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Les « Entretiens sur l'éducation » est un mensuel publié sans interruption depuis plus de 100 ans.
Le site www.entretiens.ch vous offre la possibilité de consulter en ligne ces extraordinaires archives parcourant/ponctuant au jour le jour l'histoire de l'éducation familiale d'un bout à l'autre du XXème siècle.
La survie de la brochure mensuelle imprimée parallèlement à la distribution virtuelle à travers le site est le garant de la poursuite de cette aventure. La rédaction est assurée de façon bénévole par un groupe de parents passionnés par la réflexion et l'écriture autour du vécu familial. Les frais d'impression du journal et la gestion du site (100 000 pages demandées par mois??)....30.- par an (20€).
En dehors du grand intérêt pour vous de cette matière exceptionnelle, que vous soyez jeune parent, chercheur dans une université ou simplement intéressé par l'évolution des comportements humains, votre soutien par l'intermédiaire d'un abonnement nous est indispensable. Pour les pays lointains et si vous ne désirez pas profiter de la version papier, un abonnement sous forme de pdf est accessible au même prix annuel de CHF 30. Il vous donne un accès complet aux archives
RETOURLes soirées de Petit-jean Le soir, mes voisins laissent bien largement ouverte la porte de leur véranda ; et, lorsque la lumière du grand lustre électrique emplit la pièce, malgré moi, de ma chambre, j'entre en somme, chez eux. J'y vois mon ami Petit-Jean. Généralement, à cette heure indue, mon bonhomme mange sa soupe. Comme il n'a que trois ans et est un peu gâté, quelquefois ses deux bras, voir sa tête bouclée, reposent sur la table à côté de l'assiette. Quelquefois seulement ! Probablement les jours où la soupe est moins savoureuse !… Discrètement j'ai tiré mes rideaux. Je ne vois donc plus rien. Mais j'entends quelque chose ! « Allo, Allo ! Ici Radio… Veuillez écouter… » Non, je ne veux pas ! Le jazz endiablé de ces énergumènes m'horripile ce soir ! ces chansons m'empoisonnent - ces molles chansons lentes, d'un rythme langoureux, qui traînent dans la nuit les mots de leurs rengaines. J'écoute cependant. Dix heures ! Dix heures et quart!… « Assez de T. S. F., Monsieur, je vous en prie ! Nous aimons la musique (mieux que vous ne l'aimez), mais il est tard, Monsieur. Silence, s'il vous plaît ! » Petit-Jean rit là-bas à gorge déployée. Quel bonheur qu'il soit un si petit garçon, un tout-petit qui ne comprend encore presque rien des horreurs qui frappent ses oreilles !… Ils comprennent si vite, les enfants d'aujourd'hui !… Si tu étais à moi, Petit-Jean, tu serais, depuis longtemps, couché ; et demain, reposé, dispos, tu te lèverais tout joyeux. Demain, il y aura un joli matin frais. Après la nuit agitée qui t'attend, tu resteras, lourd de sommeil, dans ton lit, dans ta chambre close. Tu ne le sais pas, mon ami, mais c'est à ton âge qu'on prend facilement des habitudes. Il te semblera dur, d'ici quelques années, d'être éveillé de bonne heure pour la classe… ; d'autant plus dur que, si tu veilles, comme à présent, chaque soir, tu n'auras pas assez dormi. Et l'on dira : Il est pàlot Petit-Jean. Qu'est-ce qu'il a donc?… Comment ? S'il mange bien, docteur ?… Il dévore ! Nous croyons plutôt que ses études le fatiguent. Les programmes sont tellement chargés. De la fatigue, oui, madame ; mais cherchez-en les véritables causes. Un enfant a besoin de plus d'heures de sommeil qu'un adulte. C'est clair cela. Tous les médecins le répètent. Combien d'heures de sommeil accordez-vous, madame, à votre fils de 7 de 8, ou de 9 ans? Mais Petit-Jean, tu n'es encore qu'un bébé, un beau bébé rose. Et sans scrupules, ton papa, qui rentre tard de ses affaires, jouit de ta présence, le soir, et s'enchante de tes gamineries. Il aime bien son Petit-Jean: il veut le voir le plus possible. Il l'aime mal aussi, puisqu'il aime surtout dans cet enfant la joie que cet enfant lui donne… Au lit, Petit-Jean ? Ah, mais non! … Est-ce qu'il n'est pas bien légitime quand on a peiné tout le jour pour sa famille, de goûter, à la fin, un moment, le charme du foyer ?… Oui sans doute. Et pourtant… Si, pour le bien de l'enfant, il vaut mieux se priver de sa chère présence, puisqu'on est vraiment père, qu'on est vraiment maman qu'au prix de nombreux sacrifices, pourquoi refuser ce sacrifice-là alors qu'on accepte les autres. Mais mon voisin n'a pas songé à cela, vous le devinez: il a trop de soucis en tête? Et sa femme? Non plus! Elle a l'impression, cependant, qu'il faudrait coucher Petit-Jean moins tard. Peut-être tout à l'heure a-t-elle murmuré? « Petit-Jean a sommeil, viens faire dodo, chéri ». Mais le «chéri», qui s'amusait, a protesté d'un «non» pleurard. Madame n'aime pas la lutte. Madame a insisté, pour la forme, un instant : «Oh! tu n'es pas gentil, tu sais. Viens voyons, Jean!» Puis elle s'est tue. Bébé, qu'elle prenait par la main, trépignait, et Monsieur avait dit : « Laisse-le ! » Il ne s'agissait pas de gâter la soirée par des discussions. Madame les abhorre… Petit-Jean, debout, rit encore. Moi, je pense à un vieux dicton : « Le rire est près des pleurs », car le petit s'énerve. « L'homme au sable a passé » (il doit passer toujours), et l'on n'a pas tenu compte de son passage. Pauvre Petit-Jean, si fatigué qu'il n'a plus sommeil, ce soir!… |
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