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Fragment d'une causerie adressée à des mères
Quelle attitude prenez-vous lorsque l'enfant adolescent vient à vous, influencé par d'autres, vous exposer des idées, une volonté d'agir ne correspondant pas à vos convictions ?
Pour atténuer autant que possible les heurts d'un conflit, il faut avant tout que vous-même et votre enfant viviez dans une ambiance morale favorable. Cette ambiance, vous l'aurez sans doute créée depuis que vous êtes mère, j'en rappelle toutefois brièvement les caractères principaux :
L'enfant qui vient à vous le fait en toute confiance, il ne se dit pas : « Maman va pousser des cris de putois » ou encore : « Maman racontera tout et tous les autres s'en mêleront et donneront leur avis ». Et il en est ainsi parce que vous avez su de tout temps écouter avec calme le petit qui devient grand et de tout temps aussi vous avez tenu en respect autrui, lui faisant comprendre que vous ne permettrez à aucun tiers de se mêler des affaires qui ne concernent que vous et votre poussin. Ce dernier sait aussi que jamais vous ne l'avez trahi, que vous êtes toujours loyale, acceptant que les confidences qu'il vous fait soient à lui seul et ne vous appartiennent pas.
Enfin, pour ceux de vos enfants particulièrement sensibles à votre égard, vous avez, au cours des jours, évité d'exagérer le récit de vos ennuis personnels; il serait mauvais de les leur cacher tous, mais il est aussi inutile de les multiplier à l'infini.
Une conversation entendue il y a quelques jours vous fera comprendre l'utilité de ma recommandation. Un groupe de jeunes avec lesquels je me trouvais discutait des personnages d'un roman récemment paru. Je demandai : « Que dites-vous des pauvres parents auxquels, dans le livre, les enfants cachent tout ce qu'ils peuvent des événements de leurs vies? » Il me fut répondu ceci :« Ah ! les parents, par les temps qui courent, ils ont tant d'ennuis, de difficultés, de soucis, qu'il faut bien que leurs enfants endossent les leurs et ne les ajoutent pas encore au fardeau si lourd que portent ces parents aimés. »
J'en arrive à l'entretien lui-même. L'enfant sait que nous sommes une autorité, peut-être un obstacle, en tous cas une force qu'il faut conquérir ou anéantir : il sera tendu, agressif peut-être, sa volonté éveillée. La tournure que prendra la discussion dépendra principalement de nous, car, dès le début, notre attitude sera d'être avec lui et non pas contre lui. Bridons nos nerfs, qu'importe si notre coeur bat la chamade, si nos jambes se dérobent, notre visage ne doit refléter qu'un intérêt sincère, véritable à ce qui nous est raconté. Ce seront peut-être des absurdités, des projets abracadabrants, des idées dépourvues de bon sens, peut-être aussi des plans réfléchis, des engagements pris, des décisions arrêtées. Nous saurons voir à travers ces récits le désir intime de notre enfant : liberté, évasion vers un idéal, besoin de se donner ou de dominer, de jouer un rôle, ou encore une volonté de devenir soi, de secouer l'autorité, de vivre sa vie. Cette découverte nous sera précieuse pour mesurer l'étendue et la profondeur du conflit. Nous nous ferons expliquer les points obscurs, nous questionnerons afin de comprendre aussi clairement que possible, nous ferons le tour de la question avec l'enfant; avec lui nous marquerons les points forts et les points faibles, nous reconnaîtrons loyalement ceux qui s'accordent avec son caractère et nous attirerons son attention sur ceux qui ne s'accordent pas avec ce caractère, que ce soit à cause de ses qualités ou de ses défauts.
S'il s'agit pour notre enfant de théories politiques ou sociales ayant créé tel mouvement vers lequel il se sent attiré, nous saurons lui en montrer la valeur en quittant la théorie pour la réalité, en examinant sa mise en pratique, son application à l'humanité, les résultats obtenus.
S'il s'agit d'une personne dont nous estimons devoir combattre l'influence ne le faisons pas sans avoir d'abord cherché à la voir, si elle est près, ou lui avoir
écrit si elle est loin afin d'apprendre à la connaître; mais faisons-le toujours ouvertement et d'accord avec l'enfant. Il se peut que celui-ci refuse que nous nous
mêlions de ses affaires , ou que les circonstances fassent que cela soit impossible pour nous d'agir directement ; cherchons alors à faire agir une autre influence et j'attire votre attention sur un point que nous négligeons peut-être trop souvent : les amis adultes. Depuis leur tendre enfance il faut à nos enfants de grands amis, de vieux amis : grands parents, oncles, tantes, cousins aînés, parrain, marraine,
professeurs, pasteur, d'autres encore avec lesquels ils peuvent être en confiance, en sympathie, et auxquels nous les laisserons apporter leurs secrets. Leur aide
sera beaucoup plus grande et secourable que vous ne l'imaginez, ils pourront réussir là où nous échouerons, mais nous accepterons notre échec. Qu'importe si la douceur de panser nous-même la blessure, ou d'apporter l'aide nécessaire nous est refusée si l'enfant a retrouvé la paix et discerné la voie à suivre.
Nous avons souffert dans notre corps pour mettre notre enfant au monde, nous souffrirons peut-être davantage dans notre âme pour le mettre à sa place dans le monde. Ne vaut-il donc pas la peine que nous lui sacrifions nos ambitions, nos désirs, nos fiertés, notre tranquillité, si ses forces, sa personnalité, ses capacités peuvent mieux se développer dans un chemin différent du nôtre.
Il est une mère dont l'exemple m'a toujours aidée : c'est Marie. Il nous est dit d'elle « et Marie repassait toutes ces choses dans son coeur »
Elle n'allait pas conter ses émerveillements ou ses angoisses à ses voisines, à ses amies, à sa famille. Elle souffrait en silence, elle disait à Dieu ses joies et ses peines. Son attitude devrait servir d'exemple à toutes les mères.
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