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Les « Entretiens sur l'éducation » est un mensuel publié sans interruption depuis plus de 100 ans.
Le site www.entretiens.ch vous offre la possibilité de consulter en ligne ces extraordinaires archives parcourant/ponctuant au jour le jour l'histoire de l'éducation familiale d'un bout à l'autre du XXème siècle.
La survie de la brochure mensuelle imprimée parallèlement à la distribution virtuelle à travers le site est le garant de la poursuite de cette aventure. La rédaction est assurée de façon bénévole par un groupe de parents passionnés par la réflexion et l'écriture autour du vécu familial. Les frais d'impression du journal et la gestion du site (100 000 pages demandées par mois??)....30.- par an (20€).
En dehors du grand intérêt pour vous de cette matière exceptionnelle, que vous soyez jeune parent, chercheur dans une université ou simplement intéressé par l'évolution des comportements humains, votre soutien par l'intermédiaire d'un abonnement nous est indispensable. Pour les pays lointains et si vous ne désirez pas profiter de la version papier, un abonnement sous forme de pdf est accessible au même prix annuel de CHF 30. Il vous donne un accès complet aux archives
RETOURMa première course Certain soir de ma seizième année, je vis entrer dans le grenier qui me servait de laboratoire, et dont les murs constituaient alors mon horizon préféré, le plus cher de mes amis. Il posa, sans mot dire, une carte sur ma table, et sortit de sa poche, un plan d'excursion dans les Alpes valaisannes, qu'il me donna à lire… Deux jours plus tard, après quelques démêlés avec nos parents, nous partîmes, sac au dos, par une belle matinée d'été, l'enthousiasme surchauffé et l'intime conviction que nous allions conquérir l'univers… Oh! cette première sensation d'affranchissement dans l'espace illimité, je sens encore son exquise saveur; ce plaisir intense de quitter la ville, sa fumée et ses misères, de marcher librement vers la lumière dans une atmosphère de sourires et de fraîcheur! Et la joie ineffable de se sentir devenir quelqu'un, de prendre possession de soi-même au contact d'objets infiniment variés, infiniment beaux et encore jamais vus! … Quand nous approchâmes de l'extrémité du lac, il y eut un déchirement de la brume et l'apparition soudaine des montagnes valaisannes nous causa une sorte d'éblouissement. La plus proche d'entre elles, celle-là même dont nous convoitions la cime, nous frappa surtout d'une émotion indicible, grâce à sa pureté, à l'harmonie de ses lignes, à son élancement vers les nues, à son expression à la fois de beauté et de bonté. Elle était pâle et blonde, parlante comme une personne, enguirlandée de petits nuages roses et vêtue d'une gaze de buée assez transparente pour laisser voir les pudiques contours de son robuste corps de granit. Nous ne l'avions jamais vue et nous la reconnûmes pourtant, car elle était semblable à l'image que nous nous en étions faite, avec, en plus, certain caractère de beauté idéale que nous n'avions pu lui donner en pensée, parce qu'il dépassait de beaucoup les conceptions esthétiques de notre âge. Elle nous apparut dès l'abord ce qu'elle devait rester pour nous dans l'avenir, le parfait symbole de ce qu'il y a de plus magnifique et de plus désirable parmi les choses de la terre. Nous nous approchâmes d'elle avec une sorte de respect religieux, un singulier sentiment de timidité et un désir de conquête que nous reconnûmes plus tard être quelques-unes des formes que revêt à son aurore dans un cÅ“ur vierge, le véritable amour. Oui, c'est bien cela, elle nous prit le cÅ“ur. Nous l'aimâmes tout de suite avec ce double caractère d'appréhension et de confiance qui est celui de toute grande affection naissante ….. ….. Nous rentrâmes le même soir à la ville dont, par un phénomène étrange, les habitations nous parurent durant quelques jours moins sombres, le travail moins pénible, la vie moins monotone. C'est que nous avions rapporté avec nous une initiation et un trésor. Nous avions appris durant cette rapide excursion qu'il y a de la lumière, du bonheur, de la sérénité pour tous dans le monde, que ces choses désirables sont là, à notre portée, qu'il suffit de tendre la main, de secouer le joug de notre inertie et de sortir des villes pour les conquérir. Nous avions appris qu'il y a de la beauté et de la santé morale loin de nos agglomérations humaines, dans les champs et dans les vallées; que les montagnes tout impassibles qu'elles paraissent être au premier abord, savent pourtant parler à notre âme et révéler leurs mystères à qui les questionne avec amour; que la nature est intelligente et bonne, capable de nous relever de nos misères et de nous consoler de nos désespérances. Voilà les notions nouvelles qui nous furent révélées et que nous rapportâmes comme un précieux trésor de cette première course qui a marqué dans notre prime jeunesse une date ineffaçable, et voilà pourquoi je voudrais tant que tous les jeunes garçons qui languissent dans nos villes, s'en allassent, sac au dos, par quelque matinée d'été, à la rencontre de ce «quelque chose» qui leur manque et qu'ils trouveront, comme nous l'avons trouvé nous-même, au contact des sommets splendides et des petites fleurs répandues dans les bois. |
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