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Le tact

Comme vous voulez que les hommes agissent envers vous, agissez vous-mêmes pareillement avec eux. Sermon sur la montagne.

Le tact, qu'on a parfois nommé notre sixième sens, est autre chose que la politesse, le savoir-vivre ou les bonnes manières, il exige à la fois plus de subtilité et plus de coeur que ces qualités toutes extérieures. Si nous devions le définir, nous dirions plutôt qu'il est une attitude pleine de délicatesse vis-à-vis des sentiments d'autrui, une faculté de deviner ce qui pourrait le blesser ou lui faire plaisir, un respect de sa liberté et de sa personnalité.
Les bases du tact nous paraissent devoir être l'amour et la réflexion. Or si l'amour existe déjà à l'état instinctif chez nos tout petits, en revanche ce n'est guère que vers la sixième ou la septième année que se manifeste la réflexion ; jusqu'à cet âge l'enfant ne réfléchit pas, il observe. C'est seulement lorsqu'il saura réfléchir que nous pourrons essayer avec succès de lui apprendre à avoir du tact, mais alors nous nous heurterons à une grosse difficulté, car si d'être curieux, indiscret, intransigeant et bavard sont, semble-t-il, les caractéristiques des personnes qui manquent de tact, ces mêmes tendances sont tellement nécessaires au développement de nos enfants que nous ne devrons les combattre qu'avec une grande modération.
En effet, nous voulons qu'ils aient de la curiosité puisque c'est grâce à elle qu'ils s'instruisent et apprennent à connaître ce qui les entoure ; nous aimons qu'ils jugent sévèrement tout ce qui leur paraît injustice, fausseté et mensonge, et nous désirons qu'ils nous racontent spontanément et longuement ce qu'ils pensent, ce qu'ils ont vu et entendu. Nous agirons donc avec douceur et circonspection, nous souvenant que, comme le dit J. Herbé « Ce n'est que petit à petit que l'on parvient à concilier, dans la conscience de l'enfant, le devoir d'être sincère et le devoir de ne point affliger autrui quand un bien supérieur ne l'exige pas. C'est patiemment qu'il faut procéder pour établir aux yeux des tout petits que l'horreur de la délation n'est point en opposition avec l'exercice de la sincérité ».
Inspirons à nos enfants l'horreur du mensonge et le culte de la franchise, c'est bien, mais ce n'est pas tout; prenons aussi garde à notre propre attitude. Certains chrétiens, par amour de la vérité, sont parfois d'une intransigeance qui peut faire du mal; une maîtresse de classe, un pasteur, un président d'Union chrétienne peuvent perdre la confiance des jeunes ou même les pousser au mal par le manque de tact dont ils font preuve en menant une enquête ou en voulant faire avouer une faute.
Que dire de la parole? Comment empêcherons-nous nos enfants, sans nuire à leur spontanéité, de parler en temps et hors de temps, de devenir des bavards et des étourdis qui se mêlent de ce qui ne les regarde pas, voire des médisants ? Leur lirons-nous l'Epître de Jacques? peut-être ; mais surtout, inlassablement, chaque fois que l'occasion s'en présentera nous leur montrerons quel chagrin peuvent causer les bavardages inutiles et les plaisanteries déplacées, celles-ci, sources de joie et de détente lorsqu'on en use dans la famille, entre amis ou entre égaux sont déplacées avec les étrangers, les timides et les personnes âgées; s'y livrer montre un manque de tact regrettable. Ici encore amour et réflexion seront des guides sûrs. Voyons aussi comment F.W. Foerster s'y prend pour inculquer le tact à ses élèves.

Tentacules et antennes

Avez-vous déjà observé les tentacules chez les escargots et les antennes chez les papillons? Ces animaux n'attendent pas que leurs petits corps soient heurtés par un objet quelconque dont ils se rapprochent, mais ils envoient en avant leurs fines antennes, et celles-ci sont tellement sensibles et délicates au moindre contact, que tout le reste du corps de l'animal est averti par elle du danger prochain.
Je pense souvent qu'il serait très bon pour les hommes d'avoir aussi des antennes qu'ils puissent allonger, non seulement pour se protéger eux-mêmes, mais aussi pour tâter avec un peu plus de délicatesse, dans quelles dispositions se trouvent ceux desquels ils s'approchent et avec lesquels ils sont en relations constantes, afin de ne pas les heurter ni les déranger à chaque pas.
J'ai rencontré récemment dans un tramway une pauvre femme; elle devait vivre à ce moment-là des heures bien tristes, car elle avait les yeux rougis comme ceux qui ont beaucoup pleuré, et même en présence des inconnus, elle ne pouvait retenir ses larmes. Vis à vis d'elle étaient assis deux écoliers, qui se poussaient du coude, et la dévisageaient avec pénétration et curiosité. Ils n'avaient pas de tentacules, évidemment, car il ne leur vint pas un instant à l'esprit qu'ils gênaient cette pauvre femme par leurs regards indiscrets. Quelle aurait été sa gratitude pour les personnes assises en face d'elle, si elles avaient détourné la tête ou fait semblant de ne rien voir!
Ces garçons ne réfléchissaient pas, et, par conséquent, ils ne savaient rien de ce que ressentent leurs semblables en pareille situation; s'ils se doutaient du beau et noble présent qu'ils font à l'affligé quand ils ne paraissent pas du tout remarquer ce qui l'humilie, ils seraient heureux de pouvoir faire du bien à si peu de frais, et ils s'y essayeraient avec empressement. Mais hélas, les tentacules sont absentes …
Il est aussi désobligeant et même vulgaire, de rire des robes ou des pantalons raccommodés, des souliers trop larges ou trop usés, ou des habits passés de mode de ses condisciples. En effet, les enfants de parents pauvres peuvent rarement avoir des vêtements neufs: la mère est souvent obligée d'utiliser avec beaucoup de peine et d'adresse des effets déjà longuement portés. Eh bien ! le petit garçon ou la petite fille qui en rient, ont tout aussi peu de tendresse de coeur, que celui qui rirait d'un pauvre parce qu'il n'a pas d'argent.
Pourtant l'homme pourrait, au lieu des antennes corporelles, se procurer une paire d'antennes morales. Il faudrait savoir se mettre à la place des autres, et conclure de leurs dispositions par les signes extérieurs qu'ils en donnent, tout comme le jeune Indien apprend à connaître la trace d'un pas à l'aide d'un brin d'herbe légèrement froissé.
Je connais des âmes qui ont des tentacules semblables soigneusement cachées. Elles sentent tout de suite, avec une délicatesse admirable, la disposition et le besoin de leur prochain, et peuvent agir en conformité avec ce sentiment. Toutefois, je conviens que c'est un art très difficile. Vous souvenez-vous du roi Alcinoüs, cité par Homère, qui fit taire le chanteur, l'aède, dès qu'il remarqua les larmes versées par Ulysse, à l'audition des paroles qui accompagnaient la mélodie ? Cela se passait il y a trois mille ans et il me semble que les antennes de notre coeur n'ont pas beaucoup grandi depuis lors. Ne se seraient-elles pas plutôt atrophiées, parce que la plupart du temps nous ne prenons pas la peine de penser sérieusement à notre prochain ? Les anciens Egyptiens en étaient déjà au point que chez, eux cette maxime était courante : "Tu ne dois pas rire avec ceux qui pleurent, et tu ne dois pas pleurer avec ceux qui rient ». Encore aujourd'hui, après plusieurs milliers d'années, nous lisons cette sentence dans les cellules funéraires des Pyramides. Où en sommes-nous, peuples modernes, sur ce point ?…..
Il faut encore allonger ses tentacules quand on parle de son propre bonheur ou de ses magnifiques voyages, ou de ses projets de vacances - si l'on a affaire à un auditeur qui ne connaît à ce sujet que les privations, et qui sent sa destinée doublement dure.
Peu d'enfants sont naturellement délicats et pleins de tact vis-à-vis de leurs parents, mais tous peuvent apprendre à se servir des antennes du coeur pour remarquer à propos quand leur père a besoin de tranquillité, ou quand leur mère est surmenée et agitée par les tracas domestiques… ils devront alors s'ingénier à leur épargner la fatigue, le bruit et toute réclamation inutile.
Acquérir une paire de ces précieuses antennes est, croyez-moi, beaucoup plus important dans la vie, que de recevoir comme cadeau une paire de patins ou une bicyclette. De plus, cela ne coûte rien, et c'est un trésor que les voleurs ne peuvent jamais dérober.









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