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Les « Entretiens sur l'éducation » est un mensuel publié sans interruption depuis plus de 100 ans.
Le site www.entretiens.ch vous offre la possibilité de consulter en ligne ces extraordinaires archives parcourant/ponctuant au jour le jour l'histoire de l'éducation familiale d'un bout à l'autre du XXème siècle.
La survie de la brochure mensuelle imprimée parallèlement à la distribution virtuelle à travers le site est le garant de la poursuite de cette aventure. La rédaction est assurée de façon bénévole par un groupe de parents passionnés par la réflexion et l'écriture autour du vécu familial. Les frais d'impression du journal et la gestion du site (100 000 pages demandées par mois??)....30.- par an (20€).
En dehors du grand intérêt pour vous de cette matière exceptionnelle, que vous soyez jeune parent, chercheur dans une université ou simplement intéressé par l'évolution des comportements humains, votre soutien par l'intermédiaire d'un abonnement nous est indispensable.
Pour les pays lointains et si vous ne désirez pas profiter de la version papier, un abonnement sous forme de pdf est accessible au même prix annuel de CHF 30. Il vous donne un accès complet aux archives
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L'Etoile des Bergers

(Conte de Noël)
C'était une nuit comme celle-ci… dit le vieil homme, au seuil de sa maison de boue séchée ; les étoiles étaient brillantes. Il faisait un peu frais. Je m'étais couvert de ma peau de mouton…
Il referma la porte et vint s'asseoir dans la chambre où brûlait un feu pauvre sur un foyer de torchis.
- Raconte encore, grand-père ! supplia la petite fille.
Elle ne se lassait pas d'écouter l'histoire de cette nuit étonnante où les anges avaient parlé aux hommes, où l'étoile s'était mise en marche, guidant les bergers jusqu'à la ville, auprès d'un enfant nouveau-né qui souriait dans la crèche, entre un âne et un boeuf.
Mais le vieux haussait les épaules et fronçait les sourcils :
- Nuit maudite !
La petite fille effrayée s'écarta. Un silence pesa le long des murailles de pisé. Les femmes, accroupies sur des nattes, filaient leur laine en baissant la tête et elle n'osaient pas regarder le vieil homme enfoncé dans ses chagrins. Des bergers entrèrent et vinrent s'asseoir autour de lui ; ils échangeaient de brèves paroles, ressassant toujours les mêmes choses.
Durant trente années, ils avaient attendu et rien ne s'était passé. Le malheur des temps s'aggravait sans cesse. A partir de cette autre nuit où le roi Hérode avait fait massacrer tous les nouveau-nés de la ville, les exigences romaines devinrent insupportables. Les éléments mêmes s'associaient aux méchants : les sécheresses, les sauterelles dévorant les pâturages. Et voici qu'un mal étrange commençait à ravager les troupeaux ; au flanc des brebis taries, les agneaux mouraient; les chamelles se détournaient de leurs petits.
- Maintenant, nous sommes dans la misère, nous continuons d'être courbés sous le joug et nous n'attendons plus rien…
Ils se révoltaient contre une telle injustice : avoir été leurrés par la promesse magnifique de la libération ! bercer à travers la vie rude une telle espérance, et puis, au seuil de la vieillesse, s'apercevoir qu'on s'est laissé duper !
- Peut-être avions-nous rêvé tous ensemble, cette nuit-là, dit un berger barbu qui tenait son front entre ses mains.
- Pourtant, fit le plus jeune, je me souviens d'avoir senti contre ma joue la douceur des petits pieds nus que je baisais…
Un souffle vif les fit se retourner. Un instant ils aperçurent la clarté de la nuit scintillante ; une étoile, posée sur l'horizon, brilla si proche et si dorée que les souvenirs d'une autre étoile et d'une autre nuit refluèrent à leur coeur ; ils baissèrent la tête et revinrent à leur amertume, oubliant de regarder cet homme qui venait d'entrer, refermait la porte et s'asseyait dans un coin d'ombre.
Les femmes, à la dérobée, examinèrent le nouveau venu, et elles s'étonnaient de ne point le reconnaître. L'une d'elles se leva pour quérir une cruche d'eau et s'approchant, elle proposa :
- Veux-tu boire ?
Il sourit. Il était jeune et très beau, malgré la fatigue et les privations creusant son visage ; elle observa les vêtements usés, les pieds poudreux.
- Tu viens de loin ?
- Oui… de loin… répondit-il évasivement. Du désert.
- Repose-toi et mange.
Elle apporta une miche de pain et reprit son fuseau.
La petite fille s'était glissée tout près de l'inconnu. Elle avait fini par s'asseoir à ses pieds.
- Comment t'appelles-tu ? lui demanda-t-il.
- Marie.
Il répéta «Marie» et une telle tendresse faisait trembler sa voix que l'enfant osa se blottir contre sa poitrine ; il sentit des lèvres puériles sur sa main, et son bras entoura les frêles épaules.
Les hommes enfin se mirent à l'interpeller :
- Les pays que tu as traversés sont-ils aussi malheureux que le nôtre ?
Il médita un instant et répondit :
- Vous, des bergers, ne savez-vous pas que la nuit n'est jamais plus froide et plus obscure qu'à l'instant où va poindre l'aube ?
Tous le regardèrent, étonnés.
- Mais, dit le vieux, avec une colère soudaine, du moins les habitants de ces pays n'ont-ils pas été bernés par une promesse. Ils n'ont pas vécu pour une espérance comme nous, qui avons contemplé le ciel ouvert, une nuit de notre jeunesse, et cette splendeur qui tombait des astres - comme nous qui avons entendu chanter : « Paix sur 1a terre ! Je vous annonce une grande nouvelle. Aujourd'hui le Sauveur vous est né ! » Nous savons maintenant que tout cela est mensonge… il n'y a point de paix, il n'y a pas de sauveur…
- Pourquoi blasphèmes-tu ? reprocha doucement l'étranger.
Le vieillard haussa les épaules.
- Tu es trop jeune pour avoir été témoin de ces choses. Tu ne peux te figurer cette heure, cette course sous les étoiles, cette arrivée dans l'étable, et ces mages de l'Orient, parés d'or et de pierres précieuses, agenouillés avec nous.
- Je sais, murmura l'inconnu, ma mère m'a raconté…
Il serra la petite fille contre son coeur et il lui parlait à voix basse.
Les femmes s'étaient rapprochées, laissant leur ouvrage tomber sur le sol : Marie souriait aux anges, et les bergers hochaient la tête tandis que le vieux s'obstinait à continuer :
- La délivrance semblait si proche alors… Et il s'agissait d'un enfant quelconque ! Où est-il ce prétendu seigneur ? Mort, peut-être ?
- Le jour où il passera devant vous, aucun ne le reconnaîtra, car les hommes sont aveugles. L'autorité de cette voix les contraignit au silence et ils songeaient : «Peut-être est-ce un « rabb » voyageant secrètement ? ou l'un des ces pèlerins qui savent de belles histoires et de précieux secrets ?» Ils auraient voulu implorer : « Parle-nous » ; mais leur hôte se taisait et il semblait que rien ne fût si doux que ce silence autour de lui.
Cependant le vieux berger essaya de l'interroger encore:
- Possèdes-tu des troupeaux ? Sont-ils atteints comme les nôtres ? Sais-tu un remède pour conjurer le mal ?
L'inconnu sourit, secoua la tête et murmura : - Mes richesses ne sont pas de ce monde… Quelle douleur, quel amour frémissaient dans ces inflexions pour que le berger se sentît brusquement honteux et reniât ses inquiétudes ? Il se souvint qu'il avait abandonné son troupeau, une certaine nuit, pour suivre une étoile… Et il pressentit que ces richesses dont parlait son hôte, il les avait possédées en ce temps-là, où son cÅ“ur si docile et si léger participait à la joie unanime de la terre et des cieux. Il s'absorba dans cette pensée, oubliant ses rancunes, et il lui semblait que la nuit de jadis redevenait vivante autour de lui, autour de ses compagnons silencieux. Des images très douces passaient devant leurs yeux baissés, l'image des enfants qu'ils allaient retrouver ce soir, dans leurs maisons de torchis, et ressemblant à cette petite fille qui éparpillait ses cheveux sur l'épaule de l'inconnu. Peut-être grandiraient-ils au sein de la paix et de l'abondance, puisque le pèlerin avait laissé entendre que le Messie n'était pas mort ?
Cependant le visiteur baisa Marie au front, la fit asseoir sur la natte, se leva, prit son manteau.
- Oh ! tu t'en vas déjà, s'écria-t-elle, d'une voix désolée. Pourquoi ? On était si bien !
Et les hommes acquiescèrent en eux-mêmes : « C'est vrai… on est bien… pourquoi partir ? »
- Il le faut, répondit tendrement le voyageur, ma route est longue.
- Où vas-tu ?
- Loin d'ici, voir ma mère.
Tous se regardèrent un peu déçus : ni un « rabb », ni un prophète, il n'était qu'un jeune homme qui retournait à la maison.
- Je vous remercie, fit la voix mélodieuse, j'avais soif et vous m'avez donné à boire, j'étais las et je me suis reposé sous votre toit. Que la bénédiction de Dieu vous accompagne !
La porte étant ouverte, ils aperçurent la grande étoile plus haute dans le ciel. L'inconnu les salua d'un signe de tête, s'éloigna, disparut au fond des ténèbres.
Aucun d'eux n'osait rompre le silence pour ne pas troubler cette paix lumineuse qu'il laissait derrière lui, dans la chambre exorcisée. Il semblait qu'une jeunesse soudaine eût passé sur leurs cÅ“urs. Ils songeaient : « Même si ce n'est pas nous qui voyons l'accomplissement de la promesse, nous aurons connu cette joie…qu'il ne faut pas laisser mourir en nous… cette heure d'autrefois… qui ne ressemblait à aucune autre… si ce n'est à l'heure de cette nuit.»
Une des femmes dit à voix basse :
- Nous avons oublié de lui demander son nom. - Moi je le sais, fit la petite Marie. Il me l'a dit pour que je pense à lui chaque soir : il s'appelle Jésus.









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