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Les « Entretiens sur l'éducation » est un mensuel publié sans interruption depuis plus de 100 ans.
Le site www.entretiens.ch vous offre la possibilité de consulter en ligne ces extraordinaires archives parcourant/ponctuant au jour le jour l'histoire de l'éducation familiale d'un bout à l'autre du XXème siècle.
La survie de la brochure mensuelle imprimée parallèlement à la distribution virtuelle à travers le site est le garant de la poursuite de cette aventure. La rédaction est assurée de façon bénévole par un groupe de parents passionnés par la réflexion et l'écriture autour du vécu familial. Les frais d'impression du journal et la gestion du site (100 000 pages demandées par mois??)....30.- par an (20€).
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L'éducation par le milieu social

On peut dire avec raison que nous sommes dans une grande mesure le produit de notre milieu social, soit que - comme la grande majorité d'entre nous - nous nous y conformions, soit que - comme quelques-uns, surtout d'entre les plus jeunes - nous entrions en révolte contre lui et prenions systématiquement le contre-pied de tout ce qu'il préconise.
Il y a quelques années, j'eus l'occasion de pénétrer souvent le matin dans un milieu riche, cultivé et artiste, celui d'un diplomate étranger habitant Paris, et le soir dans un cercle d'ouvriers travaillant pour la plupart aux ateliers de réparations d'une des compagnies de chemin de fer. Quelle extraordinaire expérience ! Ces deux milieux n'avaient peut-être pas un seul trait en commun, et lorsque, par hasard, j'entendais l'un des deux parler de l'autre, je constatais l'absurdité, et parfois l'ineptie de ses affirmations.
Il règne d'un milieu social à l'autre une incompréhension totale, très difficile à dissiper, et comme elle paraît inouïe, incroyable, à ceux qui ne connaissent que leur propre milieu, on s'accuse mutuellement de mauvaise foi…
L'incompréhension qui règne entre les milieux sociaux n'est pas seulement regrettable, elle présente un grave danger. En certaines circonstances exceptionnelles elle peut s'exacerber et aller jusqu'à la guerre Civile.
L'éducateur cherchera-t-il donc à ne pas tenir compte du milieu social, à élever l'enfant sans traditions, sans convictions? Ce serait impossible, nul éducateur n'y réussirait. Serait-ce souhaitable? Il y a là un problème difficile. Vaut-il mieux former des individus dépourvus de traditions familiales, nationales, religieuses ? Certes, ils seront exempts de préjugés et d'étroitesses, mais, privés de racines, ils risquent fort d'être flottants, faibles, et de souffrir d'un cruel isolement. - Ou au contraire, des individus ayant de robustes traditions familiales, nationales, religieuses ? -Fortement enracinés dans leur milieu, ils seront fermes, inébranlables, bien encadrés, mais pleins de préjugés, d'intolérance et d'orgueil.
Devant ce problème, comme devant tous les autres, il importe d'avoir une attitude constructive et affirmative.
Les croyants s'inspireront de l'exemple de JésusChrist, en étudiant de près sa vie, d'où tout préjugé fut si extraordinairement absent…
J'ai eu le privilège de connaître depuis mon enfance une famille aux fortes traditions mais qui a des amis dans les milieux les plus divers. Dix enfants, le père un médecin très occupé, la mère, une femme exquise, mariée fort jeune. Beaucoup de gaîté, d'humour et le don de ne pas se prendre trop au sérieux. Les dix enfants sont tous devenus des hommes et des femmes remarquables, appréciés et aimés dans tous les milieux, aussi bien d'intellectuels et d'artistes que d'ouvriers, de pêcheurs et de cultivateurs.
Qu'y a-t-il eu de particulier dans leur éducation?
Les parents étaient animés d'un grand amour de leur prochain, accompagné de beaucoup de bonté et d'indulgence, d'un respect absolu de l'individualité de chacun, d'un esprit critique qui savait rire des petits travers de la famille et du milieu social, d'un réel sens des valeurs et d'une imagination assez vive pour leur permettre de se mettre à la place d'autrui et de comprendre dans quelle large mesure les idées et les habitudes sont conditionnées par les circonstances extérieures formant le cadre de la vie.
Voilà sans doute les éléments nécessaires pour essayer de résoudre le problème posé par l'éducation. En tout premier lieu, le sens des valeurs. Sachons dans l'éducation donner la première place aux choses essentielles, put first things first, comme disent les Anglais. Dans les traditions et les habitudes de n'importe quel milieu, il y aura certaines parties auxquelles - après examen - on attachera une grande importance, celles-là seront inculquées soigneusement aux jeunes et on tâchera de leur en faire sentir le prix. On sera sans doute surpris de constater qu'elles ne sont pas très nombreuses et que bon nombre de choses auxquelles on se cramponnait par routine n'ont aucune importance et peuvent être abandonnées sans dommage. Par contre, sur ce qui touche aux traditions, aux habitudes que l'on aura reconnues comme véritablement importantes, on ne transigera jamais. On les envisagera comme la contribution que son milieu social a à faire à la collectivité.
Mais pour pouvoir apporter à d'autres milieux sociaux cette contribution, comme pour bénéficier de la leur, il faut que les milieux sociaux se pénètrent, au lieu de rester à l'écart les uns des autres.
Un de mes amis, un intellectuel Français qui habite Paris, mettait autrefois ses deux fils et sa fille, la moitié de l'année, à l'école primaire du petit bourg de cultivateurs qu'il habitait en été. Je lui en exprimai ma surprise, j'objectai le langage peu élégant, le défaut d'hygiène, l'absence de goût esthétique, etc. « Ce sont là, me répondit-il, de petits inconvénients contre lesquels il m'est facile de lutter. D'ailleurs, estimez-vous que le langage des lycéens de Paris soit élégant ? Je lui préfère infiniment celui des paysans, savoureux, coloré, point banal. Quant à l'hygiène, en tant que père d'élèves de l'école, j'aurai mon mot à dire et je réussirai à faire accepter certaines innovations. En revanche, songez à ce que mes enfants vont gagner au contact des enfants de cultivateurs: ils connaîtront à fond un milieu paysan, et ce sera pour ces petits citadins un grand enrichissement, ils auront le respect du travail manuel et du travailleur des champs, ils acquerront l'amour de la terre et la connaissance des travaux de la campagne ». Voilà un père qui a su put first things first et la vie de ses enfants, maintenant parents à leur tour, lui a donné raison. Quant au village, dont il est maire depuis plus de vingt ans, il est métamorphosé ainsi que l'école.
Il n'est pas bon de se cloîtrer dans son milieu social. Ces êtres sensibles à l'excès, qui se roulent en boule comme un hérisson dès qu'ils se sentent dans une ambiance nouvelle, sont antipathiques autant que malheureux. L'attitude contraire, celle de la sympathie qui dilate, celle de la générosité qui accueille, est la bonne.
Il existe des personnes de milieux cultivés ou artistes qui veulent bien se rendre dans les milieux de paysans, de pêcheurs, d'ouvriers, pour leur donner, leur enseigner quelque chose. Parfait! Mais, pour commencer, il faut consentir à recevoir, à apprendre sous peine de rencontrer de l'hostilité. Que les relations soient toujours un échange ! Que l'on se partage les belles choses des deux milieux.
Ayons toujours une attitude affirmative et constructive. Peut-être l'horreur de l'attitude négative est-elle ce qu'il y a de plus important pour un éducateur. L'attitude affirmative implique la bonne volonté, le désir de s'instruire, le besoin de comprendre, de chercher ce qui unit. Ces gens qui bondissent dès qu'ils entendent exprimer une opinion différente de celles qui ont cours dans leur milieu, sont terribles, surtout s'ils font des discours et exposent des théories. Ils éloignent, ils repoussent. Or, si l'on estime que l'on possède une noble tradition, une belle coutume, une idée précieuse, on désire attirer et non repousser les autres, afin de les amener à admirer ce que l'on admire.
Et puis, de grâce, cultivons notre sens critique! Pourquoi supposer d'emblée que tout ce que préconise notre milieu social est parfait et mérite d'être conservé à toujours? Si nous croyons que tout ce que pense, aime, croit notre milieu est parfaitement bon et juste, nous devons admettre que les personnes appartenant à d'autres milieux aient la même idée du leur. Et cela crée des conflits. Encore une fois, distinguons entre les choses essentielles, les choses secondaires et les choses sans importance. Ne conservons jalousement que ce qui mérite de l'être, laissons tomber le reste. Que nos traditions ne soient ni des chaînes, ni des fétiches, mais de beaux vêtements amples et commodes qui recouvrent l'homme essentiel, celui qui se retrouve dans tous les milieux.
Il me paraît essentiel que tous les enfants connaissant très bien au moins un autre milieu social, que celui où ils sont nés, un milieu qui en diffère le plus possible. Comment y parvenir ? C'est là que je vois le rôle magnifique des sociétés de jeunesse : éclaireurs, éclaireuses, unions de tous genres ; elles groupent des enfants de plusieurs milieux pour un but qui les intéresse tous également et qui, par conséquent les unit.
Laissons nos enfants pénétrer dans d'autres milieux. Il faut pour cela beaucoup de tact et parfois d'humilité et aussi une grande simplicité. Il faut que les enfants du serrurier, du cultivateur, de la blanchisseuse puissent rendre, tout naturellement, sans avoir à rougir de leur simplicité, l'invitation que les enfants d'intellectuels leur ont faite. Quelle joie pour les enfants d'intellectuels de connaître bien un charpentier, un forgeron, un serrurier et d'être accueillis de temps en temps dans son atelier! Quelle joie aussi de prendre part avec de petits amis paysans à tous les travaux des champs! Combien je bénis le Ciel d'avoir dû faire à 10 ans un très long séjour de convalescence chez des paysans! Les visites et séjours dans d'autres milieux enrichissent, remettent bien des choses au point font connaître la vie par le dedans.
Je n'ai pas voulu prononcer les mots de bourgeois, prolétariat, lutte des classes. Mais lorsqu'on possède des amis très chers dans les deux camps, on souffre de les voir se méconnaître et se détester. Dans le monde que je rêve, nul ne mépriserait aucun milieu; les enfants grandiraient dans le respect de tout travailleur même pauvre, et la pitié un peu dédaigneuse de tout oisif, même riche, et chacun apprendrait de ses frères d'autres milieux, tout ce que ces frères très différents de lui auraient à lui apprendre.









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