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Impressions
Le bus, huit heures du matin, jour de semaine. Clic
clic
Une dame se coupe les ongles. Personne ne tique. Apparemment, rien de bien dramatique. Moi, ça m’agace et ça m’agresse. Me suis-je levée du pied gauche? Je tente de replonger le nez dans mon journal et son étude sociologique soudain trop théorique. Le bus, en revanche, m’apparaît comme un formidable observatoire de société et constater qu’une femme juge normal d’y parfaire sa manucure au milieu de l’indifférence générale me semble diablement révélateur. De quoi, plus exactement?
Du fait que quelqu’un est visiblement à côté de la plaque. Elle, ou moi, ou les autres
A cette époque de grande confusion que nous vivons, il est difficile de dire qui a tort et qui a raison, qu’est-ce qui se fait ou ne se fait pas. Dans le doute, on tolère sans broncher toutes les manifestations protéiformes de ce que l’on appelle pudiquement l’incivilité. Pourtant, en ces temps du tout explicite où, sous prétexte d’authenticité et de partage, on se permet d’infliger à autrui ses activités et pensées les plus triviales, je persiste à croire que la liberté individuelle s’accommoderait volontiers d’un minimum de bonnes manières.
Je fais semblant de lire et personne ne s’aperçoit de mon ébullition intérieure. Combien sommes-nous dans cet état?
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Le bus, six heures du soir, jour de semaine. Ecrabouillée de fatigue, je jette un vague coup d’œil par la fenêtre. Une affiche grand format me happe immédiatement: « Prenez le temps de vivre » enjoint-elle sur fond de plat précuisiné.
Sans être tout à fait convaincue que ce soit la panacée contre le surmenage, je me dis que le libellé est habile, puisqu’il m’atteint exactement là où ça fait mal. Si l’on a pris la peine de placarder de tels slogans dans toute la ville, c’est que les écrabouillés de fatigue comme moi doivent être nombreux à rêver de temps libre. Libre de contraintes, d’horaires inflexibles, libre d’être passé avec les personnes que l’on aime, libre d’être utilisé selon nos envies et même gaspillé
Prendre le temps de vivre! Certes, encore faudrait-il, au préalable, prendre le temps d’une grosse remise en question de nos entraves invisibles.
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Matin pluvieux et gris à pleurer. A l’arrêt, quelques mines renfrognées, dont la mienne. Parmi elles, le visage paisible d’une petite fille asiatique, tranquillement assise sur le banc de l’abribus.
Tout à coup, elle se met à chanter d’un filet de voix cristalline. Je ne comprends pas sa langue, mais le simple fait qu’elle chante à un moment où aucun adulte n’en aurait eu ni l’idée, ni l’envie, m’éblouit.
La pluie continue, mais mon cÅ“ur est soudain inondé de soleil
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