Accueil
   

 

 

 

RECHERCHES
Rechercher un mot dans les articles:


Recherche avancée
• par mots
• par thèmes

ARCHIVES DE TOUS LES ARTICLES



AUTRES MENUS
ACCUEIL
ADRESSES
  • Adresses utiles
  • Bibliographie
  • Liens Internet
LE JOURNAL






Les « Entretiens sur l'éducation » est un mensuel publié sans interruption depuis plus de 100 ans.
Le site www.entretiens.ch vous offre la possibilité de consulter en ligne ces extraordinaires archives parcourant/ponctuant au jour le jour l'histoire de l'éducation familiale d'un bout à l'autre du XXème siècle.
La survie de la brochure mensuelle imprimée parallèlement à la distribution virtuelle à travers le site est le garant de la poursuite de cette aventure. La rédaction est assurée de façon bénévole par un groupe de parents passionnés par la réflexion et l'écriture autour du vécu familial. Les frais d'impression du journal et la gestion du site (100 000 pages demandées par mois??)....30.- par an (20€).
En dehors du grand intérêt pour vous de cette matière exceptionnelle, que vous soyez jeune parent, chercheur dans une université ou simplement intéressé par l'évolution des comportements humains, votre soutien par l'intermédiaire d'un abonnement nous est indispensable.
Pour les pays lointains et si vous ne désirez pas profiter de la version papier, un abonnement sous forme de pdf est accessible au même prix annuel de CHF 30. Il vous donne un accès complet aux archives
RETOUR

Frères et Soeurs

Mettez dans un sac des cailloux aux arêtes aiguës, agitez-le, de manière à faire se frotter les cailloux les uns contre les autres. Au bout d'un certain temps les angles trop saillants s'émoussent, et les arêtes se trouvent adoucies. C'est ainsi que s'arrondissent les singularités du caractère humain, au contact d'autrui. La famille, par les relations entre frères et soeurs, nous offre un exemple frappant. Si nous pressions l'image du sac et des cailloux, elle nous apprendrait encore qu'il faut un certain nombre de cailloux pour faire réussir l'expérience. Un seul risquerait d'user le sac. Le sens de ce transparent apologue est que, pour profiter de l'éducation mutuelle, il faut être plusieurs.

Cette éducation entre frères et soeurs est un précieux concours apporté à l'éducation paternelle, elle la complète le plus heureusement du monde.

Nous avons, nous, parents ou trop de sévérité ou trop d'indulgence. Si notre supériorité nous fait la main lourde et donne parfois à notre intervention quelque chose de massif, notre faiblesse nous trahit, notre sensibilité nous désarme. Les enfants entre eux ne se portent pas trop d'ombrage, n'étant pas trop dissemblables de force. D'autre part ils n'ont pas les uns pour les autres ces égards exagérés que nous inspire le sentiment paternel. Il n'ont pas encore ce que nous appelons, d'un terme si expressif, "des entrailles".

Tous ceux qui ont vu des enfants livrés à leurs ébats et se mouvant librement dans toute la pétulance de leur âge, ont pu remarquer l'énergie de leurs impulsions et la tenacité de leur vouloir. L'obstination enfantine, cette intransigeance qui va droit au but et ne veut souffrir ni obstacles ni restrictions, suscite tous les jours aux parents les plus grosses difficultés. Entre leur volonté calme, tempérée par leur coeur et la raison, et l'impétuosité des volontés enfantines, la lutte est trop inégale. Nous avons trop de réflexion et de coeur, pour résister à ces jeunes tendances aveugles et sans ménagement. Entre elles, au contraire, elles trouvent à qui parler. On fatigue son père ou sa mère, on les fléchit par des caresses. Devant ses pareils ce genre de moyens ne réussit pas. Rien d'entêté et d'absolu comme un enfant, si ce n'est un autre enfant. Laissez-les se débrouiller et n'intervenez que dans les cas indispensables, pour empêcher les violences : ils s'en tireront. Les enfants pratiquent entre eux une justice rigoureuse, qui nous étonne et nous peine quelque fois; nous les voudrions plus indulgents, moins stricts pour la mesure exacte du mien et du tien, plus disposés à céder, plus enclins au pardon. Leurs démêlés nous chagrinent et nous préoccupent.

Quand ces êtres, également aimés par nous, se divisent ou se combattent entre eux, il nous semble qu'une partie de nous-mêmes s'est élevée contre l'autre et ce déchirement intérieur est si douloureux ! Mais, pourtant, il ne faudrait pas, pour l'amour du silence et de la paix domestique crupêcher les enfants de manifester, en toute indépendance, ce qu'ils ont dans le coeur. Ces petits hommes ont besoin de s'habituer à la vie en commun, de se faire a cette idée qui entre si difficilement dans nos cervelles égoïstes, que les autres existent aussi bien que nous, ont les mêmes droits que nous.

Quand un caillou en choque un autre, il en jaillit du feu. Quand la volonté humaine, vierge et sans frein, rencontre cette borne qui est la volonté des autres, elle s'échauffe et l'étincelle jaillit. Il est indispensable que ces phénomènes se produisent. Les empêcher c'est enrayer la vie. Laissez vos enfants faire entre eux l'apprentissage de la solidarité humaine, l'expérience des lois sociales. Il est salutaire de se rompre, comme enfant, entre frères et soeurs, aux exercices pénibles de l'assouplissement des caractères. Pour corriger un angle, rien ne vaut un autre angle; pour corriger un égoïste, rien ne vaut un autre égoïste. Lorsque ces jeunes apprentis en sociabilité se seront traités un certain nombre de fois selon la loi du talion, qui convient à merveille à leur qualité de primitifs et de sauvageons; lorsqu'ils auront scrupuleusement exigé oeil pour oeil, dent pour dent, leur conscience s'ouvrira à une justice plus haute. Ils comprendront qu'à vouloir vivre de droit strict et de justice implacable, les hommes s'extermineraient les uns les autres. Bonne leçon pour les petits frères et qui leur profitera, quand ils seront plus grands. Une leçon pareille vaut bien la perte de quelques cheveux, ou quelques batailles fraternelles.


Un autre lien est l'affection. C'est une erreur de penser qu'elle doive exister par le seul fait de l'origine commune.

Certes c'est quelque chose, c'est beaucoup que ce lien du sang, mais il demande à être spiritualisé, transformé en lien des âmes. On a beau être frères et soeurs par droit de naissance, il faut renaître par l'esprit à la vraie vie fraternelle, apprendre à s'aimer comme l'on apprend à se supporter. Alors, seulement le lien primordial acquiert la plénitude de son influence et devient le ciment indissoluble. Lorsque ce travail intérieur ne se fait pas, les frères peuvent rester aussi indifférents les uns pour les autres que des étrangers. Il peut même se développer entre eux des antipathies si vives, qu'elles dégénèrent en haine et en aversion.

Il y a certaine façon d'élever les enfants, qui éveille toutes les jalousies, toutes les basses passions capables de faire de l'homme l'ennemi de l'homme, et du frère le rival du frère. Par des comparaisons déplacées, des préférences impardonnables, des excitations à la concurrence, nous semons la division entre ces jeunes âmes. Pour qu'ils puissent entre eux s'aimer, vaincre leurs mauvais instincts, calmer leurs colères, apaiser leurs ressentiments, commençons par les aimer avec une justice impartiale; soyons tout à tous, réchauffons-les constamment de notre bonté afin de raviver la leur, d'augmenter leur température affective, d'amener plus sûrement la fusion. Alors les disputes inévitables se transforment toujours en préliminaires de paix. Sur le terrain même des rencontres les champions se dédommagent de leurs rudesses réciproques, en des réconciliations pleines de charme et d'abandon.

Par un effet naturel d'un des nobles instincts de notre nature, l'affection fraternelle se nourrit du besoin que nous avons les uns des autres. Nos enfants s'aiment en raison des services qu'ils se sont rendus. J'estime que la présence de diverses personnes, qui dispensent les enfants de se rendre les uns aux autres ces services, la présence de domestiques trop nombreux et chargés de trop de soins, est un grave inconvénient. Que nos enfants aient besoin les uns des autres, le sentent et se portent aide entre eux ! Ne permettons pas à des considérations mondaines, à de superficielles exigences d'étiquette, de contrarier la fraternité dans ses commencements.

Lorsque nous rencontrons dans la rue, sur les places publiques, ou à travers les campagnes, des groupes d'enfants livrés à eux-mêmes, des frères en bas âge gardés par des soeurs aînées, encore tout enfants, la pitié nous prend. Nous songeons aux dangers qu'ils courent. Nous plaignons des enfants trop jeunes, d'être chargés de soins au-dessus de leurs forces, de plier sous le fardeau d'un nourrisson endormi sur leurs bras, de se trouver aux prises avec des complications et des difficultés qui exigeraient la maturité de l'expérience.

Et certes, nous avons raison, dans une certaine mesure. Dieu seul peut savoir ce qu'il se passe de drames émouvants dans ce monde des petits déshérités, réduits à eux-mêmes, où ceux qui auraient besoin d'être encore protégés et gardés, gardent et protègent déjà les autres. Mais, pour qui sait y voir de près, il y a autre chose que de la misère dans ce monde lésé. Il y a une étroite et puissante solidarité, issue du besoin qu'on a les uns des autres. L'on rencontre chez certains enfants élevés dans le dénuement, mais dans le continuel partage de toutes choses, une cohésion fraternelle bien touchante. J'en ai connu de ces pauvres petits, qui se seraient privés de tout, exposés à tout, pour leurs frères plus jeunes. Ils se défendaient avec un courage héroïque, avaient pour eux une patience que souvent les parents n'ont pas. Il m'est arrivé même de voir des enfants, qui avaient subi la contagion des mauvais exemples, ces grands meurtriers d'âme de l'enfance, mais qui pour rien au monde n'auraient dit à leurs cadets une parole mal sonnante. Victimes eux-mêmes d'une souillure précoce, ils espéraient en préserver les chers petits. Malheur à qui, sous leurs yeux, eût essayé de leur donner du scandale ! De faits pareils, un enseignement supérieur se dégage. Ne le perdons pas. Que nos enfants soient placés dans des conditions telles, qu'ils aient besoin les uns des autres et se sentent appelés à se soutenir mutuellement. (A suivre.)









www.entretiens.ch fait partie du réseau « NETOPERA - culture - société - éducation sur Internet » et pour la photographie PhotOpera - Uneparjour || DEI - Défense des Enfants - International
ROUSSEAU 13: pour allumer les lumières - 300 de Rousseau  ROUSSEAU 13: les IMPOSTURES - 300 de Rousseau - portraits déviés PHOTOGRAPHIE:Nicolas Faure - photographe d'une Suisse moderne - Le visage est une fiction - photographie de l'image brute - Laurent Sandoz - comédien et acteur professionnel - Genève