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Les « Entretiens sur l'éducation » est un mensuel publié sans interruption depuis plus de 100 ans.
Le site www.entretiens.ch vous offre la possibilité de consulter en ligne ces extraordinaires archives parcourant/ponctuant au jour le jour l'histoire de l'éducation familiale d'un bout à l'autre du XXème siècle.
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RETOURCoin des petits. - Ce sont les premières années d'un enfant qui comptent le plus dans sa vie. Ce sont celles qui laissent les impressions les plus durables et qui apportent le plus d'éléments stables dans la formation du caractère… Le tout petit enfant livré à lui-même apporte une énergie et une persévérance extraordinaires dans la plupart de ses actions. Il a confiance dans ses propres forces et il est sûr qu'il va réussir. Mais bientôt nous allons au-devant de lui, nous accourons à son aide en présence de la moindre difficulté; nous voulons lui enseigner ce qu'il rêvait de découvrir lui-même et nous diminuons sa joie de vaincre un obstacle, nous amoindrissons sa confiance en lui; quelquefois même nous arrivons à la détruire tout à fait. Et le petit enfant qui se jetait dans la vie avec une admirable énergie, a perdu cette joie de la lutte qui l'animait lorsqu'il s'agissait de faire ses premiers pas. C'est un but qu'il faut donner à nos enfants, si nous voulons les rendre capables de grands efforts quand ils seront des hommes. C'est en cherchant à les intéresser que nous cultivons un état d'âme qui ne redoutera pas la lutte. C'est pourquoi nous ne forcerons pas le tout petit à apprendre une chose qui l'ennuie, quand tant de choses peuvent l'intéresser. Nous établirons en lui cette habitude de l'effort en tachant de lui faire aimer son travail. Lorsqu'il grandira, nous donnerons un but à cet effort, et nous lui ferons envisager le point final auquel il va parvenir. Que de jeunes gens ne se sont plongés dans leurs études que le jour où ils en ont compris la nécessité pour entrer dans la carrière qu'ils rêvaient. Plus un travail a coûté de sacrifice, plus il cause de joie. Le bonheur qu'on éprouve à contempler un panorama du haut d'une montagne n'est-il pas centuplé par le fait qu'on a vaincu les plus grands obstacles pour en atteindre le sommet? C'est à la somme d'effort donné que se mesure la joie; et, de même qu'il n'y a pas de vraie joie sans effort. Le Christ lui-même ne nous a-t-il pas enseigné qu'amour et sacrifice sont inséparables? Il faut que l'enfant apprenne à être indépendant, comme il doit apprendre, d'ailleurs, tout ce qui, dans la vie, vaut la peine d'être su. Le temps est un des éléments les plus indispensables de la vie des petits, auxquels il en faut toujours beaucoup plus qu'à nous dans toutes leurs entreprises. Il faut laisser aux petits le temps de se laver la figure et les mains, de se brosser les dents, de se nourrir eux-mêmes, au lieu de les gaver par un procédé digne des marchands de foie gras de Strasbourg. Il faut leur apprendre, le plus tôt possible, à mettre et à ôter leur manteau, leur chapeau, leurs caoutchoucs. Il faut qu'ils prennent eux-mêmes leurs jouets, ouvrent et ferment les portes, montent et descendent les escaliers, accrochent eux-mêmes leurs habits à des portemanteaux faits pour eux, cherchent eux-mêmes l'objet qu'ils ont pu égarer. Les grandes personnes qui pour la première fois, essaient de soumettre leurs enfants à ce régime, sont généralement surprises de voir que c'est à eux et non aux petits que la patience, souvent, fait défaut. Un bébé (s'il n'a pas pris encore la mauvaise habitude de compter sur les autres) continuera avec une patience inépuisable les efforts maladroits par lesquels il essaie, par exemple, de grimper sur une chaise. La vue de tant de vains efforts dépensés pour atteindre un but aussi facile, impatiente la pauvre maman qui devra lutter contre son désir d'aider, une bonne fois, le bambin. Si elle le fait, elle verra sans doute ce dernier se glisser aussitôt à terre pour recommencer immédiatement ses tentatives d'escalade. Ce qu'il désire n'est pas d'être assis sur la chaise, mais de savoir qu'il peut à lui seul y monter - et ce but, comme tous ceux que l'enfant poursuivra dans sa vie, nul ne peut l'atteindre pour lui. L'enfant doit apprendre lentement a se maîtriser, comme il apprend lentement à marcher. Il me suffit que pour ses débuts il fasse un seul pas, car je sais que c'est l'essentiel. S'il y arrive, il saura bientôt gravir des montagnes. S'il est capable, sous l'impulsion d'un intérêt intellectuel (car ce n'est pas autre chose) de concentrer son esprit, naturellement disposé à vagabonder, sur la tâche entreprise, il crée par cela même une habitude mentale d'un prix inestimable… Plus tard, il sera nécessaire qu'il apprenne à concentrer son esprit, même sur les sujets qui ne l'intéressent pas; mais il est évident qu'il aura beaucoup plus de peine à le faire, s'il n'a pas appris, d'abord, à fixer son esprit, lorsqu'il lui plaisait de le faire. |
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