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(Sans titre)

Nous préparions depuis quelques semaines, avec joie, cette fête de Noël de l'Asile et je me réjouissais de cette belle randonnée que cela me ferait faire avec mes jeunes filles de «l'Union», dans les chemins de campagne couverts de neige.

Nous n'avions pas compté avec le temps, cela semblait si impossible qu'il ne favorisât pas nos projets…

Aussi j'eus une surprise désagréable en me réveillant ce dimanche là: la pluie tombait en tous sens, transformant la neige en une boue affreuse.

Que faire? Impossible de changer le mot d'ordre. Les jeunes filles de «l'Union» habitent si loin les unes des autres, aux confins de la paroisse.

Un téléphone éploré de l'Asile demandant si nous viendrons; les Vieux se sont tellement réjoui de notre visite !

Oui, nous viendrons. Mais j'ai perdu un peu de mon entrain. Beaucoup de mes jeunes filles vont certes renoncer à venir et la plupart des choses que nous avions préparées en seront sacrifiées.

Au premier croisement de route, en voici une, cependant, deux mêmes, qui m'attendent, grelottant sous leurs parapluies. Un peu plus loin en voici une autre, puis une encore… Et à mesure que notre troupe grossit, il monte en mon cÅ“ur une grande joie qui m'envahit toute… Elles sont toutes là: elles n'ont pas songé qu'après la semaine passée à l'usine ou à l'atelier, il serait bon de rester chez soi, auprès du poële, ou d'aller s'amuser, elles sont toutes parties, dans la pluie, le froid, pour venir avec moi créer un peu de joie.

Et certes nous ne sentons pas le froid, l'eau qui envahit nos souliers… il fait si chaud dans nos coeurs, et nous rions en luttant contre le vent…

Nous voici devant la longue allée d'arbres qui conduit à l'asile: c'est un ancien château qui a gardé grand air et l'on a peine à se représenter tant de tristesse et de misère enfermées là. A toutes les fenêtres les petits vieux se poussent, s'agitent, nous grimaçant des sourires. Dans le réfectoire nous avons dressé le petit sapin, et, à la lumière des bougies, la triste salle a pris soudain un air de joyeuse intimité…

Ils arrivent, les vieux, en file indienne, comme à l'école enfantine, les plus perclus appuyés sur les autres; à la vue de l'arbre leur visage aussi s'est éclairé, et à la vue surtout de toutes ces jeunes figures.

Nous chantons… nous chantons la joie de Noël, les bergers, la crèche, une des jeunes filles chante une vieil le légende, celle de la fileuse,… d'autres récitent. Puis elles chantent encore…

Moi je n'ai plus de voix: la gorge serrée d'émotion, je regarde tous ces vieux visages déformés et grimaçants.., qui peu à peu se détendent et s'éclairent; ces visages qui tout à l'heure m'avaient l'air durs et fermés et où maintenant coulent de grosses larmes… Ils ont si peur, les vieux, de perdre un mot qu'ils ne quittent pas des yeux les jeunes filles; nous craignions de les fatiguer, mais ils sont inlassables et je crains que nous ne soyons fatiguées avant eux!

«Voyez-vous Madame, dans un jour comme celui-là, on pense bien au dehors, et de voir et d'entendre des jeunes, c'est un peu comme si on y était encore!»

«Dehors»… dehors c'était la vie dure, c'était peut-être l'angoisse du lendemain; mais c'était la vie quand même, la vie au milieu des siens, de ceux qu'on a élevés avec peine… Ici on n'a pas le souci du lendemain, les jours sont si pareils à eux-mêmes! Ici ce sont de longs, longs dortoirs, ou rien, pas une ,gravure, ne distingue un lit de l'autre. Ce sont les longues journées où, à force de vivre et de dormir ensemble, on finit par se détester… «Maintenant que vous êtes venues, me dit la directrice, ils se disputeront moins, ils auront quelque chose de quoi parler»…

Les bougies touchent à leur fin. Les jeunes filles ont distribué les paquets que nous avions apportés et, pendant qu'elles les distribuaient, les vieux leur ont dit toute leur misère et leur on dit aussi toute leur joie d'avoir, en ce jour de Noël tant de jeunesse autour d'eux… Et je ne sais lesquelles sont les plus émouvantes des larmes des vieux ou de celles que mes «petites» ont de la peine à retenir.

Nous sommes reparties sous la pluie… accompagnées très loin encore par la voix cassée d'un petit vieux qui, obstinément, nous criait d'une fenêtre: «Faites comme les hirondelles, revenez vite! »

Le retour fut silencieux, nos cÅ“urs étaient trop pleins et trop de pensées s'agitaient en nous pour que nous eussions envie de parler… mais je sentais que quelque chose de très fort nous unissait et que notre Noël à nous allait être si beau, enrichi de cette joie que nous avions créée ensemble.









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