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De la responsabilité des parents dans la création et le maintien des liens entre frères et soeurs

Nous entendons constamment autour de nous des lamentations sur la crise et la désagrégation de la famille, et il nous semble que trop souvent on ne considère qu'une face du problème: les relations entre parents et enfants. Alors même que ces relations seraient excellentes, s'en suivrait-il nécessairement que la vie de famille fût harmonieuse ? nous ne le pensons pas. Les rapports entre frères et soeurs ne «vont pas toujours tout seuls» et il existe des familles, mêmes chrétiennes, à propos desquelles il serait amèrement ironique de parler de liens entre frères et soeurs.
Y a-t-il des raisons et existe-t-il un remède à cette situation? Ou nous trouvons-nous devant un état de fait que nous pouvons déplorer, mais qu'il nous faut accepter ?
Cherchons-en d'abord les raisons. Les rapports entre frères et soeurs peuvent être difficiles pour trois causes:
1° Alors que chacun choisit librement ses amis et ne sera pas nécessairement fidèle sa vie durant à ses amitiés d'enfance, les frères et sÅ“urs sont imposés
les uns aux autres sans qu'il y ait de leur part le moindre choix possible, et ils le sont pour la vie entière.
2° Il y a souvent une différence d'âge appréciable entre eux, tandis que leurs amis sont généralement leurs contemporains.
3° Tandis qu'ils choisissent leurs amis parmi les personnes ayant avec eux des affinités de goûts et partageant leur idéal, il y a souvent bien peu de ressemblance entre frères. Il semble même parfois qu'il suffise que l'un aime ceci pour que l'autre le déteste, l'un est optimiste, l'autre pessimiste, l'un est insouciant, l'autre scrupuleux. Comment donc ne souffriraient-ils pas souvent de cette vie commune à laquelle ils ne peuvent se soustraire?
N'oublions pas non plus l'influence des crises de croissance. Au moment où l'adolescent sort de sa chrysalide après une période plus ou moins longue « d'âge ingrat » et où il a besoin d'une ambiance calme et sereine, son cadet entre peut-être dans la période de crise dont il sort et rompt l'équilibre si péniblement acquis. Quoi d'étonnant s'il y a parfois heurt et incompréhension ?
Avons-nous comme parents une responsabilité dans ce domaine ? Avons-nous un moyen d'action ?
Je crois que nous devons répondre affirmativement aux deux questions. Notre responsabilité existe par le fait seul que nous avons accepté de donner le jour à nos enfants et de les placer dans le milieu que, dans une mesure tout au moins, nous avons créé pour eux. Et nous avons un moyen d'action précisément parce que nous pouvons modifier ce milieu familial. Le noeud de la question qui nous occupe est exactement là : créer une ambiance.
Bien avant la venue de l'enfant nous avons préparé cette ambiance par notre conception même de la famille. Si pour nous l'idéal du foyer est la pension où on entre et on sort, on va et on vient sans rien partager sauf la nourriture matérielle, alors nous ne créerons jamais entre nos enfants des liens solides et résistants. Si, au contraire, nous avons rêvé, puis voulu, puis édifié le foyer véritable, le
sanctuaire commun, dans lequel les préoccupations, les intérêts, les joies sont partagés, alors un grand pas est fait pour l'établissement de ces liens. Ils naîtront spontanément entre nos enfants, sans même que ceux-ci se rendent compte de leur force et de leur importance.
En effet dès que le second bébé est là, non seulement la famille est agrandie en nombre, mais elle s'est enrichie d'une relation nouvelle : le cercle des frères et soeurs est créé. Dès lors il n'ira plus qu'en augmentant, et pour nous parents le problème se compliquera à l'adjonction de chaque nouveau venu dans ce cercle ; il faudra l'y intégrer véritablement et lui faire sa place par des moyens qui différeront avec chaque enfant.
Si nous voulons vivre dans une atmosphère de confiance et de joie, ayons soin d'annoncer d'avance aux aînés la venue du bébé attendu et pour prévenir la jalousie présentons leur cette venue comme un enrichissement, comme une occasion de partage, comme une source de joie et de gaîté; associons-les à nos préparatifs et faisons-en un petit secret de famille. Ne donnons jamais l'impression que le bébé qui viendra sera plus ou moins apprécié selon qu'il sera un garçon ou une fille. S'il y a quelque chose de très normal, de très humain dans le désir d'avoir un fils qui perpétuera le nom et si l'on comprend la tristesse de ceux qui voient leur nom s'éteindre faute de descendance masculine, ne prenons pas cet instinct pour un sentiment et ne laissons pas nos enfants croire qu'en soi-même le frère est supérieur à la soeur. Que de rapports fraternels ruinés par cette idée !
Envisageons rapidement quelques-unes des difficultés que nous rencontrerons.
Tel de nos aînés peut être moins bien doué ou moins brillant que son cadet ; d'où orgueil du cadet et sentiment d'infériorité chez l'aîné. Les deux sentiments sont naturels et ont pour résultat d'assombrir les relations fraternelles. Ou, au contraire, chacun étant dans les rangs de l'honnête moyenne, il peut arriver que les aînés, surtout si ce sont des garçons, étouffent et submergent leurs cadets. C'est plus en raison de leur masse, de leur volume, de la force de leur voix, que pour des raisons intellectuelles. C'est peut-être aussi parce qu'il est plus facile d'avoir une conversation avec les aînés que de babiller avec les cadets. Et nous voyons alors poindre chez ces derniers un sentiment d'amertume : «On n'écoute que les grands, nous les petits, on ne peut rien dire!»
La question de l'obligeance peut aussi créer des amertumes. Il y a des enfants qui rendront dix services pendant que d'autres ne verront même pas qu'il y aurait lieu de se déranger. Par amour du moindre effort, les parents se tournent vers les premiers et laissent tranquilles les seconds, quitte à entendre une fois une voix agacée murmurer entre haut et bas : « ça n'est pas juste, on ne demande des services rien qu'à moi, et pourtant je ne grogne jamais pour les rendre ». De là à tirer la conclusion que le meilleur moyen pour qu'on vous laisse la paix, c'est de grogner quand on vous dérange, il n'y a qu'un pas.
Constater les difficultés n'est que le commencement de la sagesse et il ne servirait à rien de s'arrêter là. Notre rôle de parents est avant tout constructif. Nous devons concevoir et faire concevoir la famille comme une construction dans laquelle chacun a sa part et sa responsabilité. Nos enfants doivent savoir dès leur très jeune âge que nous, parents, sommes impuissants à créer la vie de famille sans leur collaboration avec nous et entre eux. Le maintien de la bonne humeur ne repose pas sur maman seulement; papa n'est pas là seulement pour gagner le pain quotidien ; les grandes soeurs ont autre chose à faire que de raccomoder les bas et les fonds de pantalons ; et les grands frères peuvent préférer leur livre à la solution d'un problème d'arithmétique. La vie de famille demande que toutes ces choses soient accomplies, mais elles doivent l'être par tous et non par un seul. Ainsi le frère se rendra compte que son attitude envers sa soeur sert à la collectivité et contribue à la construction ou à la destruction de l'édifice familial. Ceci est la base fondamentale, la pierre d'angle des relations fraternelles. Il faut que l'enfant comprenne que son attitude contribue à la joie ou à la tristesse de tous.
De cette attitude de collaboration de chacun au bonheur de tous découlent très naturellement deux conséquences: nous prendrons nos aînés comme collaborateurs dans l'éducation des cadets et nous expliquerons nos enfants les uns aux autres, en particulier cela va sans dire. Prendre un aîné comme collaborateur ne signifie pas l'écraser sous la responsabilité du «bon exemple à donner». Oh! le bon exemple! Phrase malencontreuse, créatrice de grogne et de révolte ! Donnant à l'aîné l'idée d'une supériorité qu'on lui impose, et au cadet celle d'une infériorité congénitale ! Comme si les cadets ne pouvaient pas être en exemple à leurs aînés !
N'est-il pas plus psychologique, et cela ne crée-t-il pas des liens plus forts entre des parents et leurs enfants de dire à l'aîné, fût-il un bambin de six ou huit ans : «Tu vois ton cadet, tu voudrais qu'il t'aime très fort, mais il te faut travailler pour cela ; l'affection n'est pas une chose qu'on vous doit ; il faut la conquérir et en être digne ; si ton cadet voit que tu es heureux de rendre service il voudra être heureux comme toi, et il t'aimera parce que tu lui auras appris un moyen d'être heureux. Apprends-lui donc à être heureux !»
C'est ainsi que l'autre jour une fillette de 7 ans accourait vers sa mère : «Maman, j'ai fait une évite à Paul !» - Une évite ? - « Mais oui, il allait se fâcher pour mettre ses pantoufles, alors je lui ai dit qu'on serait tout triste à goûter et je lui ai mis ses pantoufles ; alors il est redevenu de bonne humeur». Elle voulait dire qu'elle avait évité à son frère un accès de mauvaise humeur. Délicieux secret entre sa mère et elle et reconnaissance du petit frère !
Ne craignons pas d'expliquer à nos enfants les raisons d'être de telle ou telle attitude de leurs frères et soeurs; que ce soit pour excuser ou simplement pour faire comprendre. S'ils savent que la mauvaise humeur est provoquée par un mauvais carnet ou par un chagrin personnel, ils l'excuseront plus facilement et ne jetteront pas d'huile sur le feu.
Enfin n'érigeons pas en dogme la supériorité incontestée des aînés parce qu'aînés et prenons garde aux numéros intermédiaires qui ne sont ni aînés, ni cadets.
Si nos enfants ont compris que la maison est un foyer, ils partageront sans peine avec leurs frères et soeurs leurs joies et leurs chagrins, leurs intérêts et leurs soucis. A cet égard les repas en famille sont un précieux auxiliaire ; chacun devrait pouvoir y raconter ce qu'il a fait ou vu d'intéressant et ainsi se prendrait l'habitude de la politesse et des égards. Ceci est essentiel, car sans elle comment un frère considérerait-il comme une amie la sÅ“ur dont il a toujours fait son humble servante, bonne à satisfaire ses volontés de pacha, et comment la sÅ“ur s'appuierait-elle sur ce frère qui jamais n'a mis sa force physique à son service et auquel elle obéit plus par crainte que par affection ?
Toutefois nous n'oublierons pas l'expérience de nos jeunes années et nous nous souviendrons que tout en pratiquant volontiers les égards et la complaisance, une invincible réserve nous empêchait d'exprimer en paroles, sauf peut-être envers de très cadets, l'affection réelle et profonde qui existait dans notre coeur. Nous aiderons donc nos enfants en servant de truchement, d'interprète; nous aiderons nos filles à voir ce qu'il y a derrière les caresses un peu rudes, maladroites et parfois intempestives de leurs frères et nous aiderons nos fils à comprendre la tendresse qui se cache sous les airs « petite maman » ou la sollicitude un peu exagérée et agaçante de leurs soeurs. En ce faisant nous prendrons bien garde de respecter l'intimité qui peut exister entre nos enfants et nous. Rien ne ruine une relation entre frère et sÅ“ur comme le sentiment que les parents racontent à l'un ce que l'autre a dit et trahissent ainsi la confiance qui leur a été témoignée. C'est pourquoi, lorsque plus tard l'un des membres de la famille aura quitté le foyer, et que la correspondance sera le seul lien entre lui et nous, nous aurons soin de lire aux frères et soeurs les lettres de l'absent afin qu'ils soient au courant de ses faits et gestes, mais de ne pas les leur remettre afin que notre intimité de parents à enfant ne soit pas violée.
Enfin avant de passer à l'étude des moyens plus extérieurs qui peuvent créer des liens entre frères et soeurs disons un mot des disputes. Les disputes, les chicanes si fatigantes et si énervantes pour nous n'ont peut-être pas grande importance dans les relations fraternelles, à condition qu'elles se fassent sur un pied d'égalité et qu'il n'y ait pas oppression d'une partie par l'autre. Elles entretiennent même parfois l'amitié ; n'est-elle pas juste cette parole d'une soeur: « On ne se dispute jamais qu'avec les frères qu'on aime, les autres on les laisse tranquilles ».
Heureusement que nous avons à notre disposition toute une série de moyens secondaires pour créer et maintenir des liens solides entre nos enfants.
Tout d'abord les souvenirs communs: de ces toutes petites choses qu'on ne fait qu'à la maison et dont, plus tard, lorsque les parents ne sont plus là, on parle en disant : «Te souviens-tu? maman faisait ceci ou cela ». Souvenirs de promenades, souvenirs de soirées, souvenirs de farces même, toutes choses ténues et minimes en elles-mêmes, mais qui créent des liens parce que les autres ne peuvent pas se souvenir et que ces choses ne peuvent avoir de signification que pour ceux qui ont été enfants au même foyer.
Et puis il y a les lectures et la musique en famille. Quels liens ne crée pas la lecture à haute voix de tel livre amusant ou de tel chef-d'Å“uvre ? Et les jeux ? Les rires faits en jouant à l'oie ou à bête noire. Ah ! je vous assure qu'elle n'a pas peur la toute petite lorsqu'elle part la main dans celle de son frère. Et les anniversaires? S'il se peut fêtons-les avec un certain rite, dans la mesure du possible habituons nos enfants à se faire de petits présents et que la fête de l'un soit bien la fête de tous.
Disons en terminant quelques mots du problème religieux. Comment dans ce domaine faciliterons-nous l'intimité de nos enfants les uns avec les autres? Ayons des actes religieux communs : prière, école du dimanche, lectures. Il faut que les enfants voient qu'on peut parler de ces choses comme des autres, qu'ils comprennent qu'il y a des expériences religieuses diverses qui doivent être respectées.
Ainsi les années passent. A l'âge où les forces des parents déclinent, où les enfants sont entrés dans la vie pratique, heureux seront les frères et sÅ“urs qui auront pris l'habitude de s'entr'aider, de s'appuyer les uns sur les autres, de profiter des expériences les uns des autres ; heureux seront-ils surtout si leur affection résiste aux épreuves de la vie et si, à l'heure où les parents ne seront plus là pour faire centre, les liens créés par eux ne se relàchent pas, mais prouvent au monde que lorsque la maison a été bâtie dans le roc elle tient bon contre toutes les tempêtes.









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