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Histoire de Mikky

Quand ils rentrent le soir, nos collégiens, souliers boueux, mains sales, l'esprit lourd encore de notions accumulées depuis le matin, le coeur harcelé souvent par quelque difficulté scolaire, que ce soit vers leur mère qu'ils trouvent à ce moment confiance et abandon. Si nous les accueillons par les reproches bien mérités certes qu'inspire à notre esprit critique une tenue négligée ou une note mauvaise, s'ils nous trouvent accaparées par des soucis ou des joies auxquels ils ne peuvent s'associer, c'en est fait pour ce jour du confiant déballage que d'ordinaire ils nous donnent en cette fin d'après midi. Veillons-y bien car ils sont timides, ils ont facilement peur de nous malgré leurs airs fanfarons, si l'habitude se prend de la distance et de la froideur, renonçons à la douceur de nous sentir près de leur âme.
La maman de Mikky va partir pour un grand voyage et on en parle depuis des mois, la date approche et l'agitation de la maison va croissant, mais que c'est amusant tout cela pour Mikky ! Avec quelle joie il s'imagine sa maman voguant des jours et des nuits sur un immense bateau où il y a, paraît-il des salons, des escaliers tout comme dans un hôtel… Et puis, obscurément, il trouve que c'est une chaîne, cette maman toujours penchée sur lui qui l'interroge et le scrute, qui veut toujours qu'il fasse des progrès, qu'il se corrige de ses défauts, là, d'un coup. Pendant son absence, quelle liberté, quelle indépendance. Oh ! certes, il n'en profitera pas pour mal faire, mais on verra comme il sait se conduire seul, comme il n'a pas besoin de conseils ni d'être tenu en lisière. Et plus la date approche, plus Mikky se sent allégé, heureux.
Les dernières heures avant le départ mettent le comble à l'agitation joyeuse de son petit esprit, il accompagne maman à la gare et voici encore une fête. C'est le soir, tard, et Mikky, à l'heure où il devrait se coucher, roule en taxi, monte un moment dans le compartiment où circulent ces mystérieux employés dont la casquette s'orne de lettres énigmatiques, C.I.W.L… Cook and Co…
L'heure tourne plus vite depuis quelques instants. Quel est ce malaise dont Mikky se sent envahi ? On dirait que ses jambes n'ont plus la force de le porter, en même temps qu'un étau serre sa gorge. Il est sur le quai, maintenant, et maman est dans le couloir du wagon, penchée à la vitre. Comme il fait froid et noir, comme ces coups de sifflet sont lugubres et il se serre dans son caban et son front est glacé du vent de la catastrophe. Il a compris. Maman part ! Maman qui ne l'a jamais quitté s'en va loin, va courir des dangers peut-être, elle n'écrira pas pendant de longs jours, sa place à table sera vide et à quoi servira de demander vite en rentrant :« Est-ce que maman est là? » comme il fait tous les soirs. Maman qui gronde, maman qui raconte des histoires extraordinaires, maman qui est si sévère pour qu'on dise la vérité, maman qui explique les problèmes, maman qui exige la perfection impossible, maman qui rassure et plaisante quand la maladie vous abat et vous inquiète, maman enfin, sa chère maman de toujours, son calvaire et sa passion ! Le chagrin, l'émotion, l'étouffent, et les larmes ruissellent, il sanglotte, il est affreusement malheureux.
« Pleure, pleure, Mikky, tu sais aimer. »









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