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Les « Entretiens sur l'éducation » est un mensuel publié sans interruption depuis plus de 100 ans.
Le site www.entretiens.ch vous offre la possibilité de consulter en ligne ces extraordinaires archives parcourant/ponctuant au jour le jour l'histoire de l'éducation familiale d'un bout à l'autre du XXème siècle.
La survie de la brochure mensuelle imprimée parallèlement à la distribution virtuelle à travers le site est le garant de la poursuite de cette aventure. La rédaction est assurée de façon bénévole par un groupe de parents passionnés par la réflexion et l'écriture autour du vécu familial. Les frais d'impression du journal et la gestion du site (100 000 pages demandées par mois??)....30.- par an (20€).
En dehors du grand intérêt pour vous de cette matière exceptionnelle, que vous soyez jeune parent, chercheur dans une université ou simplement intéressé par l'évolution des comportements humains, votre soutien par l'intermédiaire d'un abonnement nous est indispensable.
Pour les pays lointains et si vous ne désirez pas profiter de la version papier, un abonnement sous forme de pdf est accessible au même prix annuel de CHF 30. Il vous donne un accès complet aux archives
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Une petite bonne femme d'aujourd'hui

Ils sont jumeaux et ont dix ans, Paulot est pourtant plus fort que Riquette. C'est déjà un petit homme, un « sportif ». Il rêve d'être un jour un champion célèbre.
En arrivant de l'école, Paulot jette son sac n'importe où, court dehors, et ne rentre que pour se mettre à table. Ses devoirs sont vite faits, ses leçons vite apprises… Papa trouve bien que le bulletin mensuel est médiocre, surtout comparé à celui de Riquette qui additionne des notes magnifiques.
- Quel dommage, dit papa, que ce ne soit pas le garçon !…
- Oui, dit maman, quel dommage !…
Et cette réflexion-là fait beaucoup de peine à Riquette. Elle trouve la vie mauvaise ; elle la trouve injuste… Tout le monde est injuste, même maman pourtant si bonne !
Chaque jour, maman dit :« Mets le couvert, Riquette. Papa et Paulot vont rentrer, il faut que tout soit prêt : les hommes n'aiment pas à attendre !»
Quand on a fini de déjeuner :« Débarrasse la table, Riquette; ensuite tu m'aideras à essuyer la vaisselle. »
Riquette ne demande pas mieux que d'aider maman, mais elle entend les cris triomphants de Paulot qui joue aux billes avec cousin Roger en attendant de partir pour l'école, et… dame !…
C'est une petite bonne femme de son temps… Une ambiance la baigne qui lui suggère des critiques de ce qui est des visions de ce qui pourrait être… Elle a soif de justice, d'égalité… et un jour, elle lève l'étendard de la révolte.
- La table… Riquette ! a crié maman de la cuisine après le repas du soir.
- S'il te plait, maman, j'ai mis le couvert tout à l'heure… c'est à Paulot de desservir !…
Paulot s'exclaffe bruyamment :
-Ah! ah !… on n'aurait jamais vu ça !… Ah ben !… les copains riraient… Ce n'est pas l'affaire d'un garçon… c'est celle d'une fille !…
- Tu as dix doigts comme moi !
- Oui, mais les femmes sont faites pour servir les hommes, ma vieille !… Pas vrai, papa ?…
Papa, qui a cessé un instant de lire son journal ne répond pas tout de suite… Il est un peu embarrassé ; le mot de Paulot est tellement cynique et brutal !… et la petite Riquette, toute mince et toute blonde, qui tremble de courage en regardant droit le gros garçon, émeut le coeur paternel:
-Les besognes de la maison sont d'habitude l'affaire des femmes, en effet, Riquette ; vois ta maman; les hommes travaillent au dehors …
- Mais Paulot ne travaille pas au dehors ! Le maître a écrit sur son carnet qu'il ne fait rien en classe !…
- Oh ! Riquette !… gémit la maman avec un regard de reproche, n'aimes-tu plus ton frère ?… es-tu jalouse de lui !
- Il n'y a pas de quoi ! fait Riquette ; il est l'avant-dernier, moi je suis la première, alors !
- Hou ! l'orgueilleuse!… vilain paon !… Mais tu n'es tout de même qu'une fille, et je suis un homme, moi! Je serai champion de boxe !…
- Oh oui !… pour donner des coups de poing…
- Je serai soldat ! Les filles, ce n'est pas soldat !…
- Elles sont infirmières !…
- Ta, ta, ta !… les filles, d'abord, ça ne vote pas, c'est rien ! Et quand c'est marié, ça doit obéir à son Mari, tu sais ! Le mari est le maître!…
Je ne me marierai pas! clame Riquette, je ne veux pas d'un mari qui te ressemble !… Je ne veux pas d'un maître !… Je ne veux pas !… Oh papa, crie-t-elle en tordant ses petites mains de colère et de désespoir, serais-je forcée de me marier ?…
Papa la prend sur ses genoux, la calme doucement.
- Non, ma petite fille, non !… Puis, avec un rire tendre : « Mais il y a tout de même de bons maris !… N'aimerais-tu pas en avoir un qui ressemble… à ton père ?…
- Oh ! si, fait Riquette en se blotissant, toute câline, contre l'épaule protectrice. « Si!… seulement (et la confidence s'achève très bas, dans l'oreille même du papa) seulement, je voudrais qu'il m'aide au ménage au moins le dimanche, pour que je sois prête assez tôt pour aller me promener avec lui ! »









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