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Alcool et Tabac

Alcool.- Les méfaits engendrés par l'abus de l'alcool sont trop connus pour que j'aie besoin d'en parler, mais il est une forme d'alcoolisme particulièrement dangereuse qu'une mode étrangère a introduite chez nous, c'est le cocktail. L'habitude de ce breuvage importé d'Amérique, est tout simplement en train de faire des ravages chez les femmes, comme il en fait déjà chez les hommes.
Qu'est-ce qui rend le cocktail si dangereux ?
1. Sa concentration en alcool sous un très petit volume.
2. Sa composition, qui lui donne sa saveur particulière (essences diverses toutes plus toxiques les unes que les autres).
3. Il est pris à jeun, donc absorbé rapidement, d'autant plus qu'il est concentré.
Il est à remarquer que toutes les boissons alcooliques, apéritifs, etc., prises à jeun, y compris les vins médicinaux, sont dangereux.
4. La sensation agréable de gaîté factice, de légèreté, etc., que procure son ingestion, n'est autre qu'une demi-ivresse.
Par snobisme, pour faire comme les autres, on commence par y goûter; on le trouve bon, on trouve agréable cette sensation spéciale qui suit son absorption, on continue par goût. Il n'y a bientôt plus de parties, entre jeunes gens et jeunes filles, sans cocktails ! Tout dîner élégant commence par un cocktail : on invite même à des «cocktail-parties» qui consistent à boire des cocktails depuis cinq heures du sor jusque tard dans la nuit ; le thé de l'après-midi est remplacé par un cocktail ou par un porto, etc. Bref, l'habitude est vite prise et, avec l'habitude, l'accoutumance.
J'ai vu plus d'une jeune femme essayer de combattre le « coeur brouillé » du début d'une grossesse, par de multiples cocktails.
On voit de plus en plus de femmes qui ne peuvent plus se passer de leur journalier cocktail. Les résultats ne se font pas attendre : nervosité augmentée, aigreurs d'estomac et de caractère, malaises divers, insomnies, etc., toutes les séquelles de l'alcoolisme chronique. Inutile de dire que les enfants à venir s'en ressentent.
Et les médecins de tous les pays ont attiré l'attention sur ce fléau. La Société Médicale de Genève s'est également occupée de la question et a élevé une protestation véhémente contre l'usage des cocktails et de toute boisson alcoolique avant les repas.
Depuis quelques années, à Vichy et dans les stations balnéaires analogues, où, à côté de bien d'autres maladies du foie, on soigne les foies malades à la suite d'intempérance, les médecins qui n'avaient jusqu'à présent à faire qu'à des hommes, voient de plus en plus nombreux représentants du sexe faible. Il faut enfin mentionner le fait que du cocktail à la cocaïne, le pas n'est pas si grand qu'on peut croire, et il est de fait franchi assez souvent.
Il n'est que temps de réagir vigoureusement contre cette funeste habitude.
On me dira : on ne devient pas alcoolique parce qu'on boit de temps en temps un cocktail. Evidemment non. Je ne suis pas prohibitionniste et je suis convaincu que, si l'on peut très bien se passer complètement d'alcool, l'usage modéré de boissons alcooliques sous forme de vin pris pendant les repas à titre de «condiment», n'est pas nuisible. Mais dès que l'on cherche dans l'alcool un «stimulant», un «coup de fouet» pour combattre une dépression physique ou morale, dès qu'on recherche la sensation produite par l'alcool, surtout pris sous une forme concentrée comme dans le cocktail, alors il devient dangereux particulièrement pour la femme, plus faible que l'homme vis-à-vis de la toxicomanie, tout particulièrement pour la femme enceinte.
Il est encore un point sur lequel je voudrais attirer l'attention : l'usage de l'alcool pendant le nourrissage. Une ancienne légende veut que la bière favorise la production du lait, et je vois fréquemment de jeunes mères s'astreindre à boire une ou deux bouteilles de bière par jour (ce qui leur est d'ailleurs fort désagréable), parce qu'une amie leur avait affirmé que cela augmenterait leur lait. Grosse erreur ! Il est vrai qu'il entre dans la composition de la bière, du malt, qui est en effet considéré comme activant la sécrétion lactée, mais cette quantité est si petite et tellement contrebalancée par la quantité relativement considérable d'alcool, qu'il vaut infiniment mieux prendre le malt sous forme d'extrait de malt, par exemple, qui est en même temps un excellent reconstituant que je prescris fréquemment aux nourrices, de préférence à la fin des repas.

Tabac. - Jusqu'il y a quelques années, à part quelques exceptions, l'usage habituel du tabac était peu répandu dans le sexe féminin. On voyait bien de temps en temps une jeune fille, une jeune femme, allumer une cigarette aux grandes occasions. La vie moderne, la pratique des sports en commun avec le sexe fort, la mode, ont là aussi changé les anciennes habitudes. D'abord par bravade, pour être dans le train, pour affirmer son indépendance, puis vite par habitude devenue besoin, les femmes se mettent de plus en plus à fumer et à fumer avec excès. J'en connais qui fument au lit, aux repas, vingt, trente cigarettes et davantage par jour.
Je n'ai pas plus besoin d'insister sur les dangers du tabac que sur ceux de l'alcool, pour les nerfs, pour la digestion, pour les artères. D'ailleurs les deux toxiques sont souvent associés. Du tabac comme de l'alcool, ont peut dire que pris à doses modérées il n'est guère nuisible aux personnes adultes et bien portantes, mais que beaucoup de personnes ont de la peine à rester dans les limites modérées, et ce sont précisément ces personnes douées en général d'un système nerveux instable à qui l'alcool et le tabac font le plus de mal, qui devraient particulièrement s'en garder.
Pour certains il est plus facile de s'abstenir complètement que de boire et de fumer modérément; ceci est surtout vrai pour la femme. Et il est aussi difficile de se libérer de l'habitude invétérée du tabac, que de celle de l'alcool.

Jeunes filles, femmes, et surtout femmes en espérance, nourrices, méfiez-vous de l'alcoolisme sous toutes ses formes, et du tabagisme. Buvez un peu de vin à vos repas, fumez par ci par là une cigarette si cela vous fait plaisir, mais ne prenez jamais une boisson alcoolique quelconque à jeun ; évitez les cocktails et autres apéritifs. Ne vous créez pas l'habitude artificielle de la cigarette. Ce n'est pas seulement de votre santé physique et morale qu'il s'agit, mais aussi de celle des enfants que vous mettrez au monde ou que vous êtes en train de nourrir.









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