution de ce système, il n'y a plus chez nous d'accusation d'avarice portée par les enfants les uns sur les autres, plus de rivalités, (je les prie en effet de ne pas dire ce qu'ils mettent dans la tirelire: les renoncements doivent se faire en silence dans ce monde). Plus de contrainte qui fait qu'on donne à contre-cÅ“ur, plus de honte pour celui qui, ayant moins recul peut moins donner. Et celui ou celle qui sait qu'il a de la peine à résister à la tentation de dépenser tout de suite pour lui-même l'argent qu'il reçoit est tout content de pouvoir au moment même où il a des sous en main, en mettre une partie dans la «cresolette» ou «cachemaille» comme ils l'appellent aussi.

Mais peut-être craindra-t-on qu'avec ce système sans contrôle un enfant avare de nature, ne donne jamais rien? Je ne le crois pas: d'abord chacun s'intéresse à la tirelire et ils espèrent tous qu'elle rapportera beaucoup! Ensuite il y a pourtant une sorte de contrôle, voici comment lorsque nous vidons la tirelire, je dis simplement «Il y a telle somme, et comme vous êtes cinq, cela représente une moyenne de tant, donnée par chacun, sauf que je suppose et que j'espère que les aînés (qui possèdent plus que les cadets) ont mis davantage que cette moyenne». C'est tout, je ne demande pas de réponse, mais ceux qui ont été les moins généreux en éprouvent une petite mortification. En outre, il va sans dire que celui qui n'aurait rien donné du tout, n'aurait pas son mot à dire dans la délibération au sujet de l'emploi de l'argent.

Enfin j'ajoute, que pour encourager les enfants à être généreux il a deux bon moyens. J'exposerai le premier par un petit exemple qui vaudra mieux qu'une théorie. Quand notre petit garçon de 7 ans rapporte le samedi un 10 de conduite (c'est le maximum) sur son carnet, il reçoit dix centimes; eh! bien si je les lui donne en une pièce de deux sous, je ne puis pas m'attendre à ce qu'il les mette dans la tirelire. Combien de grandes personnes donnent d'un coup tout le gain d'une semaine (même si elles n'en ont pas besoin pour vivre) à la communauté? Mais si je lui donne deux pièces de cinq centimes (ou même des pièces de un et deux centimes) il arrive souvent que je le voie porter vite quelque chose dans la «cresolette».

Le deuxième moyen consiste à promettre aux enfants d'augmenter la somme qui se trouvera dans la tirelire quand on la videra, d'une certaine proportion que l'on fixe un peu d'après leur âge, ou (ce qui en général revient au même) d'après leurs moyens pécuniaires. Par exemnle, à de jeunes enfants qui ne reçoivent que de petites sommes, on offrira de tripler, quadrupler ou même davantage ce dont ils sauront se priver. Au contraire avec de grands enfants on emploiera le système de tant pour cent, leur promettant le cinq, dix et même vingt pour cent sur leurs dons. Chez nous les enfants étant d'âges assez différents, nous avons pris un moyen terme: nous ajoutons à la somme recueillie, exactement la même somme, et d'eux-mêmes, si cela ne donne pas un chiffre rond au total, ils ajoutent les sous qui manquent. Il arrive, c'est bien humain, que la tirelire soit un peu oubliée, mais il suffit que sans aucune contrainte j'en rappelle l'existence, pour qu'elle recommence à se remplir; parfois aussi les enfants trouvent moyen de l'alimenter par des représentations, charades, cirque au jardin etc., auxquels on ne paye pas avec des sous de carton, mais avec «du vrai argent». Et, en outre, il est entendu que quiconque chez nous trouve des sous égarés tramant ici ou là les mettra dans la tirelire: personne ne se plaint de cette conséquence de son désordre.

Quand je dis: «quiconque chez nous trouve des sous etc …» je parle aussi de nos bonnes, car je me suis rendu compte - non sans plaisir - mais sans leur en avoir jamais parlé que la tirelire leur est sympathique. Un jour, entr'autres, un chiffonnier sonna à la porte et je dis à la cuisinière de lui donner le contenu d'une armoire où l'on met les chiffons inutilisables, sans lui en réclamer le prix. (Les chiffonniers payent deux sous par kilos). Mais elle me répondit: «Puisqu'ailleurs il les paye, il peut bien le faire ici: ce sera pour la cachemaille». Sans cette tirelire la bonne aurait peut-être réclamé et gardé pour elle ces quelques sous.

Il va sans dire enfin que la tirelire sur la cheminée ne doit pas exclure dans l'esprit des enfants l'idée de donner éventuellement ailleurs ou de mettre à l'occasion quelque chose dans le tronc à l'église. Son avantage est surtout de les habituer à avoir du plaisir à donner.









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