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La survie de la brochure mensuelle imprimée parallèlement à la distribution virtuelle à travers le site est le garant de la poursuite de cette aventure. La rédaction est assurée de façon bénévole par un groupe de parents passionnés par la réflexion et l'écriture autour du vécu familial. Les frais d'impression du journal et la gestion du site (100 000 pages demandées par mois??)....30.- par an (20€).
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Deux vies

FLORENCE NIGHTINGALE
1820-1910

ADÈLE MABILLE NÉE CASALIS
1840-1923

Deux longues vies consacrées au service de Dieu et du prochain.
Les biographies de ces deux femmes d'élite ont paru cette année; la lecture en est captivante.(1)
Que peuvent dire ces deux volumes à des éducateurs ?
Florence Nightingale, née en 1820, reçut l'éducation très mondaine et très soignée que l'on donnait alors aux jeunes filles de la noblesse. Les habitudes religieuses, essentiellement formalistes, n'étaient pas faites pour développer la piété véritable et l'amour du prochain. Néanmoins, Florence se sentit attirée de très bonne heure par les malheureux, les déshérités, les malades. Personne dans son entourage ne comprenait son besoin de dévouement.
Le sacrifice de soi pour le bien, c'est la loi divine, écrit-elle dans son journal.
Avec de telles pensées dans le coeur, la vie mondaine, malgré les satisfactions passagères qu'elle y trouva et les succès qu'elle y remporta, ne pouvait lui suffire.

Nos journées s'écoulent, écrit-elle à une amie, sans laisser plus de trace qu'une ombre. Nous consacrons des heures précieuses à faire des choses inutiles que nous nous plaisons à qualifier de nécessaires et puis, à l'appel du Père, nous répondons que nous n'avons pas le temps de travailler pour lui.
Je ne pourrai jamais rien faire et suis moins qu'un peu de poussière ! Oh ! si quelque chose de formidable pouvait arriver pour balayer cette existence écoeurante…


Mais après ces moments de découragement, elle se reprenait à espérer, convaincue que notre existence doit avoir un but. Et pour employer utilement ses loisirs, elle étudiait des manuels d'hygiène et de médecine.
Devenir garde-malades, acquérir les compétences nécessaires pour y arriver, telle était son ambition. Mais il s'agissait d'obtenir l'assentiment de ses parents. La lutte fut longue et déprimante et la santé de Florence s'en ressentit. Pour l'aider à se remettre et dans l'espoir de la soustraire à son idée fixe, ses parents la confièrent à des amis avec lesquels elle visita Rome, l'Egypte, la Grèce. Ces voyages ne lui procurèrent pas seulement des jouissances artistiques ; ils lui donnèrent l'occasion de visiter les maisons hospitalières des pays qu'elle traversait. Plus les renseignements qu'elle y recueillait sur la situation des malades étaient lamentables, plus intense était son désir d'entreprendre la réforme de tout le système hospitalier.
Enfin, - elle avait alors 33 ans - elle obtint l'autorisation de devenir directrice d'un asile pour dames peu fortunées. Comme cet établissement ne recevait que des femmes, comme les étudiants en médecine n'y étaient pas admis, il trouva grâce aux yeux de la famille.
Un peu plus tard, une épidémie de choléra ayant éclaté à Londres, Florence s'offrit comme volontaire. Elle donna elle-même tous les soins aux femmes atteintes de la terrible maladie.
L'année suivante, en 1854, pendant la guerre de Crimée, les chefs de l'armée anglaise firent entendre un cri de détresse. Une lettre dans laquelle Florence Nightingale offrait ses services se croisa avec un appel du ministre de la guerre qui la priait d'aller réorganiser le service des hôpitaux militaires.
Elle s'embarquait en octobre avec 35 « nurses» choisies par elle et se trouvait bientôt à la tête d'une ambulance de 6000 lits, tous occupés par des hommes ! Le désordre était à son comble mais elle garda tout son sang-froid. Dieu l'avait appelée à la place qui lui convenait. Ses capacités et son dévouement se révélèrent à la hauteur des circonstances.
En juillet 1856, la paix étant signée, Miss Nightingale rentra en Angleterre. Sa santé était si fortement ébranlée qu'elle ne se rétablit jamais complètement. Mais cela ne l'empêcha pas de travailler pendant cinquante années encore pour son pays et d'obtenir peu à peu la transformation complète des hôpitaux. Elle organisa une école d'infirmières où, pour la première fois, celles qui se vouaient aux soins des malades, reçurent une préparation professionnelle digne de ce nom.

Bien différente fut l'existence d'Adèle Mabille (née Casalis).
Sa naissance au Lessouto où s'est écoulée sa longue vie, son éducation, l'intérieur familial, tout semble avoir préparé la voie pour que la vie d'Adèle s'écoulât dans l'harmonie.
Certes, cette existence n'a pas été exempte de péripéties et de malheurs. Elle aurait pu dire, à l'exemple de l'apôtre Paul : « J'ai été en péril sur les fleuves et sur l'océan, en péril de la part des païens, j'ai fui devant les animaux sauvages et devant les tribus révoltées, j'ai souffert de la faim et de la solitude »… et pourtant, en lisant le récit de cette vie si mouvementée, on est frappé de sa belle unité. Rien ne l'a détournée de sa voie : ni les brutalités d'une directrice de pensionnat indigne, ni le départ prématuré de sa mère qui, en mourant, laissait à cette fillette de quatorze ans la charge d'élever un frère et deux petites soeurs. Laissons-la raconter elle-même ses expériences de petite maman :

Ce n'était pas chose facile en ce temps-là de se procurer le nécessaire… Le tout n'était pas d'avoir quelques sacs de blé dans la maison. Il fallait le faire moudre sur un petit moulin à bras, ou à la main, par des femmes. Point de fourneau de cuisine. Nous avions un four, mais qui ne fonctionnait pas très bien ; ou bien était-ce moi qui ne savais pas très bien le chauffer? Le pot plat nous servait quand il fallait faire une petite quantité de pain, mais de réussir le pain cuit de cette manière n'était pas plus facile. Puis le raccommodage du linge archi-vieux! les bas surtout ! Pas moyen de courir chez le marchand chercher un bout d'étoffe, du fil, des aiguilles. Il fallait s'ingénier pour tout et mettre en pratique le proverbe : « La nécessité est la mère de l'invention ». Point de machine à coudre non plus. Je me souviens du jour où je mis le dernier point à trois paires de pantalons pour mon frère Adolphe. Étais-je fière d'avoir fait un travail aussi monumental! Je pris la paire la plus forte et la fis mettre à Dolphy avec force recommandations. A peine une heure après, mon garçon me revient, tête basse, l'air penaud, ayant une grande déchirure au genou. « Je ne l'ai pas fait exprès, je l'assure, j'ai voulu grimper sur un arbre, et voilà. » C'en était trop, la coupe débordait, moi qui avais passé tant d'heures à la fabrication de ce pantalon, me berçant de l'illusion que ce serait un travail qui durerait des mois!
Ces chers enfants étaient raisonnables et me donnaient le moins de peine possible. On s'évertuait à découvrir des moyens de m'aider, ainsi pendant que j'étais occupée à préparer le déjeuner, mes petites soeurs faisaient souvent les lits, à leur façon naturellement. Elles n'avaient que 7 et 5 ans. Une autre fois, en ouvrant le sac dans lequel je tenais les bas à raccommoder, je les trouvais déjà pliés, les trous bouchés. Je profitais du moment où elles dormaient pour redéfaire ce qui avait été fait si grossomodo, mais avec tant d'amour. Généralement quand on m'avait fait une surprise, on se cachait discrètement derrière la porte et j'entendais les petits rires étouffés et des chuchotements. Mes exclamations avaient bien vite fait sortir mes petites souris de leur trou et alors me tombait dessus une vraie grêle de baisers pour me récompenser d'avoir si bien su feindre la surprise! C'était toujours à recommencer, notre petite comédie, mais comme cela aidait à soulager d'un poids trop lourd mes épaules de 14 ans.


Deux and plus tard, M. Cassais était rappelé en Europe et y ramenait sa famille. Adèle, cependant, n'y resta pas longtemps. Ayant complété ses études, elle épousa à dix-neuf ans le jeune missionnaire Adolphe Manille et repartit pour le Lessouto qu'elle ne devait plus quitter que pour des séjours de vacances.
Désormais, son but sera d'amener à Jésus ses chers Bassoutos; vis-à-vis des chefs qui l'ont connue enfant, elle se sent une mission spéciale. Cela ne l'empêchera pas de remplir avec une admirable fidélité ses devoirs de mère de famille. Deux garçons et trois filles vinrent enrichir le foyer missionnaire. Adèle voulut être pour eux ce que ses parents avaient été pour elle. Elle ne put leur procurer ni luxe, ni même confort. Souvent le nécessaire lui-même faisait défaut. Mais ces enfants possédaient le bien le plus précieux : une vie de famille idéale où père et mère, d'un commun accord, se confiaient en l'Eternel, comptant sur son secours.

«J'espère, écrivait Adolphe Mabille, qu'ils embrasseront tous la carrière missionnaire, la plus belle de toutes.»

Et la mère :

«Oh! puissent ces chers enfants appartenir à Jésus dès leur jeune âge. Je ne voudrais pas mettre au monde un enfant qui dût devenir serviteur de Satan. Je voudrais que chacun d'eux fût un joyau précieux pour la couronne de mon bien-aimé Sauveur.»

Il fallut bientôt se séparer des aînés et les envoyer en Europe. Mais la vie de famille n'en continuait pas moins ; on peut s'en rendre compte par les nombreuses lettres adressées aux absents. Nous extrayons le passage suivant :

Niederbronn, 9 septembre 1881.

Flory me manque et les cinq autres réunis ne parviennent pas à la remplaçer dans le coeur de sa mère. C'est que, vois-tu, chaque enfant a sa place que nul autre ne peut occuper. Aussi je me réjouis bien de te posséder de nouveau, ma chérie, et de trouver en toi une amie aussi bien qu'une fille. Je ne te cacherai pas que parfois j'ai un peu de souci en pensant à ton retour avec nous en Afrique. Je crains tellement de te voir t'ennuyer là-bas, regretter peut-être la vie d'Europe; et je viens encore te prier de bien sonder ton coeur et de voir si le sacrifice ne sera pas trop grand. Tu sais que ton père et moi nous te laissons parfaitement libre. Il nous sera doux, bien doux de t'avoir, mais nous ne voulons pas être égoïstes. Nous voulons chercher le bonheur de nos enfants avant le nôtre. La vie missionnaire, pour nous, nous parait la plus désirable, la plus heureuse, mais il se peut qu'il n'en soit pas ainsi pour nos enfants et nous ne voulons pas les forcer en quoi que ce soit. Pèse bien le pour et le contre devant le Seigneur. Prends conseil de Lui, et si tu te décides à venir avec nous, que ce soit de tout ton coeur et non par le sentiment que tu ne peux faire autrement. Je sais parfaitement combien il t'en coûtera de quitter la France et tous nos bien-aimés. Je le sais par expérience, et la même épreuve m'attend, ainsi nous pourrons sympathiser pleinement et tu n'auras pas besoin de cacher ton chagrin à ta mère. Mais en voilà assez sur ce sujet. Je tenais encore une fois à te dire d'agir en toute liberté, sentant que tes parents t'aiment et ne cherchent en toute chose que ton bonheur.


Cette lettre qui dénote chez Mme Mabille tant de délicatesse, un tel respect pour la personnalité de sa fille, jette un jour admirable sur les relations de confiance et d'intimité qui régnaient dans cette famille. Que conclure de ces deux rapides esquisses?

Dirons-nous que l'éducation ne joue aucun rôle dans la formation de la personnalité puisque Florence Nightingale, sans cesse contrecarrée par sa famille et Adèle Mabille élevée dans un milieu privilégié, ont l'une et l'autre rempli magnifiquement leur destinée ? Ce serait une conclusion hâtive et des parents chrétiens ne sauraient y souscrire. Bornons-nous à constater que Dieu peut se susciter des serviteurs dans tous les milieux et triompher de tous les obstacles.
Mais des parents tant soit peu soucieux de leur mission consentiraient-ils à voir leurs enfants se développer en quelque sorte malgré eux: Ne s'inspireront-ils pas plutôt de l'exemple d'une Adèle Mabille qui a été unie à ses parents d'abord, puis à ses enfants par des liens d'une qualité si rare ?
Ne nous hâtons pas trop de condamner l'étroitesse et l'autoritarisme dont firent preuve les parents de Florence Nightingale. Si les préjugés de classe auxquels ils ont obéi ne sont plus aujourd'hui ce qu'ils étaient en 1840 (sans avoir complètement disparu, il s'en faut, l'égoïsme, lui, est de tous les temps et nul ne peut se vanter d'en être exempt. Que de nobles élans vers une vie de sacrifice sont entravés par l'incompréhension, la sécheresse de coeur ou l' ambition
mal placée de parents qui s'imaginent aimer leurs enfants !
Heureux ceux qui, comme Mme Mabille, savent élever leurs enfants pour Dieu. Toutes choses dans leur vie sont mises alors à leur vraie place. Qu'il s'agisse de vocation, de mariage, d'expatriation, etc., tout est envisagé sous le regard du Maître et l'accord se fait entre parents et enfants. Ainsi se préparent pour l'âge mûr ces joies si douces de l'intimité conservée, sans cesse accrue, toujours renouvelée.
Heureux les enfants élevés dans de tels foyers.


Après avoir évoqué pour nos lecteurs ces deux vies de femme qui donnent une telle impression de plénitude et d'harmonie, nous sommes heureux de leur signaler une troisième biographie qui va paraître et où il puiseront aussi un précieux stimulant celle de Mme Pieczynska (2) dont un volume de Lettres publié: en 1928 a été rapidement épuisé.
Pendant toute la dernière partie de sa vie, Mme Pieczynska a été très particulièrement préoccupée de ce qui fait la raison d'être de notre petit journal : l'éducation des mères. Les divers aspects de leur tâche ont successivement retenu son attention. Par la parole (dans les « Frauen conferenzen » de Berne
surtout) et par la plume, elle a été un champion de l'éducation en matière sexuelle, de l'éducation civique de la femme, de la préparation des jeunes filles à leur vocation maternelle et sociale. Les propositions auxquelles elle aboutissait étaient le fruit d'études très méthodiquement conduites, inspirées par une vie intérieure d'une singulière richesse. Cette activité sociale avait été préparée et fut sans cesse fécondée par de dures épreuves personnelles qui ne laisseront indifférent aucun coeur de femme.


(1)Florence Nightingale. Dr Arma Hamilton et Mme Jules Forsans. Ed. La Cause.
Adèle Mabille. J. E. Siordet. Société des Missions évangéliques, Paris.

(2) Mme Pieczynska. Sa vie. Ed. Delachaux, Neuchâtel.









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