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Les « Entretiens sur l'éducation » est un mensuel publié sans interruption depuis plus de 100 ans.
Le site www.entretiens.ch vous offre la possibilité de consulter en ligne ces extraordinaires archives parcourant/ponctuant au jour le jour l'histoire de l'éducation familiale d'un bout à l'autre du XXème siècle.
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RETOURLa grand'mère Qui dira tout ce que comporte le titre de grand'mère, toutes les douceurs et les joies qu'il implique et aussi toutes les obligations qu'il impose ? Voyons d'abord ces dernières. Le rôle qu'une grand'maman joue dans la vie d'un enfant peut être considérable, mais il ne sera vraiment bienfaisant que s'il reste à l'arrière-plan, ne s'impose pas et n'est jamais en opposition avec le désir des parents. Sans doute, il arrivera souvent que rendue clairvoyante par sa propre expérience, par ses propres erreurs comme mère, et désirant en épargner à ses enfants les tristes résultats, elle soit tentée d'intervenir, de conseiller, de blâmer, mais elle ferait fausse route en se laissant aller à cette pente. Les parents sont jaloux de leur autorité; c'est leur droit et même leur devoir, car il faut de l'unité dans l'éducation; cette unité a souvent de la peine à s'établir entre le père et la mère et une troisième influence risquerait fort de la compromettre. C'est dans la mesure où elle sera discrète, où elle évitera tous parti pris de contradiction qu'elle verra venir à elle les jeunes parents; heureux seront-ils de s'inspirer de ses vues et de trouver dans son expérience, des leçons de sagesse, de patience, de fermeté et aussi des encouragements alors que la tâche est ardue et que le chemin à suivre est difficile à discerner. C'est quand elle aura bien compris en quoi elle peut soutenir les parents dans leur ministère que, forte de leur confiance, elle exercera sur ses petits-enfants une influence unique en son genre. Déchargée de la responsabilité directe et des mille soucis matériels qui mettent parfois à une si rude épreuve la patience maternelle, la grand'maman est suivant un joli mot d'enfant: "celle qui console". Autour d'elle doit régner une atmosphère paisible qui calme les tempêtes intérieures tout en faisant épanouir les joies. Grand'maman comprend les gros chagrins de ses petits-enfants, elle compatit à leurs maux, mais sa sérénité, acquise, ils le sentent instinctivement, à travers les orages de la vie, les apaise et les soulage; elle comprend aussi, grand'maman, son coeur est resté jeune, les bonheurs exubérants, les joies folles ainsi que les petites satisfactions, les humbles victoires; elle s'y associe, elles les encourage ou, sans risquer d'être méconnue, elle les réprime d'un mot, d'un geste auquel sa débilité même donne une plus grande autorité. Nous dirions volontiers que le secret pour être une bonne grand'mère est de rester jeune. Nous en avons connu de ces chères vieilles qui, faibles et infirmes, savaient s'interdire les jugements sévères sur le temps présent, et les regrets du "bon vieux temps", et se réjouir avec les jeunes du progrès des lumières. En partageant les aspirations de leurs petits-enfants elles leur faisaient entrevoir un idéal plus haut et plus grand et, semant pour l'avenir, elles associaient dans leur esprit la mémoire d'un être aimé et respecté à la vision du beau et du bien. Mais si l'aïeule a le devoir de travailler pour l'avenir en ne méprisant pas le présent, elle a aussi le privilège d'appuyer l'un et l'autre sur le passé, de faire revivre les figures aimées qui ont disparu, mais dont le souvenir est bienfaisant, et de cultiver les bonnes traditions de famille. Elle est le centre naturel qui en réunit les divers membres et là encore elle a un rôle important à jouer. Il est bien dificile que des frères et soeurs, quand ils sont mariés et ont fondé leurs foyers respectifs, envisagent toujours la vie par le même angle, élèvent leurs enfants de la même façon et il peut arriver que de grandes divergences se manifestent entre eux. Heureux ceux qui peuvent se grouper dans un même sentiment de respect et d'amour autour des grands-parents, et là, évoquant leurs souvenirs d'autrefois, oublier ce qui les sépare pour se retremper dans ce qui les unit; c'est bienfaisant pour eux; cela ne l'est pas moins pour leurs enfants . Peut-être, un jour, ce souvenir de jeunesse révèlera-t-il à quelqu'un d'entre eux avec toute la force d'une expérience vécue, le grand amour du Père céleste qui fait lever son soleil sur les méchants et sur les bons et lui fera-t-il comprendre la loi sublime de la fraternité humaine. En attendant et dès l'heure présente, ce rayonnement de tendresse qui les enveloppe avec leurs cousins et cousines ne fera-t-il pas tomber bien des barrières en détruisant bien des préjugés ? Bornerons-nous le rôle de la grand'mère à cette influence toute de tendresse et d'indulgence ? Non certes. Si l'atmosphère qui l'entoure est douce et paisible, elle n'en doit pas moins être sainte et c'est avec vénération plus encore qu'avec affection que les jeunes membres de la famille doivent s'approcher d'elle pour puiser dans sa riche expérience de la vie des leçons aussi pratiques qu'élevées. A son contact les joies pures doubleront de valeur et celles qui ne le sont pas prendront leur vrai caractère d'abaissement de l'être moral. Nul n'est plus qu'elle, à même de se rendre compte des dangers de certains "petits commencements", de telles habitudes qui paraissent sans conséquence au début, mais peuvent entraîner à des chutes graves dans la suite; - elle a vu tant de jeunes existences pleines de promesses, rouler insensiblement en bas de pentes qu'on ne croyait pas aboutir à un précipice, qu'elle peut avertir et prémunir contre des tendances fâcheuses avant que d'autres aient songé à s'en inquiéter, sentinelle vigilante qui entrevoit déjà les horizons lumineux de l'au-delà, son regard aperçoit dans les sentiers de la plaine les cailloux qui peuvent faire trébucher ceux qui ont encore une longue étape, à parcourir, elle avertit ceux-ci, elle leur montre le but à atteindre, elle les encourage et surtout elle les place par la prière dans le sein du Berger qui porte les agneaux dans ses bras et qui a béni les petits enfants. Nous avons dit que nous parlerions d'abord des obligations puis des joies qui sont le partage e des grand'mères, mais il nous semble qu'elles découlent tellement les unes des autres qu'en parlant des premières, nous avons indiqué les secondes. Voir ses enfants couronnés du diadème de la fraternité ou de la maternité, revivre, à travers eux dans ces petits êtres qui sont l'avenir et l'espérance, enrichir son coeur des affections les plus tendres et les plus douces, pouvoir résumer pour la nouvelle génération les bienfaits du passé en lui faisant entrevoir les grandeurs et les gloires de l'avenir, que de privilèges réservés à celles dont la tente ici bas se détruit, mais qui aspire à pouvoir un jour se présenter dans les tabernacles éternels en disant: "Me voici, Seigneur, avec tous ceux que tu m'as donnés". |
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