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La journée de l'écolier
Les écoliers ont besoin de bien dormir et de dormir assez longtemps : les petits, dix à onze heures, les grands, huit à neuf heures.
Et comme la qualité du sommeil importe autant sinon plus que la quantité, il est nécessaire que les conditions du couchage - literie, volume d'air, aération de la chambre - soient réunies et que les conditions hygiéniques relatives au repas du soir et aux soins de la toilette soient scrupuleusement observées par les parents. Des repas pris trop tard, des aliments lourds ou trop abondants compromettent la digestion, troublent le repos nocturne.
L'heure du lever de l'écolier doit être fixe, après avoir été judicieusement décidée. Elle ne doit dépendre ni du caprice de l'enfant, ni du petit bonheur des circonstances, encore moins de l'insouciance des parents. Son importance tient à ce qu'elle est le point de départ soit d'une bonne journée, soit d'une série d'actes absurdes et malheureux qui s'enchaînent d'ailleurs fort logiquement dans les journées mal commencées.
D'elle dépend tout d'abord l'arrivée sans retard à l'école.
L'élève exact, régulier à l'école est un enfant qu'on élève bien à la maison, c'est-à-dire un enfant que ses parents éduquent selon le bon sens. C'est un élève qui, grâce à une mère assez intelligente et courageuse pour se montrer irréductible sur l'heure du lever reconnue opportune, se lève assez tôt pour se laver convenablement, pour s'habiller avec soin, déjeûner sans hâte et copieusement. Bien souvent ce prélude de la journée est manqué ou bâclé. On se lave à peine, on s'habille en courant, on déjeûne à moitié ; alors on se présente à l'école mal préparé pour l'épuisante séance des trois ou quatre heures de classe de la matinée.
Je le dis sans hésiter : quand un écolier est le récidiviste du retard, il faut trancher dans le vif pour qu'il n'en devienne pas le malade chronique. Il y a des gens qui arrivent en retard partout, qui courent derrière tous les trams, qui courent pour tous les trains, toutes les besognes, tous les rendez-vous, toutes les réunions d'affaires et de famille, qui font attendre leurs amis, leurs parents, fléaux des autres, fléaux d'eux-mêmes. Ces gens furent, en leur temps, à l'école, des habitués du retard. Sauf les accidents imprévus de la route, les élèves en retard sont ceux qui se lèvent trop tard parce qu'ils se sont couchés trop tard ou dans de mauvaises conditions et ces élèves-là sont le plus souvent les victimes des mauvaises habitudes de leurs parents : absence de régime, d'esprit de suite et de volonté.
La dernière heure de classe de la matinée est certainement pour l'éducateur comme pour l'élève la moins profitable et la plus pénible ; la fatigue se fait sentir, l'attention est moins soutenue, l'effort n'est plus l'effort joyeux. Cette dernière leçon ne devrait pas demander une grande dépense cérébrale, mais être plutôt une «distraction». Puis, pour rendre l'estomac moins impérieux on lui donnera une amusette, une collation à la récréation de 10 heures, ce qui ne compromettra pas l'appétit pour le repas de midi, mais rendra le cerveau moins rebelle à l'effort d'attention et fera que peut-être, lorsque la sonnerie de midi retentira les élèves montreront un empressement moins bruyant et bousculateur à sortir de l'école.
Pour que le repas de famille, après la classe de la matinée, soit la halte, l'étape reposante et même l'oasis délicieux qu'il devrait toujours être, il faut que l'écolier dispose du temps nécessaire pour faire sans précipitation; le double trajet de l'école à la maison et de la maison à l'école, et que la table soit servie à l'heure exacte. C'est là un devoir essentiel pour la mère de famille qui donnera ainsi à ses enfants leur repas dans des conditions favorables à une bonne digestion.
Après la longue séance de la matinée et le repas suivi d'une certaine lourdeur de la digestion, il est vain de prétendre que les écoliers se présentent pour la classe de l'après-midi, reposés et dispos. En hiver, l'humidité et le froid, en été la chaleur, aggravent chez l'élève un état de fatigue qui se traduit par de la somnolence, de l'apathie ou de la nervosité. D'aucuns préconisent une solution radicale, c'est-à-dire pas de classe l'après-midi. Cela peut se soutenir et se combattre. Je ne rouvre pas ici le débat, mais je crois que la classe de l'après-midi pourrait, dans l'état actuel des choses, être, sinon une bénédiction, tout au moins un demi-bonheur, si on la consacrait au travail manuel, à la gymnastique, la natation, la musique, les causeries, les séances de projections lumineuses ou cinématographiques.
Fin de journée.
A 4 heures l'écolier rentre chez lui. Il renifle l'arôme familier du goûter. Son appétit réjouit sa mère qui l'ayant vu manger d'affilée plusieurs tartines, lui dit, comme si elle lui présentait la note à payer : «Maintenant tu vas bien travailler.»
Il faut reconnaître qu'il y a parfois, souvent même, surmenage; pour réagir certains ont été jusqu'à dire que l'écolier a suffisamment travaillé quand il sort de l'école : c'est aller trop loin. Si les revendications des maîtres sont raisonnables, si la soirée des enfants est bien ordonnée par les parents, si le travail est « enlevé » au lieu d'être tiré en longueur, il doit rester du temps pour le repos, le délassement, la distraction - le jeu pour les petits, la lecture d'agrément pour les grands et aussi le dessin, la musique, les collections, l'atelier.
Et bonne nuit ! Et bon lever demain matin !
Une nouvelle journée commencera.
Elle ne pourra pas être identique à celle qui vient de finir. Elle devra être meilleure, car si l'on a le droit de vivre, l'on n'a pas celui de végéter.
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