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Les « Entretiens sur l'éducation » est un mensuel publié sans interruption depuis plus de 100 ans.
Le site www.entretiens.ch vous offre la possibilité de consulter en ligne ces extraordinaires archives parcourant/ponctuant au jour le jour l'histoire de l'éducation familiale d'un bout à l'autre du XXème siècle.
La survie de la brochure mensuelle imprimée parallèlement à la distribution virtuelle à travers le site est le garant de la poursuite de cette aventure. La rédaction est assurée de façon bénévole par un groupe de parents passionnés par la réflexion et l'écriture autour du vécu familial. Les frais d'impression du journal et la gestion du site (100 000 pages demandées par mois??)....30.- par an (20€).
En dehors du grand intérêt pour vous de cette matière exceptionnelle, que vous soyez jeune parent, chercheur dans une université ou simplement intéressé par l'évolution des comportements humains, votre soutien par l'intermédiaire d'un abonnement nous est indispensable.
Pour les pays lointains et si vous ne désirez pas profiter de la version papier, un abonnement sous forme de pdf est accessible au même prix annuel de CHF 30. Il vous donne un accès complet aux archives
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"Tu es puissant, toi !… "

Je vis un jour un petit garçon se précipiter sur sa tirelire au retour de l'école et en extraire tout son contenu : un précieux écu, gros et pesant pour sa main d'enfant et 0 fr. 80 de monnaie. D'un élan brusque il sépara toutes les petites pièces de l'écu et les donna à son frère qui pleurait, car il venait d'ère malmené par des camarades. « Il me fait trop pitié ! » dit-il; puis il s'empara du bel écu restant, il le fit sauter dans sa main, il le caressait du regard, il lui souriait et disait :« tu es puissant, toi, oui, tu es puissant, car avec toi on peut faire tant de choses ! » Il y avait de l'amour, de l'admiration et un sens aigu des réalités dans ces gestes spontanés qui me frappèrent comme une manifestation naïve de l'importance toujours croissante que nous donnons à l'argent dans nos vies. Et cette importance correspond à la réalité, puisque de nos jours chacun en a besoin pour obtenir en échange n'importe quelle denrée ou n'importe quel objet indispensable à sa vie.
La question est de savoir quelle attitude bonne et juste nous devons adopter dans ce domaine vis-à-vis des enfants que nous avons à préparer pour la vie.
Tout d'abord tâchons de résoudre ce problème pour nous-mêmes. Que l'argent ne soit jamais qu'un moyen et non le but de notre existence individuelle ou familiale. Mettons-le résolument à sa place de serviteur et ne lui permettons pas d'envahir tout le champ de notre pensée que nous devons veiller à garder claire et haute, dégagée des passions du « doit et avoir ».
Je sais bien, hélas, que pour beaucoup trop de nos contemporains cette question reste et demeure la question lancinante de chaque jour, qui obscurcit toute autre vision et plane sur la pensée comme une menace de mort. Quelle douloureuse obsession que celle-là, comme nous devinons son horreur et son angoissante emprise, et quelle compassion et quels égards nous devons avoir pour ceux qui ont à y faire face jour après jour. Cependant nous pouvons espérer que ces cas extrêmes resteront l'exception et que nos enfants connaîtront un mode de vie normal où le travail ne manquera pas et recevra sa juste rétribution. Mais comment les préparer à situer cette question de l'argent à sa vraie place par rapport aux autres problèmes qui les solliciteront ?
Tout d'abord nous tâcherons de leur donner une juste idée de la réalité des choses, et pour y parvenir, dès qu'ils sont en âge de comprendre, n'hésitons pas à leur remettre chaque semaine une petite somme d'argent, si menue soit-elle… avec un carnet de compte. A mon avis, il vaut mieux ne pas en faire une question de récompense pour la bonne conduite ou le bon travail, ni un paiement pour services rendus: toutes ces choses ne peuvent s'évaluer en argent comptant, car elles sont d'un autre ordre.
Non, nous traiterons cette question d'argent comme une affaire, nous dirons à notre enfant que c'est une véritable petite puissance que nous lui confions et qu'il faut qu'il l'administre raisonnablement pour lui faire rendre son maximum. La dilapider en menues dépenses dont il ne voit en fin de compte aucun résultat palpable, tangible, n'est décidément pas une bonne affaire, puisque la puissance qu'il possédait s'est ainsi évaporée en fumée… ou en bonbons ! sans laisser de trace. Donnons-lui au contraire la bonne ambition d'augmenter cette puissance en l'économisant, tel l'athlète prudent qui garde ses forces en réserve pour le moment du grand effort. Il apprendra ainsi à dominer ses désirs fugitifs, à viser plus loin et plus grand que la seule jouissance immédiate, il éprouvera un sentiment de fierté en voyant qu'il a su contrôler et garder cette puissance qu'il possédait et dont il était le maître en définitive. Pour les uns, cela ira tout seul, car ce sont déjà des êtres raisonnables, peut-être un peu passifs, qui ne subissent pas l'attrait si fort pour d'autres d'échanger cet argent sans agrément en lui-même contre un objet de leur désir. Pour les autres, l'apprentissage sera laborieux mais d'autant plus nécessaire. Au début de l'expérience, ceux-là vous apporteront chaque semaine un carnet où la balance se fera sans un sou en caisse, mais petit à petit naîtra l'ambition de sortir de l'ornière des tout petits achats pour une acquisition plus importante en vue de laquelle il faudra garder précieusement ses sous, semaine après semaine - et ce sera un premier pas fait dans la voie de la maîtrise de soi.
Puis il faudra leur apprendre le discernement : savoir choisir entre l'épargne devenue une bonne habitude et une dépense nécessaire ou justifiée, entre la satisfaction de ses propres désirs et celle plus haute de donner ce qu'on possède. Il y a là tout un apprentissage où souvent notre propre manière d'être agit
d'une façon décisive sur nos enfants, à notre insu, peut-être. Par amour pour eux, sachons donner avec joie, avec empressement même quand nous avons décidé de le faire, comme si c'était pour nous un véritable privilège d'être appelé à collaborer à une oeuvre de secours ou d'entraide. Croyez bien que nos petits lisent nos sentiments secrets sur nos visages et dans nos gestes, et en tirent leur conclusion dans leur for intérieur souvent si logique et perspicace.
J'ajouterai que ces rencontres hebdomadaires autour d'un carnet de compte doivent être aussi amicales que possible. Ce sera pour nous, pour le père surtout, une précieuse occasion d'apprendre à connaître nos enfants, leurs goûts, leurs tendances naturelles. En phrases toutes simples et familières nous pourrons à ce moment jeter les bases de ces grands principes d'ordre, de prévoyance, de jugement et de bon sens qui devraient être acquis une fois pour toutes dès l'adolescence comme de solides fondements sur lesquels le jeune homme, la jeune fille, pourra ensuite édifier sa vie d'adulte.
Et puis, ce rendez-vous à jour fixe avec nos enfants pour traiter cette question d'argent, nous permettra d'éviter qu'on en parle à tout propos et souvent hors de propos. Autant il est nécessaire d'éduquer nos enfants à cet égard et même de s'y prendre de bonne heure pour le faire, autant il est bon de combattre la tendance qu'ont certains enfants de tout ramener à la question d'argent. On donne un cadeau à celui-ci : « est-ce qu'il a coûté cher ? » demande-t-il aussitôt, comme pour pouvoir doser l'expression de sa reconnaissance d'après la valeur de l'objet. On parle d'un voyage qu'on vient de faire à un autre :« dans quelle
classe étais-tu ?», dit-il, et l'on sent que nous aurons plus de prestige à ses yeux si la classe est élevée. Pauvres petits enfants du XXe siècle ! Ils me font plus pitié qu'autre chose, car on dirait que leurs fraîches âmes n'ont pas pu échapper à l'étreinte du réalisme brutal qui marque plus ou moins toute notre génération, et, vis-à-vis de ceux-là, ce n'est pas une de nos moindres tâches que d'avoir à leur réapprendre l'art d'être jeune et insouciant.
Une éducation tout aussi nécessaire et qui a trait directement à la question de l'argent, est celle de la simplicité et de la modération des désirs. Si nous aimons nos enfants d'un amour vrai et éclairé, nous chercherons à leur donner des habitudes de vie simple et nous éviterons d'éveiller en eux des besoins factices de distraction dont ils auraient ensuite grand-peine à se passer s'il le fallait, car il est beaucoup plus facile et plus agréable d'aller de la vie simple à une vie plus raffinée que de marcher en sens inverse.
Il existe chez beaucoup de gens une sorte de déformation qui fait qu'on ne jouit pas d'un plaisir s'il n'a été payé d'un bon prix. Remontons le courant et recherchons pour nous-mêmes et pour nos enfants les plaisirs que j'appellerai primitifs et où la question de la dépense ne joue qu'un rôle secondaire ou n'en joue même pas du tout. En les gardant ainsi de l'asservissement aux plaisirs factices et coûteux, nous leur rendrons un grand service et nous les aiderons à s'épanouir sainement et librement sous le clair soleil de Dieu.









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