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Christ éducateur de ses disciples
Nous, mères, qui trouvons notre tâche bien grande, lourde parfois, avons-nous pesé, à l'heure du découragement, les difficultés exceptionnelles qu'a dû rencontrer Jésus comme éducateur de ses disciples, d'un Simon et d'un André, d'un Jacques et d'un Jean, pêcheurs du lac de Galilée, d'un Lévi, péager ?
Jésus a eu plus que des enfants à élever. Il a eu des hommes faits à éduquer, à nouveau et complètement : enfants au point de vue spirituel, hommes faits quant au caractère, quant à la puissance de résistance de leur esprit déjà tout formé. Il a eu tout à faire en eux, ou plutôt tout à défaire et tout à refaire! Leur sagesse était du monde, leur jugement, leurs espérances, leurs ambitions étaient du monde ! Il a eu à les élever dans le monde, pourtant et tout en ne voulant pas les élever pour le monde; cela, en remplissant lui-même une tâche incommensurable, dans des conditions adverses.
Christ en entreprenant leur éducation a tout à défaire, tout à refaire, disons-nous. A cette conscience du monde, indulgente et trouble, il doit substituer une conscience réveillée appelant courageusement le péché, péché.
Il doit leur assigner comme but unique de leur existence sur la terre la gloire de Dieu, le travail pour Dieu, faire naître en eux le désir d'une consécration entière et définitive. En outre, Il veut faire d'eux des hommes qui puissent vivre par lui, quand il sera remonté dans les cieux, et cette transformation radicale, fondamentale, Il n'a que trois années de ministère pour l'ébaucher.
Il n'est cependant rien de magique dans cette action du Maître sur ses disciples. Le Seigneur en même temps qu'Il les enseigne, se sent un besoin constant de prier pour eux comme nous pour nos enfants, pour que leur foi ne défaille point! (Luc 22, v. 32). Il sait attendre dans la confiance que l'oeuvre de Dieu se fasse dans leur coeur. Et pourtant Il les voit : dormir à l'heure de sa plus grande angoisse, Il les voit tomber, Il souffre du lent développement de leur foi, de la lourdeur de leur intelligence. Il eût pu, à juste titre, ressentir à leur égard les mêmes impatiences, les mêmes découragements que nous. Mais de même que l'amour patient est à la base de l'éducation de nos âmes par Dieu, de même l'amour patient est à la base de l'éducation des disciples par Christ et doit l'être quand il s'agit de nos enfants. Christ aime et se fait aimer avant d'appeler ses disciples et en aimant Il attire à Lui leur confiance en retour de la sienne pour travailler ensuite en eux, et amener leur volonté à une obéissance intégrale, librement consentie. Il les voit d'avance continuateurs de sa propre oeuvre, Il leur fait sentir l'espoir qu'Il met en eux, ses craintes, ses espérances !
Aimés, confiants, objets de son amour et de sa confiance, les disciples Lui obéissent et le suivent ! Et Lui qui les aime, qui est leur ami, veille sur eux comme la mère la plus tendre ; dans la mêlée du jour, Il leur ménage des solitudes, pour de longs, inoubliables entretiens (Luc 9, v. 15.10, v.17). Le Fils de l'homme n'a pas un lieu où reposer sa tête, et pourtant nous n'avons jamais l'impression que les disciples aient manqué d'une retraite où son influence bénie ait pu s'exercer dans la paix. Il les introduit, dans sa vie intime. Plus l'oeuvre extérieure grandit, plus Il s'adonne à la prière, sans eux, avec eux. Il les prend avec Lui sur la montagne pour prier. Et si, plein de sollicitude, Il les fait reposer, Il leur laisse savoir qu'Il a prié toute la nuit pour eux. (Un enfant ne réfléchirait-il pas à deux fois avant de détruire les espérances que fonde sur lui sa mère, s'il sait que son amour pour lui va jusqu'à la faire rester en prière pendant la nuit).
Les disciples ne voient jamais le Seigneur dans l'agitation ou la confusion. Ils apprennent de Lui, par ses paroles et par son attitude même que la puissance de Dieu s'accomplit dans la faiblesse, mais dans le calme, qu'à chaque jour suffit sa peine, que celui qui est fidèle dans les petites choses l'est aussi dans les grandes, qu'il faut veiller et prier. Ils ne le voient faire qu'une chose à la fois, et la faire comme elle doit l'être. Ils peuvent remarquer qu'Il ne se livre jamais au devoir de l'heure présente avec la préoccupation de l'heure passée. Ils le voient triompher non d'une tentation unique mais de tentations successives, au cours de chaque journée : fatigue, impatience, indignation, orgueil, et ils constatent que sa paix, son amour, restent inébranlables, au sein de sa vie intensément active. Leurs natures sont frustes, rudes, Christ les touche par sa bonté. Il les vainc par sa sympathie ; leurs épreuves deviennent les siennes; Il guérit la belle-mère de Pierre ; Il pleure Lazare avec Marthe et Marie. Il partage leur joie aux noces de Cana. Il fait plus, Il a pour chacun de ses disciples une manière particulière de l'aborder; à Pierre l'enthousiaste, Il parle autrement qu'à Jean, aimant et tendre. Il provoque leurs questions. C'est que Jésus voit et aime ses disciples comme autant de personnalités distinctes et c'est là que nous touchons au secret de sa pédagogie. Il veut des hommes et pour en avoir, il s'applique à élever des consciences, à éveiller la vie propre de chacune d'elles. En tout et partout c'est sur l'acquiescement de chaque conscience à sa volonté que se fonde son autorité. Il ne fait pas acte d'autorité qui ne puisse être contrôlé par la conscience à laquelle Il s'adresse ; Il se fait le représentant d'une autorité et d'une sagesse suprêmes.
Cette pédagogie de Jésus ne nous fait-elle pas sentir combien nous devons nous garder dans nos rapports avec nos enfants de nous identifier avec le principe d'autorité divine que nous représentons en en évitant même l'apparence, les « je veux » repétés. Car autre est dire: je veux et autre est dire tu dois, remarquons-le en passant. Qu'on ne croie jamais que nous sommes libres par nous-mêmes d'appeler à notre fantaisie le mal, mal, le bien, bien, et d'exiger quoi que ce soit par une autorité capricieuse et arbitraire.
Si l'on nous objecte que Jésus avait des adultes à élever et nous des enfants, que par cela même la méthode éducative applicable aux uns ne l'est pas aux autres, ne pouvons-nous pas répondre que l'enfant peut très bien saisir qu'au-dessus de sa volonté règne celle de Dieu à laquelle nous sommes obligés nous-mêmes d'obéir. Notre propre dépendance légitime l'obéissance que nous demandons.
Dans ces reproches, dans ces ordres, jamais Christ ne juge de superficialité, d'apparence, Il va au coeur des choses, au coeur des gens, au fond de tout.
Les disciples ont peur dans la barque. Dans sa clairvoyance profonde, Jésus leur reproche non leur frayeur, mais la cause de leur fayeur. « Où est votre foi? »(Luc 8, v. 25). Et quand les disciples se préoccupent de la place qu'ils auront dans le royaume des cieux, Christ, est-il dit, « voyant la pensée de leur coeur »(Luc 9, v. 46) leur fait immédiatement sentir que le manque d'humilité seul peut provoquer de telles discussions.
Christ demande des sacrifices à ses disciples : mais en demandant Il donne. S'il enlève à plusieurs d'entre eux leur gain de pêcheurs c'est pour leur promettre la gloire d'être désormais des pêcheurs d'hommes ! et ailleurs Il ajoute :« Je vous le dis en vérité, il n'est personne qui ayant quitté, à cause du royaume de Dieu, sa maison ou ses parents ou ses frères, ou sa femme ou ses enfants, ne reçoivent beaucoup plus dans ce siècle-ci et dans le siècle à venir la vie éternelle » (Luc 18, v. 29.)
Christ fortifie et Christ encourage. Il regarde aux intentions et non à la réussite. «Quiconque donnera seulement un verre d'eau froide à l'un de ces petits, je vous le dis en vérité, il ne perdra point sa récompense » (Matth. 10, v. 42). Une femme repentante pleure, lui baise les pieds et les oint de parfum : Jésus voit dans son acte l'amour qui l'inspire.
Sachons reconnaître la tendresse qui pousse peut-être notre bébé à nous déranger trois ou quatre fois dans notre travail pressé, pour nous faire le plaisir - immense à ses yeux - de nous apporter une petite fleur du jardin
Oh ! ne le décourageons pas ! Il y a des pertes de temps qui ne sont rien comparées à des pertes d'affection et telle perte d'affection peut avoir son commencement dans de pareils froissements de cÅ“ur répétés auxquels nous n'avons mis aucune importance.
Jésus laisse ses disciples supporter la peine de leurs fautes, sans pour cela leur refuser la grâce du pardon. Après qu'il eut renié son Maître, que fit Pierre, sous le regard scrutateur de Jésus ? Il sortit pour pleurer ! Il souffrait intensément, mais nous sentons pourtant que dans ses larmes il ne doute pas du pardon de Christ.
En outre, pour faire l'éducation de ses disciples, Jésus, par la conscience encore et toujours, leur laisse trouver la vérité qu'Il veut graver dans leur coeur , s'appuyant sur ce qui est pour prononcer de ce qui doit être.
Il est nécessaire qu'ils sachent qui Il est. Dans ce but, Il les interroge :« Qui dit-on que je suis, moi, le Fils de l'homme
et vous, qui dites-vous que je suis ?»(Matth. 16, v. 13, 15).
Enfin lorsque Jésus voit chez ses disciples une confiance commençante, Il la met à l'épreuve pour la transformer en foi positive et leur faire constater la
délivrance.
En envoyant les douze dans leur premier voyage missionnaire, Jésus leur dit :« Ne prenez rien pour le voyage, ni or ni argent
car l'ouvrier mérite sa
nourriture » (Matth. 10, v. 10, et quand ils reviennent avec joie, Il leur demande, comme pour leur faire réaliser l'exaucement de leur foi : « Avez-vous manqué de quelque chose » ? Jésus travaille à changer le point de vue même où se mettent les disciples pour juger des choses de ce monde et dit royaume de Dieu ; renversant en quelque sorte tout ce qui a été jusqu'alors leur manière de voir et leur faisant comme toucher la contradiction des opinions courantes avec les siennes : « Heureux, dit-il, ceux qui pleurent
» (Matth. 5, v. 4), « Mon royaume n'est pas de ce monde » (Jean 18, v. 36).
Par un retour sur nous-mêmes, demandons-nous à ce propos, s'il nous arrivait plus souvent de faire appel à la conscience de nos enfants, les faisant réfléchir à ce que Dieu défend ou permet, demandons-nous, dis-je, s'ils ne comprendraient pas mieux, et pour leur vie durant, que c'est à ce critère-là que nous devons tout soumettre, actes et jugements.
Ne pourrions-nous pas avec plus de confiance alors, l'heure venue, nous placer comme tuteurs à l'arrière plan de leur vie si nous sentons leur conscience réveillée, éclairée et aux aguets. C'est dans ce sens que Christ a pu dire à son père :« J'ai achevé l'oeuvre que tu m'as donné à faire » (Jean 17, v, 4), bien que prévoyant leur chute et leur désertion, car Il avait déposé dans leurs âmes quelque chose d'infini, un germe de vie nouvelle qui allait se développer à travers leur existence et s'épanouir aux cieux.
Si nous nous résumons, cherchant à pénétrer la méthode éducative de Jésus, nous sentons surtout que son succès réside dans le fait que l'image divine a rayonné sans intermittence dans sa personne ; qu'Il a prêché d'exemple, que lorsqu'Il réclamait l'humilité c'était en étant humble lui-même, allant jusqu'à laver les pieds de ses disciples, et que lorsqu'Il commandait d'aimer, Il aimait ! En réalisant cet accord parfait entre les paroles et les actes du Christ éducateur, notre élan et nos meilleures résolutions crouleraient, si nous ne pouvions, dans le sentiment de notre infirmité, nous cramponner à la promesse de l'Esprit : aide et soutien, Esprit de vérité (Jean 14) demeurant avec nous, en nous et à cette sagesse que Dieu donne simplement et sans reproche à qui la demande avec foi (Jacques 1, v. 5).
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