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L'ami d'Hortense Ray
Je viens de lire un beau livre : Une âme vaillante; c'est une biographie.
- De qui ?
- D'Hortense Ray.
- Qui était-ce ?
- C'était une demoiselle qui...
- Une demoiselle ?
- Oui ... Cela vous étonne ?
- Cela m'étonne qu'on prenne la peine d'en parler. Le beau mérite d'être vaillante quand on est demoiselle !
- Pourtant si vous lisiez cette vie vous verriez ...
- C'est bien inutile. Je suis déjà persuadée qu'à ma place votre héroïne n'aurait pas été si vaillante que ça! Cela ne me fait aucun bien de savoir comment les autres se tirent d'affaire. Ils ne vivent pas ma vie. S'ils sont vaillants, tant mieux pour eux. Mais comme les circonstances et les caractères ne sont jamais les mêmes cela ne me prouve rien.
- Eh ! bien, ne parlons plus d'Hortense Ray. Du reste, je vous avouerai que, bien que j'aie eu du plaisir à la connaître en lisant sa vie, ce que j'ai le plus admiré c'est la fidélité, la bonté de son ami.
- Elle avait un ami ?
- Oui, un ami d'enfance, en qui elle pouvait avoir toute confiance.
- Alors, c'est bien comme le vous disais. Elle n'avait aucun mérite à être vaillante. Quelqu'un en qui on peut avoir confiance! Cela ne se rencontre pas tous les jours. Moi, cela m'a toujours manqué. Vous vous rappelez, Marthe, ma camarade d'école... La première année de mon mariage je l'avais mise au courant de mes ennuis; affaire de me soulager un peu quand j'étais par trop énervée. Elle écoutait tout, en me disant: "Je te comprends, je te plains bien." Je lui recommandais de garder tout ça pour elle. "Bien sûr, répondait-elle; ça n'ira pas plus loin." Ah! bien oui! Quelques semaines après j'en ai vu de toutes les couleurs grâce à ses racontars faits à sa manière. J'ai été guérie du coup et je ne dis plus rien à personne. Seulement je vous assure que quelquefois le fardeau est bien lourd et je me dis souvent: c'est plus qu'une femme n'en peut supporter! ... Si encore on était riche ... L'argent arrange bien des choses ... Il était riche, je pense, l'ami d'Hortense Ray ?
- C'est probable, car il lui avait promis de ne jamais la laisser manquer de rien.
- Et il a tenu parole ?
- Au-delà de toutes ses espérances.
- Elle a eu de la chance. Moi, je ne crois pas avoir rencontré personne qui tienne exactement ses promesses. Déception sur déception, je ne connais guère que cela. Et puis, vous comprenez, chacun est tellement occupé par ses propres affaires, qu'il faut être bien dévoué pour venir en aide aux autres... Qu'est-ce qui aurait le temps de m'écouter si j'avais besoin d'un conseil ?
Est-ce que l'ami d'Hortense Ray n'avait pas autre chose à faire qu'à l'écouter?
- En tout cas il lui avait dit qu'elle pouvait s'adresser à lui en toute occasion, sans craindre d'être indiscrète.
- Et il savait lui donner de bons conseils, l'encourager ? Au fait, elle n'en avait peut-être pas besoin étant demoiselle.
- Pourtant, elle a bien eu aussi ses moments difficiles, mais, grâce à la bonté sans bornes de son ami, elle était arrivée à ne plus se faire aucun souci.
- Ah! par exemple! Alors, elle aurait bien dû dire à son ami de s'occuper aussi un peu des pauvres mères de famille. Un ami riche, bon, fidèle, patient, qui vous enlève tout souci, ce serait encore plus nécessaire pour nous que pour cette demoiselle. Si c'était à moi qu'il avait fait de si belles promesses, il y a longtemps que je serais aussi une âme vaillante. Pourquoi ne s'occupe-t-il que des vieilles filles ?
- Je n'ai jamais dit cela. Je connais au contraire bien des mères et de pauvres mères qui, en recourant à lui, ont vu leur vie transformée.
- Alors il devrait bien venir transformer la mienne.
- Je suis sûre qu'il ne demanderait pas mieux. Ne vous l'a-t-il même jamais proposé ?
- A moi ? Que voulez-vous dire ? Je ne l'ai ni vu, ni entendu; je ne sais pas même son nom.
- Je croyais qu'il vous avait dit une fois: "Ne t'inquiète de rien, mais décharge-toi sur moi de tous tes soucis, car moi-même je prends soin de toi. Expose-moi tous tes besoins et j'y pourvoirai, selon ma richesse. En tout temps confie-toi en moi et répands ton coeur en ma présence. Je ne te mettrai point dehors quand tu viendras à moi. Je te conseillerai, j'aurai le regard sur toi. Si tu traverses les eaux, je serai avec toi, et les fleuves ne te submergeront point. Je suis tous les jours avec toi jusqu'à la fin du monde."
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