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Formation morale (suite)

Nous voudrions former des jardinières d'enfants.

Comment nous y prendrons-nous?

Par un apprentissage! En mettant les jeunes filles en rapport avec des enfants sous une direction judicieuse.

Fournir aux jeunes filles l'occasion de s'occuper d'enfants, c'est compléter leur éducation morale. L'enfant lui-même est éducateur. Il l'est non seulement parce que son charme et sa faiblesse font naître les sentiments tendres et le dévouement, mais parce que, dans la vie enfantine, les questions du bien et du mal se posent en termes élémentaires, naïfs et très simples, avec une logique implacable. Aider à la solution des problèmes d'une conscience qui s'éveille, c'est apprendre en enseignant.

Comparez ces démonstrations vécues avec les cours de morale abstraite, sous forme didactique, encore en usage dans certaines écoles françaises. Combien plus pénétrantes, plus durables, les impressions produites par des incidents concrets, au cours de la vie journalière.

Mais il y a plus: S'initier à l'éducation morale des tout petits, c'est apprendre l'a b c de l'art d'exercer une influence pour le bien, tâche par excellence de la femme en ce monde.

Qui ne sait quelque chose du mal que les femmes ont fait en tous temps, au cours de l'Histoire, par leur talent de persuasion, déployé pour des fins égoïstes ou coupables? «Cherchez la femme!» disent les ennemis de notre sexe, «partout où il y a des intrigues et des noirceurs, des crimes, des perfidies, des trahisons». Et il y a du vrai dans ce propos. Un de nos motifs pour demander des droits élargis, c'est précisément de décourager cette ruse instinctive, cette habileté des faibles, qui se développe dans l'assujettissement. Mais ce talent qui, dans des conditions malsaines, a été un instrument néfaste, peut, et doit devenir une des forces motrices du bien. Ce qui a été de la ruse peut devenir du tact, ce qui était subtilité, discrétion. La délicatesse, le doigté, le choix du moment propice, peuvent être mis au service de l'inspiration la plus noble. La femme est l'inspiratrice née. L'orientation de ce don, son développement par l'exercice, peuvent avoir des résultats immenses, au foyer domestique d'abord, mais encore bien au-delà. Cette portée universelle de l'influence féminine nous justifie quand nous réclamons pour les jeunes filles une initiation à l'art d'inspirer le bien.

S'occuper d'enfants, c'est ce que font déjà les jeunes filles dans les familles nombreuses, très souvent. Auprès de certaines mères, cela peut devenir un apprentissage réel, mais il faut le vouloir et ne pas se borner alors à requérir les services d'une soeur aînée pour les besognes matérielles, sans l'associer à l'éducation proprement dite. Un peu d'initiative, quelques responsabilités acceptées librement, sont nécessaires pour ôter à ces services le caractère d'une corvée qui, à la longue, peut lasser la bonne volonté. Initiative, responsabilité consentie, peu de mères comprennent à quel point ces éléments sont indispensables pour qu'une tâche paraisse captivante à un jeune esprit.

Il faudrait des exemples pour préciser ce que j'entends dans ce domaine. En voici un qui date du temps de ma jeunesse:

Le professeur de mathématiques d'un collège de petite ville étant mort subitement, sa femme resta dans une position gênée, avec deux grandes filles et une troisième, de dix ans plus jeune. L'une des sÅ“urs aînées, aquarelliste de talent, donnait déjà des leçons bien payées. L'autre vaquait au ménage. La mère, atteinte dans sa santé, ne pouvait rien entreprendre de lucratif. Toutes les petites ressources additionnées et le budget établi, la mère dit à la jeune artiste: «Nous ne pouvons pas nous passer, pour vivre, de l'appoint de ce que tu gagnes; mais je ne veux pas verser tout bonnement le fruit de ton travail dans la caisse commune. Voici ce que je te propose: Je te donnerai la charge de ta petite soeur. Tu pourvoiras aux dépenses qu'elle occasionne, vêtements, éducation, plaisirs. Rien ne se fera pour elle sans ton consentement. Nous serons deux à l'élever, deux à l'observer pour la diriger vers une carrière indépendante. Ce sera toi qui décideras de cette carrière et tu en paieras l'apprentissage». La jeune fille consentit joyeusement et le plan se réalisa. J'en ai vu de mes yeux les résultats. Admirable fut l'influence de cette relation sur les deux sÅ“urs! Educative au plus haut point pour l'aînée. Que de leçons d'économie, que de motifs spontanés de renoncement, que d'exercices de patience, de sagesse, au cours de la vie d'écolière et de ses divers incidents! Tendre fut le lien qui en résulta entre l'aînée et la cadette. Mère et fille, d'autre part, trouvèrent dans cette maternité partagée une entente profonde et toute nouvelle.

Cette idée fut certainement un trait de génie.

Un autre exemple est tiré de mes propres souvenirs:

Dans la petite école privée que je suivais à douze ans, se trouvait une élève retardée. Cette écolière passive, de compréhension très lente, nous arrêtait toutes, à notre vive exaspération. Chez moi, l'impatience atteignait son apogée, parce que j'avais souvent compris la leçon ou résolu le problème la première et que je restais désÅ“uvrée de longs moments. Ma colère s'aggravait de mépris pour tant de «bêtise», et j'étais vraiment cruelle pour la pauvre Henriette. La maîtresse eut une inspiration: elle me confia la charge de l'aider à comprendre. Ma tâche finie, je me rendis avec elle dans un coin de la salle et je m'évertuai à compléter les explications, à inventer des moyens pour les faire entrer dans sa cervelle. Dès lors, ce fut ma fonction tous les jours. Au bout de quelques temps, survint un événement extraordinaire: Henriette fit une réponse juste! C'était mon triomphe! Tout mépris disparut. L'intérêt le remplaça. L'effort ainsi récompensé de part et d'autre, il surgit entre nous de tout autres sentiments. En m'associant à la tâche de vaincre la difficulté, on avait ouvert mon cÅ“ur et mon esprit aux joies de l'éducation.

Des cas de ce genre ne sont pas rares. On ne se rend pas compte de leur influence durable. Aujourd'hui que l'Ecole Active a fait son entrée triomphale, on est mieux préparé à en comprendre la valeur.

En effet, ce que nous préconisons pour la préparation des mères, ce n'est pas autre chose que d'appliquer les principes de l'Ecole Active à la pédagogie, notamment à la pédagogie de l'âme. Faire découvrir par l'élève elle-même ce qui doit lui être enseigné, le lui faire saisir par l'expérience, c'est tout le secret de la formation morale que nous réclamons.

La pédagogie théorique est fastidieuse, dit-on. Des élèves d'une Ecole Normale m'en parlaient en soupirant. Mais, appliquée, la pédagogie captive les jeunes filles, même les fillettes, parfois même des retardées, nous assure-t-on. Et c'est parce qu'elle les intéresse si vivement que des possibilités s'ouvrent auxquelles on n'aurait pu songer jadis.

Les mères qui, dès aujourd'hui, s'essaient à l'emploi de ces méthodes avec leurs grandes filles, font des expériences encourageantes. Mais il n'existe encore aucune routine pour leur emploi dans l'éducation morale. Tout est à créer. Or, il faut un peu de génie pour innover. Si le génie maternel existe, il ne court pas les rues et, d'ordinaire, pour donner cet enseignement, il faut l'avoir reçu.

C'est pourquoi, nous réclamons un apprentissage proprement dit pour la formation maternelle des jeunes filles, une véritable initiation professionnelle, initiation pour laquelle les méthodes modernes les plus progressives, les plus souples, les plus vivantes seraient de réquisition. Et notre exigence n'a rien d'outrecuidant. A cette heure, où l'éducation professionnelle fait tant de progrès, pour les filles comme pour les garçons, est-il logique de négliger la préparation des femmes à leur vocation la plus naturelle, de ne pas y consacrer au moins autant de soins qu'aux autres métiers et professions? L'idée trouve, en général, bon accueil. Mais dès qu'on parle de son application générale, la routine se dresse contre cette innovation, les objections se hérissent, la paresse et l'inertie se gendarment, les protestations pleuvent! A tout cela, on ne répond victorieusement que par l'exemple.

L'un des buts principaux de ces «Journées» est d'encourager de tels essais, partout où il serait possible de les inaugurer. Déjà, nous entendons parler de pensionnats qui s'y hasardent, d'internats qui s'ouvrent sous le nom d'«Ecoles de fiancées»; ailleurs, ce sont des cours de vacances ou des cours pour chômeuses qui entrent dans cette voie; ailleurs, encore, des éducatrices réunissent des jeunes filles pour des causeries ad hoc, à titre privé, à côté des cours officiels post-scolaires. Evidemment, une place pourrait être faite à cet enseignement dans les Ecoles complémentaires qui s'organisent ou se réorganisent dans presque tous les cantons, aux fins de devenir obligatoires. Mais que l'initiative privée prenne les devants. Qu'elle fournisse des démonstrations décisives. La preuve faite, il est indubitable que l'exemple serait suivi et que l'enseignement officiel généraliserait l'innovation.

De nos jours, on est las d'exposés abstraits. On veut des actes. La vocation d'éducatrice maternelle n'est pas une technique à apprendre, comme la couture à la machine ou la cuisine. Le soin des bébés, l'art de les manier, n'en est qu'un des éléments. Le développement du cÅ“ur et de la conscience, l'art d'influencer le caractère, d'affermir la volonté du bien, en d'autres termes, de favoriser l'épanouissement de l'âme - sont aussi indispensables à une mère, à une femme, que la connaissance de l'hygiène. Exigeons qu'on leur fasse place dans notre éducation.

Toute une littérature peut être mise à contribution pour aider à comprendre l'âme enfantine. De charmants écrivains se sont complus à la décrire avec pénétration. Certaines biographies aussi contiennent des traits révélateurs. Les jeunes filles elles-mêmes, celles qui ont rempli ces tâches de sÅ“urs aînées dont je viens de parler, ont en mémoire de petites expériences. Il n'y aura qu'à les faire surgir et à les coordonner. Chaque institutrice, qui aura le courage d'aborder cet enseignement, trouvera sa voie personnelle, selon son genre d'esprit et de cÅ“ur. Les matériaux ne lui manqueront pas, ils foisonneront sous ses doigts. Et l'intérêt naîtra dans l'âme de la maîtresse et des élèves avec cette palpitation de la vie, qui est émouvante, entraînante, irrésistible.

(A suivre).


Nous ferons un tirage à part de la conférence de Mme Pieczynska et espérons que nos abonnés prendront à cÅ“ur de la répandre.

Nous adresser de suite les commandes Prix: franco, 25 ct. Les 10 exemplaires, 2 fr. - les 100 ex., 6 fr.









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