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Les « Entretiens sur l'éducation » est un mensuel publié sans interruption depuis plus de 100 ans.
Le site www.entretiens.ch vous offre la possibilité de consulter en ligne ces extraordinaires archives parcourant/ponctuant au jour le jour l'histoire de l'éducation familiale d'un bout à l'autre du XXème siècle.
La survie de la brochure mensuelle imprimée parallèlement à la distribution virtuelle à travers le site est le garant de la poursuite de cette aventure. La rédaction est assurée de façon bénévole par un groupe de parents passionnés par la réflexion et l'écriture autour du vécu familial. Les frais d'impression du journal et la gestion du site (100 000 pages demandées par mois??)....30.- par an (20€).
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L'adolescence

ACCÉLÉRATION DU RYTHME VITAL
Beaucoup de parents qui suivent de près l'évolution de leurs enfants s'étonnent de constater chez ceux-ci des changements qu'à leurs yeux rien n'explique : changements d'ordre physiologique, intellectuel ou de caractère.
Tel enfant se met tout à coup à «pousser comme une asperge» alors que les années précédentes, l'accroissement de sa taille s'était accompli suivant une progression lente et constante.
Celui qui, l'an passé, étudiait ses leçons avec rapidité semble aujourd'hui n'avoir plus qu'une mémoire lente et rétive.
Celui-là qu'on louait naguère pour sa docilité parfaite, a d'étranges sautes d'humeur, des paroles dures et des gestes de révolte.
Et l'on s'étonne… et l'on se plaint que l'enfant ne soit point «comme les autres…» alors qu'en réalité il n'y a rien d'exceptionnel dans ses attitudes et dans son état.
Car l'évolution ne suit pas, dans sa marche, un rythme régulier : parfois elle va d'une allure constante et lente, parfois elle procède par à coups et par bonds!
La croissance physique de l'enfant - les mensurations de la taille et du poids le démontrent nettement - comporte des phases d'accélération et des phases de ralentissement.
A une période de développement rapide succède une période de développement plus calme, de ralentissement, de repos.
Ces périodes ne s'ouvrent pas chez tous les individus à la même époque; elles sont soumises aux influences modificatrices d'une série de facteurs : race, hérédité, sexe, condition sociale…..
Qu'il existe une corrélation, et parfois très étroite, entre le développement physique et le développement intellectuel, cela ne peut être mis en doute.
Que le physique ait sa répercussion sur le caractère est non moins incontestable : l'homme est un et ce qui ébranle une quelconque de ses facultés retentit dans l'ensemble.
Si donc durant une phase de développement rapide, alors que la croissance accélérée en taille et en poids réclame une part importante de l'énergie vitale, l'enfant révèle une certaine lenteur, une résistance moindre à la fatigue, une ardeur ralentie au travail, un dégoût plus marqué de l'effort, il n'y a dans ce fait rien qui ne soit explicable, rien surtout qui doive angoisser outre mesure les parents.
Que l'enfant accuse une nervosité plus grande et que sa docilité aux ordres et aux désirs de ses parents soit moins souple, qu'il ait même alors des répliques vives explosant comme des réflexes, il n'y a donc pas lieu de s'en étonner ni de s'en alarmer.
L'enfant subit alors une transformation si profonde, si générale de tout son organisme, que les physiologistes l'appellent une seconde naissance.
Cette crise qui va le transformer est la plus violente, cette étape est, pour lui, la plus difficile à franchir. Il n'est plus ce qu'il était, mais il n'est pas encore ce qu'il sera.
Son âme est comme une mer démontée ; c'est un chaos où se heurtent les sentiments les plus divers, les tendances les plus baroques, les enthousiasmes les plus ardents et les plus fous.
On le voit, l'adolescent est un être qui se forme, en équilibre instable ; c'est une énigme qui se dénoue. De grâce, ne portons pas alors sur lui des jugements sans appel, ce serait presque fatalement nous tromper, et désastreuse serait notre action éducative si elle se fondait sur de trop superficielles observations.

OUTRANCE, AMBITION ET CONTRADICTION
L'adolescence est encore l'âge de l'outrance et de l'ambition. Rien alors n'est vu en nuances ; tout est en couleurs vives, éclatantes ; on ne connaît ni les demi-teintes ni les demi mesures.
On regarde l'avenir en face, sans trembler, sans songer que l'on puisse trembler, et l'imagination ouvre à l'infini des perspectives de triomphe et de gloire dont l'éclat fait pâlir tous les triomphes et toutes les gloires du passé.
On ose tout, et rien ne rebute.
Nul projet n'est irréalisable, et l'on commence - je dis bien : on commence - à tenter les premiers efforts avec un entrain, une générosité, une assurance que jamais, jamais plus on ne retrouvera.
Brizeux écrivait, à cet âge, dans son cahier d'écolier : « Je veux être César ou rien ».
Quel est l'adolescent qui ne décide pas quelque jour, dans le secret de son coeur, ou même ouvertement, qu'il fera plus tard de grandes choses qui égaleront ou dépasseront les plus grandes et étonneront le monde.
Mais comme l'adolescence, période de transition est faite d'états qui «s'évanouissent, ou se dénaturent avant d'avoir pris une forme définitive» ne nous étonnons plus que l'équilibre se rompe aussitôt établi.
L'instabilité des tendances qui se manifestent, des projets que l'on forme est telle, que la plupart disparaissent à jamais dans les profondeurs de l'inconscience, de l'oubli total, après avoir agité un court moment à peine l'âme de l'adolescent.
De quel adolescent ne peut-on pas parler ainsi que Musset de Namouna :
Il était très joyeux et pourtant très maussade ; Extrêmement futile, et pourtant très posé ; Détestable voisin, excellent camarade ; Indignement naïf, et pourtant très blasé ; Horriblement sincère, et pourtant très rusé.
Lorsque nos yeux d'adultes remarquent ces flagrantes oppositions, ces invraisemblables discordances, ils s'étonnent.
Mais si nous avons le malheur de juger l'adolescent en le comparant à nous, notre jugement est aussi faux que sévère, aussi dangereux que déraisonnable.
Ce n'est pas, ne l'oublions jamais, parce que l'un d'eux a accompli un acte courageux, parce qu'un autre a commis un acte vraiment répréhensible, ce n'est pas parce que celui-là semble marcher depuis quelque temps ferme sur le droit chemin et parce que celui-ci dévie, que le premier mérite notre confiance aveugle, ni surtout, le second, notre mépris et notre méfiance.
L'un et l'autre risquent toujours - et il ne faut pas que nous nous en étonnions - de démentir brusquement nos jugements.
Ne désespérons en tout cas jamais de l'éducation d'un adolescent parce que nous aurions surpris chez lui telle faiblesse, grave d'ailleurs en elle-même, et qui, passée en habitude, ne nous permettrait, sans nul doute qu'un très minime espoir.
Il faut toujours veiller sur l'âme adolescente même la plus pure, la plus vaillante, la plus forte, il ne faut par contre, jamais désespérer, même de celle qui apparaît sous les plus désolants aspects.
C'est à l'éducateur de surveiller alors de très prés les tendances et leurs manifestations pour contrarier !es unes, favoriser les autres et contribuer ainsi à former l'originalité, la personnalité des adolescents.
Pas de rudesse dans la répression, pas de rigueur qui dure trop longtemps, car c'est de l'adolescent surtout qu'il est vrai de dire qu'il n'est plus aujourd'hui ce qu'il était hier.
Pas non plus de suggestions directes. Du tact, de la mesure, et surtout beaucoup, beaucoup d'amour.









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