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Comprendre
J'ai cité à plusieurs mamans le fait que je vais décrire, avec un peu d'orgueil, certes, mais surtout comme je leur eusse donné une recette de farine lactée, pour le bien de leurs petits.
Ma fille avait alors trois ou quatre ans. Nous venions d'achever pour l'après-midi notre toilette de maison. Elle portait un tablier rose tout frais et je la voyais en admirer les plis bien nets.
Pour se rendre au jardin, elle traversa la cuisine où travaillait une femme de ménage. Je l'entendis commencer leur causette quotidienne:
- Viens jouer, Marie
- Je ne peux pas, j'ai beaucoup à faire aujourd'hui.
- Tu travailles toujours!
- Il le faut bien.
- Tu dois gagner plus de sous que papa?
- Oh! non, parce que je n'ai pas eu comme ton papa des parents pour me faire instruire.
- Et personne ne te gagne des sous?
- Non, personne.
- Et si tu n'avais pas de travail?
- Je n'aurais pas de quoi manger.
C'est tout, l'enfant renonce à son enquête; la voilà dans le jardin. Je crois la voir, toute rose dans le soleil. Elle entasse du gravier et dessine des massifs où les feuilles de primevères jouent le rôle d'arbres géants. Cependant je ne perçois pas le bruit habituel de la pelle dans les cailloux. Je m'avance; l'enfant dans un coin de terre mouillée, prend de la boue à pleines mains et l'étale sur son beau tablier rose.
Je vais bondir, la secouer
Son expression dégoûtée m'arrête à temps. Je m'approche et demande tristement:
- Que fait ma petite fille?
- Tu vois, elle fait du travail pour cette pauvre Marie qui ne pourrait pas manger
Qu'on imagine l'effet d'une punition sur ce petit cÅ“ur gonflé de pitié. J'embrasse ma chérie pour sa bonté, et je l'embrasse encore pour l'amère déception que j'ai failli lui causer. Mais j'ôte le tablier sale:
- Viens, nous allons le laver ensemble, tu ne ferais qu'augmenter la fatigue de Marie
Il faut qu'elle sache que le bien n'est pas tout simple et que nos meilleures intentions peuvent mal tourner. J'espère seulement qu'elle vient de l'apprendre sans trop de tristesse.
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