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L'adolescent
Examinons quelle aide l'adulte peut apporter à son jeune compagnon en voie de formation, en période de crise et l'attitude que réclament, chez le maître, les parents et l'éducateur en général, les besoins d'âme de l'adolescent.
Le rapport spirituel entre le maître et l'élève est souvent, mais difficilement réalisé, non pas que le maître manque généralement de bienveillance, mais parce que l'élève se présente le plus souvent à lui sous sa forme collective, sous la forme de la classe, et parfois d'une classe collectivement turbulente, ou collectivement passive. Quelle patience, quel amour, quel désintéressement, ne lui faudrait-il pas pour distinguer en chacun des enfants qui l'entourent, le besoin particulier, les aspirations secrètes, le point précis par où l'adolescent devrait être saisi, rehaussé, relevé, ou, dans certains cas, rabaissé !
Si les difficultés de la tâche ne le rebutent pas, s'il s'engage sur cette voie de la compréhension, il aura vite fait de gagner la confiance et la reconnaissance de ses élèves. Et cela, même et surtout peut-être, s'il fait preuve par ailleurs d'une rigoureuse fermeté.
La fermeté n'est pas pour déplaire à l'adolescent. Il en manque tellement lui-même ! Il aspire tellement à voir cesser son état de larve informe et inconsistante ! Je parlais un jour à l'un de mes anciens élèves devenu étudiant, d'un de ses maîtres connu pour la rigueur de sa discipline et de ses exigences et je lui disais sottement « Vous ne deviez guère l'aimer ». Il me donna la réponse qui convenait : « Oh si, monsieur, nous l'aimions, parce que nous sentions qu'il avait une force morale à nous communiquer ».
Mais c'est dans la famille que cet effort de compréhension individuelle, qui veut aider et sauver, est peut-être le plus difficile. Il est si facile de prendre pour de l'ingratitude ou de la désaffection définitive ce qui n'est au fond souvent qu'obéissance tâtonnante et maussade à une obscure poussée de la vie, qui s'accompagne parfois de la souffrance intime de ne pouvoir se donner comme auparavant à ceux que pourtant l'on ne cesse d'aimer. Il conviendrait parfois que les parents fassent un sérieux retour sur eux-mêmes pour se demander s'ils ont toujours bien compris et bien exercé leur rôle : ce garçon dont vous savez pertinemment qu'il est troublé par le problème sexuel et qui veut garder pour lui son trouble, qui s'efforce de vous le cacher, qu'avez-vous fait pour le préparer à cette heure grave ? Dans bien des cas, sans que vous vous en doutiez peut-être, vous avez tout fait pour lui faire considérer comme un secret plus ou moins honteux, ce dont précisément il ne vous parle pas. A ses questions naïves d'enfant, vous avez répondu par de pieux mensonges. Aujourd'hui votre fils se détourne de vous et vous ment. Il est dans la logique de votre éducation.
Qu'on ne s'y méprenne donc point : de même qu'il n'y a pas dans le développement de l'être humain, des périodes absolument différentes l'une de l'autre, de même, l'éducation de l'adolescent ne commence point à l'adolescence; elle commence presque dès le berceau. Et si elle n'a point visé, dès le début, à élever l'enfant dans toute la vérité accessible à son âge, à mériter sa libre mais absolue confiance et créance, elle risque fort d'être sans influence lors des tempêtes de l'âge ingrat. Elle risque même alors de justifier quelques-uns des sourds reproches que nous mettions tout à l'heure dans la pensée de l'adolescent. Mais à supposer même qu'elle ait été excellente, il ne faut pas vouloir à toute force lui faire donner ce qu'elle ne peut pas toujours donner, ce qu'elle ne doit pas forcément donner. Qu'elle ne soit donc pas trop inquiète et tracassière au moment de la formation ! Qu'elle ne s'offusque pas trop facilement du besoin d'isolement, d'éloignement; de marques d'impatience ou d'irritabilité qu'elle constate alors chez le garçon. Qu'elle n'impose pas ses questions, qu'elle n'exige pas toujours de réponse ! Et si, par bonheur, un bonheur qui se mérite, la confidence vient, une confidence folle, peut être incohérente, imprécise et trouble, qu'elle se garde de rire ou de s'impatienter; qu'elle sache écouter calmement et, s'il le faut, gravement, pour pouvoir ensuite dire les paroles qui aideront, redresseront, apaiseront. Que le père et la mère soient fermes, certes, c'est une nécessité absolue : qu'ils ne transigent point avec le mal. Encore une fois, l'adolescent leur en saura gré.
Mais que l'amour soit sensible et l'emporte sur tout le reste. Et si c'est le malheur qui vient, malheur immérité parfois, si le fils se révolte et fait sécession, qu'ils se gardent de maudire trop vite le fugitif ! qu'ils sachent attendre, si possible, comme attendit le père de l'enfant prodigue. Attendre et se préparer au retour.
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