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Le piano retrouvé
Lorsqu'elle me raconta avec les yeux brillants de joie le rêve merveilleux qu'elle venait de faire cette nuit, je l'ai écoutée avec attention, car comment ne pas être touchée par la passion et l'exaltation qui animaient ma fille ce matin-là.
« Il était immense, en acajou brillant, me dit-elle; et trois ou quatre déménageurs le montaient avec peine d'étage en étage. Malheureusement, je me suis réveillée avant de voir ce piano à queue installé au milieu du salon! »
De piano, cela fait des années qu'on en parle. Mais un piano prend beaucoup de place, fait beaucoup de bruit (surtout dans un immeuble mal insonorisé), et exige beaucoup de travail. Sur ce dernier point, j'en sais quelque chose, car mon enfance et adolescence ont été rythmées par les gammes et exercices où de fausses notes subsistaient encore et toujours malgré les heures d'étude! Imposer cette même discipline à mes enfants alors que les devoirs scolaires sont déjà trop pour eux m'a paru inconcevable. Des leçons de solfège et de flûte leur ont alors apporté les premières connaissances musicales. Le piano restant le domaine du rêve !
Mais un rêve, tel celui raconté ce matin, m'a paru différent. Alors, comme par hasard, je me suis trouvée devant la vitrine d'un marchand d'instruments de musique, pour découvrir, sous mon nez, un piano d'occasion, suffisamment petit pour être glissé sous la lucarne à côté de la bibliothèque. Une semaine plus tard, il était là, non pas immense et en acajou, mais petit et blanc. (Le rêve ne doit-il pas être excessif pour être entendu ?)
Sans tarder, les enfants ont sorti leurs cahiers de musique pour flûte et se mirent à jouer ces morceaux connus sur le piano. De mon côté, je partis à la recherche des souvenirs, ou plutôt de la mémoire disparue. En effet, comment retrouver, après plus de vingt-cinq ans, les cahiers et morceaux divers qui m'avaient volé tant d'heures il y a si longtemps?
Ramenant néanmoins une brassée de cahiers, je commençai à pianoter morceau après morceau. Mais tout était trop difficile et rien ne signifiait rien. Cependant, arrivée à la 112e page, ce fut brusquement le miracle de la mémoire retrouvée: cette mélodie, je l'ai reconnue, cet accord, je l'ai retrouvé toute seule sans avoir besoin de « compter les notes». Enthousiasmée, j'ai découvert d'autres partitions que je redéchiffre avec joie.
En repensant à mes premières années de piano, je me suis souvenue que j'aimais beaucoup faire des quatre mains avec ma grand-mère. Je jouais des petites notes toutes simples et elle, plaquait des accords
sonnants qui faisaient un effet fou. Si je n'ai pas retrouvé «le» cahier à quatre mains de mon enfance, j'en ai acheté d'autres pour les jouer avec ma fille. C'est moi, cette fois, qui joue les grands accords -pas toujours si faciles! -que j'étudie lorsque mes enfants sont à l'école. Et, le soir venu, coude à coude, nous jouons et rejouons dans une complicité nouvelle.
Mes enfants ne deviendront probablement pas de grands pianistes, ni ne suivront des cours avec acharnement, mais ils feront des heures passées devant le piano des moments de joie et de délassement.
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