
|
|
Les « Entretiens sur l'éducation » est un mensuel publié sans interruption depuis plus de 100 ans.
Le site www.entretiens.ch vous offre la possibilité de consulter en ligne ces extraordinaires archives parcourant/ponctuant au jour le jour l'histoire de l'éducation familiale d'un bout à l'autre du XXème siècle.
La survie de la brochure mensuelle imprimée parallèlement à la distribution virtuelle à travers le site est le garant de la poursuite de cette aventure. La rédaction est assurée de façon bénévole par un groupe de parents passionnés par la réflexion et l'écriture autour du vécu familial. Les frais d'impression du journal et la gestion du site (100 000 pages demandées par mois??)....30.- par an (20€).
En dehors du grand intérêt pour vous de cette matière exceptionnelle, que vous soyez jeune parent, chercheur dans une université ou simplement intéressé par l'évolution des comportements humains, votre soutien par l'intermédiaire d'un abonnement nous est indispensable.
Pour les pays lointains et si vous ne désirez pas profiter de la version papier, un abonnement sous forme de pdf est accessible au même prix annuel de CHF 30. Il vous donne un accès complet aux archives
Intégrité (1)
La plupart des éducateurs commettent la faute de prendre trop au tragique les mensonges d'enfants. Ils ne songent pas que la notion complète de la véracité est très éloignée de la compréhension enfantine et que par conséquent il est tout à fait injuste de voir dans un mensonge l'indice d'une perversité précoce
Les enfants vifs et passionnés sont particulièrement tentés d'altérer les faits, mais il y a en eux l'étoffe de caractères qui triomphent plus tard du mensonge. Il y a lieu certes de combattre très sérieusement le mensonge des enfants, pour ne pas le laisser dégénérer en habitude, mais il ne faut pas supposer d'avance chez l'enfant naïf et ignorant une maturité à laquelle bien des adultes ne parviennent jamais. Jean-Paul remarquait déjà que les dires des enfants ne sont souvent qu'une pensée à haute voix, de l'imagination en paroles. «Ils semblent mentir tandis qu'ils ne font que se parler à eux-mêmes. Et puis, ils aiment à jouer avec l'art, nouveau pour eux, de la parole; il leur arrive souvent de dire des bêtises pour le seul plaisir de s'entendre parler.»
La vraie manière de réagir contre ce mensonge fantaisiste - qui ne laisse pas de constituer un gros danger, puisqu'il peut conduire tout droit au mensonge pathologique - consiste plutôt à causer tranquillement avec les enfants et à les rendre très sérieusement attentifs, au moyen d'exemples, à l'importance immense qu'il y a à s'exprimer toujours de façon qu'on puisse compter sur ce que vous dites, puis à exercer leurs aptitudes dans cette direction en les intéressant à rendre avec précision ce qu'ils ont vu ou entendu, dans les leçons de dessin, par exemple, ou d'histoire naturelle. Il faut qu'ils mettent leur point d'honneur à regarder attentivement et à faire des rapports fidèles. Cela est d'un profit durable. Rien n'est plus dangereux pour le caractère que les habitudes d'à peu près.
Des psychologues ont démontré par une série d'expériences faites sur des adultes d'abord, puis sur des écoliers, que nos témoignages relatifs aux objets, même simples et faciles à saisir, sont extrêmement défectueux
Ils recommandent une discipline du souvenir qui exerce les enfants à contrôler eux-mêmes leurs récits. Ces exercices suggèrent nombre d'applications utiles, relatives, par exemple, à la manière dont les nouvelles s'altèrent en se colportant. Des expériences qui ont fait impression sur les enfants fournissent une excellente occasion de leur parler de leur responsabilité. On peut, si l'on veut, montrer aux petits un tableau représentant différents objets (ciseaux, pomme, marteau, etc.) On l'expose pendant quelques secondes, puis on demande: «Qu'avez-vous vu?» Les enfants eux-mêmes seront saisis en voyant combien il est impossible de faire fonds sur leurs réponses.
Nous avons parlé jusqu'à présent des mensonges d'imagination. Il nous faut aborder ce qu'on pourrait appeler les mensonges égoïstes. Ce sont de beaucoup les plus nombreux, - et les plus graves. On ment pour se tirer d'un mauvais pas. Dans un très grand nombre de cas, le mensonge est la conséquence d'une faute que l'on cherche à cacher. Comment l'éducateur doit-il, se comporter vis-à-vis de ces mensonges?
1° En faisant appel au sentiment, en cherchant à développer l'altruisme chez l'enfant. Celui-ci, en effet, est souvent amené, pour se disculper, à rejeter la faute sur un autre, ou tout au moins à laisser accuser un innocent. Si on l'a habitué de bonne heure à se mettre à la place d'autrui, il sera moins exposé à commettre ce genre de lâcheté. (Les livres de Mme de Pressensé peuvent rendre de grands services à ce point de vue).
2° En cherchant un appui dans la raison. Il n'est pas difficile de faire voir à un enfant combien sont inutiles et même nuisibles en définitive certaines tromperies qui semblent avantageuses au premier abord. C'est le cas de la plupart des mensonges scolaires, de la tricherie si répandue encore dans nos écoles, qui favorise la paresse et dont l'élève, bien plus que le maître, se trouve être la victime. Le sentiment de la justice, très vivant au cÅ“ur des enfants, est fait à la fois d'altruisme et de logique. On trouvera en lui un précieux auxiliaire pour cette double éducation.
Ce qui importe avant tout, c'est de développer le courage. La grande majorité des mensonges sont dus à la peur (2): peur des coups pour les petits, crainte du qu'en dira-t-on pour les adolescents. «Rien n'est plus faux», dit FÅ“rster, que de chercher à bannir le mensonge par les coups. Ceux-ci ne sont jamais moins indiqué que dans ce cas
Faire appel à la peur, c'est précisément renforcer le mobile par excellence du mensonge». Dans l'arsenal de l'hygiène morale, la confiance est le meilleur antiseptique pour combattre les germes du mensonge.
On est sur de trouver de l'écho chez les enfants, chez les garçons en particulier, en faisant appel à leur ambition de se montrer courageux. Il est tout indiqué de partir de là pour leur montrer que le mensonge est une lâcheté et que, pour dire la vérité quoiqu'il vous en coûte, il faut un courage plus rare encore que celui qu'ils admirent dans les prouesses de leurs camarades les plus aguerris.
Enfin il y a des mensonges que nous ne pourrons combattre qu'en faisant appel à ce qu'il y a de plus profond dans la conscience morale de l'enfant, son sens religieux de la droiture, de la clarté. C'est le cas notamment de certaines faussetés couramment admises qui ne «font de mal à personne» et que nous aspirons pourtant à dépasser, quand il s'agit par exemple de dire la vérité à un ami qui nous demande ce que nous pensons de sa conduite. La véracité est non pas tant un devoir de justice et de charité envers le prochain que la condition première de toute vie de l'esprit. L'unité, l'harmonie est aussi indispensable à la conduite morale qu'à l'Å“uvre d'art ou à la pensée scientifique. La duplicité, l'hypocrisie, toutes les formes du mensonge entament l'intégrité d'un caractère. «Sois ce que tu es», sois ce que, au plus profond de toi-même, il t'est commandé d'être.
(1)La première partie de cet article est empruntée à « l'Ecole et le caractère », de FÅ“rster.
(2)D'après une enquête, plus du 70% des mensonges ont la crainte pour origine.
|
|
|