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Coin des petits.
Albert, âgé de quatre ans, est physiquement et intellectuellement normal; mais non au point de vue moral, car sa volonté n'est absolument pas disciplinée. Il fait ce qui lui passe par la tête, ne connaît pas d'autorité, ignore la pitié, paraît n'avoir aucune, notion du bien et du mal.
Aussi faut-il le surveiller de plus près que les autres enfants. Dans le jardin, où tous peuvent s'ébattre en liberté, je suis obligée de ne pas le quitter des yeux, de peur qu'il ne fasse du mal à quelque enfant. Il ignore le repentir. Les punitions le mettent hors de lui. En conséquence, je le fais beaucoup agir. Il cueille des feuilles, porte des pierres, charrie du sable; en général je ne lui permets pas de jouer avec les autres. Je lui permets de m'aider ce dont il est très fier. Je ne puis le laisser sarcler, car ce n'est pas l'instinct d'activité, mais l'instinct de destruction qui s'en donne alors à cÅ“ur joie.
Un jour d'automne comme il m'aidait à planter des oignons de fleurs, en creusant des trous il rencontre un ver de terre. Il pousse un cri de joie sauvage et le saisit pour l'arracher brutalement: «Oh un ver, un ver! Albert tue le ver». Vite je prends sa menotte. Que faire? Lui donner une tape? Défendre? Ç'aurait été tout au plus un succès d'un instant. «Tu vois Albert lui dis-je, d'un ton joyeux, le ver habite dans la terre, c'est sa maison; son père et sa mère habitent là aussi; laisse le tranquille». Cette remarque arrêta net l'impulsion mauvaise. Albert serra bien un peu plus fort le ver dans sa main, mais seulement pour l'enfoncer plus profondément. En même temps il répétait presque tendrement: «Pauvre petit ver, va chez ton père, va chez ta mère». Le pauvre petit ver a dû certainement y arriver en bouillie, mais je ne m'en réjouis pas moins sincèrement, c'était le premier acte de pitié du jeune garçon. Il n'y avait plus qu'à bâtir sur cette base. Au printemps suivant, comme nous parlions des plantes à oignons, des petites curieuses qui veulent savoir les premières s'il fait déjà chaud, je dis à Albert:
«Tu te rappelles les petites plantes qui étaient si bien emmaillotées pour l'hiver? Tu m'as aidée à les planter?
- Oui; dit-il d'un ton important, on les a plantées dans mon carré, là où habite mon ver.» Réponse de bon augure. Elle prouvait que l'histoire du ver avait fait de l'impression.
Je l'envoyai tout seul regarder avec précaution les pousses nouvelles. Il n'en a pas détruit une seule
On ne peut guère affirmer que l'enfant ait eu conscience de sa volonté de bien faire, opposée à l'intention mauvaise précédente. Mais n'était-ce pas un grand progrès déjà, que son propre mouvement l'eût poussé à réprimer sa cruauté instinctive? Vouloir, c'est au fond, choisir dans le chaos de nos instincts et de nos désirs.
Jean, quatre ans et demi, suit mon cours Froebel. Quand on vient le chercher, il accueille sa bonne par des coups de pied, et celle-ci me déclare que c'est sa coutume lorsqu'il est en colère.
«N'est-ce pas, Jean, ton papa donne aussi, des coups de pied à ta maman? dis-je, comme pour l'excuser. Jean indigné et menaçant: «Répète encore ça! Mon papa faire ça!»
Mais pourquoi fais-tu ça, si tu trouves si laid» ? Il réfléchit perplexe. En partant il me dit à l'oreille: «Je ne donnerai plus de coups de pied à Anna jusqu'à mercredi prochain. Tu pourras me demander». Je me fais confirmer cette noble résolution par une poignée de main. Le mercredi suivant Jean prend une mine très importante, et, comme je ne le questionne pas: N'est-ce pas, Anna, que je ne t'ai pas donné de coup de pied une seule fois? Eh bien peut-être que je ne le ferai plus». Le brave homme a tenu parole.
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