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Les Pleurs

Les premiers pleurs d'un enfant sont des prières; si l'on n'y prend garde, ils deviennent bientôt des ordres: ils commencent par se faire assister ils finissent par se faire servir, ainsi, de leur propre faiblesse, d'où vient le sentiment de leur dépendance, naît ensuite l'idée de l'empire et de la domination: mais cette idée étant moins excitée par leurs besoins que par nos services, ici commencent à se faire apercevoir les effets moraux dont la cause immédiate n'est pas dans la nature; et l'on voit déjà pourquoi, dès ce premier âge, il importe de démêler l'intention secrète qui dicte le geste ou le cri.

Quand l'enfant tend la main avec effort sans rien dire, il croit atteindre l'objet, parce qu'il n'en estime pas la distance: il est dans l'erreur; mais quand il se plaint et crie en tendant la main, alors il ne s'abuse plus sur la distance; il commande à l'objet de s'approcher, ou à vous de le lui apporter. Dans le premier cas, portez-le à l'objet lentement et à petit pas; dans le second, ne faites pas seulement semblant de l'entendre: plus il criera moins vous devrez l'écouter. Il importe de l'accoutumer de bonne heure à ne commander ni aux hommes, car il n'est pas leur maître, ni aux choses, car elles ne l'entendent point. Ainsi, quand un enfant désire quelque chose qu'il voit et qu'on veut lui donner, il vaut mieux porter l'enfant à l'objet que d'apporter l'objet à l'enfant: il tire de cette pratique une conclusion qui est de son âge; il n'y a point d'autre moyen de la lui suggérer.

Les longs pleurs d'un enfant qui n'est ni lié ni malade, et qu'on ne laisse manquer de rien, ne sont que des pleurs d'habitude et d'obstination; ils ne sont point l'ouvrage de la nature, mais de la nourrice, qui, pour n'en savoir endurer l'opportunité, la multiplie, sans songer qu'en faisant taire l'enfant aujourd'hui, on l'excite à pleurer demain davantage.

Le seul moyen de guérir ou de prévenir cette habitude, est de n'y faire aucune attention. Personne n'aime à prendre une peine inutile, pas même les enfants. Ils sont obstinés dans leurs tentatives, mais si vous avez plus de constance qu'eux d'opiniâtreté, ils se rebutent, et n'y reviennent plus. C'est ainsi qu'on leur épargne des pleurs, et qu'on les accoutume à n'en verser que quand la douleur les y force.

Au reste, quand ils pleurent par fantaisie ou par obstination, un moyen sûr pour les empêcher de continuer est de les distraire par quelque objet agréable ou frappant, qui leur fasse oublier ce qu'ils voulaient. La plupart des nourrices excellent dans cet art; et, bien ménagé, il est très utile; mais il est de la dernière importance que l'enfant n'aperçoive pas l'intention de le distraire, et qu'il s'amuse sans croire qu'on songe à lui; or, voilà sur quoi toutes les nourrices sont maladroites.

Quand les enfants commencent à parler, ils pleurent moins. Le progrès est naturel; un langage est substitué à l'autre. Sitôt qu'ils peuvent dire qu'ils souffrent avec des paroles, pourquoi le diraient-ils avec des cris, si ce n'est quand la douleur est trop vive pour que la parole puisse l'exprimer ? S'ils continuent alors à pleurer, c'est la faute des gens qui sont autour d'eux. Dès qu'une fois Emile aura dit: j'ai mal, il faudra des douleurs bien vives pour le forcer à pleurer.

Si l'enfant est délicat, sensible, que naturellement il se mette à crier pour rien, en rendant ses cris inutiles, et sans effet, j'en taris bientôt la source; tant qu'il pleure je ne vais pas à lui; j'y cours sitôt qu'il s'est tû. Bientôt sa manière de m'appeler sera de se taire, ou tout au plus de jeter un seul cri. C'est par l'effet sensible des signes que les enfants jugent de leurs sens: il n'y a point d'autre convention pour eux; quelque mal qu'un enfant se fasse, il est très rare qu'il pleure, quand il est seul, à moins qu'il n'ait l'espoir d'être entendu.

S'il tombe, s'il se fait une bosse à la tête, s'il saigne du nez, s'il se coupe les doigts, au lieu de s'empresser autour de lui d'un air étonné, je resterai tranquille au moins pour un peu de temps. Le mal est fait, c'est une nécessité qu'il l'endure; tout mon empressement ne servirait qu'à l'effrayer davantage et augmenter sa sensibilité. Au fond, c'est moins le coup que la crainte qui tourmente quand on est blessé. Je lui épargnerai du moins cette dernière angoisse; car, très sûrement, il jugera de son mal comme il verra que j'en juge, s'il me voit accourir avec inquiétude, le consoler, le plaindre, il s'estimera perdu; s'il me voit garder mon sang-froid, il reprendra bientôt le sien, croira le mal guéri quand il ne le sentira plus. C'est à cet âge qu'on prend les premières leçons de courage, et que souffrant sans effroi de légères douleurs, on apprend par degré à supporter les grandes.

J'ai déjà dit ce qu'il faut faire quand un enfant pleure pour avoir ceci ou celà; à cela j'ajouterai seulement que dès qu'il peut demander en parlant ce qu'il désire, et que pour l'obtenir plus vite, ou pour vaincre un refus, il appuie de pleurs sa demande, elle doit lui être irrévocablement refusée.

Si le besoin l'a fait parler, vous devez le savoir et faire aussitôt ce qu'il demande; mais céder quelque chose à ses larmes c'est l'exciter à en verser; c'est lui apprendre à douter de votre bonne volonté et à croire que l'importunité peut plus sur vous que la bienveillance; s'il ne vous croit pas bon, bientôt il sera méchant; s'il vous croit faible, il sera bientôt opiniâtre. Il importe d'accorder toujours au premier signe ce qu'on ne veut pas refuser. Ne soyez pas prodigue en refus, mais ne les révoquez jamais.









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