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Qu'est-ce qu'un enfant difficile ?
Les deux fragments qui suivent ont été inspirés par des articles forts intéressants de "l'Amie de la Jeune Fille" et de "l'Education familiale".
La réponse à cette question est toute simple: un enfant difficile est un enfant qui ne se laisse pas éduquer sans résistance. Il nous semble tout naturel et normal que nos enfants aiment à nous obéir. Nous admettons, cela va sans dire, que même les plus dociles ont leurs mauvais jours et commettent des incartades, mais nous estimons qu'en fin de compte il est juste que nous remportions la victoire dans les petites luttes qui surgissent entre eux et nous. Si l'ordre est renversé, si nous avons peine à rester maîtresses de la situation, nous croyons avoir affaire à des enfants difficiles. C'est plausible.
Mais
pouvons-nous prétendre que chaque enfant qui ne se laisse pas éduquer sans résistance est nécessairement difficile? Pour admettre cela, il faudrait supposer que tous nos ordres et nos exigences sont infailliblement justes, que notre manière d'éduquer les enfants est bonne sous tous les rapports. Sommes-nous bien sûres de ne pas commettre d'erreurs, toujours les mêmes peut-être, qui les incitent à la révolte? S'il en était ainsi, la résistance des enfants ne serait-elle pas plutôt la preuve que nous éducatrices, sommes sur la mauvaise voie? Voilà qui nous donne matière à réflexion. Il serait pour le moins prudent d'admettre la possibilité d'erreurs de notre part, lorsque nous nous heurtons à des difficultés dans nos rapports avec les enfants.
Un exemple: nous sommes lasses ou préoccupées. Les enfants sont tapageurs; ils nous harcèlent de toutes sortes de requêtes: à peine se sont-ils éloignés plus ou moins satisfaits, qu'ils reviennent à la charge. Le ton de nos réponses commence à se ressentir de notre besoin de solitude. Les enfants n'en deviennent que plus insistants. Et nous de soupirer: «Enfants difficiles!» Ne vaudrait-il pas mieux dire: situation difficile? car, d'une part les enfants bien portants sont naturellement bruyants, pleins d'idées à réaliser, souvent turbulents et têtus, et d'autre part, nous avons beau les aimer et être vives, jeunes et gaies, notre entrain et notre élasticité ont des bornes. C'est que nous ne sommes plus des enfants.
Peut-être aussi les connaissons-nous et les comprenons-nous mal. Nous les jugeons en les comparant à nous. Leurs impulsions, leurs changements d'humeur, les nuances de leur langage nous échappent. Nous oublions que leurs esprits tout neufs ont d'autres intérêts que les nôtres et que mille choses ont pour eux une autre valeur que pour nous (à commencer par les trésors cachés dans les fonds de poche des petits garçons). Peut-être encore nous connaissons-nous mal nous-mêmes. Sommes-nous conscientes du rôle que jouent nos humeurs, nos lassitudes, nos sympathies, nos aversions et nos désirs dans nos rapports avec les petits?
Une notion exacte des enfants et de nous-mêmes nous permettrait d'éviter plus d'une erreur. Elle nous aiderait à régler nos exigences d'après les capacités des enfants; elle nous ferait éviter des frottements inutiles, sources de nombreuses difficultés, et surtout elle nous empêcherait d'affubler du titre de difficiles des enfants qui ne le méritent pas.
Mais, soyons justes. Nous ne sommes pas la cause de toutes les difficultés. Il y a des enfants difficiles qui ne savent ou ne veulent pas se plier aux nécessités de l'éducation.
Tout d'abord voici les petits révoltés, ceux qui ne supportent ni ordre, ni discipline, qui ne veulent ni se lever, ni se coucher, ni manger, ni jouer, ni travailler aux heures prescrites, qui n'entrevoient que chicanes dans nos ordres. Ensuite, les nerveux, les excités, les impulsifs, qui ne peuvent se tenir tranquilles, qui changent à tout moment d'occupation, qui ne savent rien faire à fond et sont toujours en quête de nouvelles occupations. Puis les timides et les apathiques dont nous tirons à peine quelques mots, que nous devons continuellement pousser à l'action, qui s'endorment ou qui rêvassent dès que nous les abandonnons à eux-mêmes. Voici encore les «vicieux», voleurs, menteurs. intrigants, brutaux et cruels même, dont nous envisageons l'avenir avec crainte. Enfin, toute la bande des enfants retardés, peu intelligents et lents, qui ne comprennent pas ce que nous demandons d'eux et fuient volontiers devant l'effort.
Si ces enfants résistent, même à une éducation bien comprise, nous pouvons nous imaginer sans peine quelle serait la conséquence de nos erreurs à leur égard. Tandis que leurs camarades développés normalement supportent plus d'une faute pédagogique et en atténuent instinctivement les conséquences, eux deviennent plus difficiles chaque fois que nous faisons fausse route. Et c'est cela qui rend leur éducation si lourde de responsabilité.
La tâche des parents est souvent ardue, il faut en convenir, mais elle le serait certainement moins si les enfants difficiles avaient été traités depuis le commencement avec plus d'intelligence, de savoir faire et de doigté. C'est l'aiguillage qui est important dans une éducation et il se fait dès le début de la vie. Nous n'aurons donc pas trop de toute notre intelligence, notre réflexion et nos forces pour trouver la méthode, différente pour chaque enfant, qui doit l'amener au plein rendement de sa personnalité. Et si tous nos efforts sont vains, si notre patience et notre persévérance n'obtiennent aucun résultat, sachons appeler à l'aide ceux qui se sont fait une spécialité des problèmes pédagogiques.
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