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Le bonheur dans une cour

Au milieu de la maison, ou, pour mieux dire, derrière, entre le logis d'une part, les hangars et les poulaillers déserts de l'autre, il y avait une courette tranquille, solitaire, comme retranchée du monde, et, au milieu de cette cour, il y en avait une seconde, plus petite, plus solitaire et plus tranquille encore. On ne pouvait y entendre, y percevoir rien du monde extérieur; on ne pouvait y voir que des cloisons délabrées, de petits escaliers, des portes, de petits pavillons et autre chose du même genre, au-dessus de quoi bleuissait un coin de ciel. Une odeur de bois pourri vous surprenait en y entrant. Cette seconde petite cour, de format réduit, devint tous les jours, à toute heure, mon séjour préféré. C'est à elle, plus qu'à toute autre chose, que je dois cette félicité dont s'éclaira le temps inoubliable que j'ai passé à Waldenbourg. On me remit une petite hache émoussée, une masse de clous, puis on me laissa seul avec la permission de donner de ma hache, tant que le coeur me dirait, dans les degrés de bois d'un petit escalier et de planter des clous où je voudrais. Toutes choses à l'entour, étaient à ce point malades que je ne pouvais endommager rien.
Pourquoi trouvais-je à planter des clous une satisfaction si profonde que je voulus chaque jour, insatiablement m'adonner à ce travail, alors que tous les jeux avaient vite fait de m'ennuyer et que je demandais sans cesse, quand je jouais, du changement, de la compagnie, quelqu'un pour me diriger. La raison en est que je travaillais avec effort pour atteindre un certain but et que j'accomplissais quelque chose de visible et de tangible. Je pouvais le lendemain, jeter les yeux sur ce que l'avais menuisé la veille, sur cette oeuvre qu'il m'était loisible de continuer. Je goûtais maintenant au lieu du bonheur de jouer, trompeur, inconstant, que seul j'avais connu jusqu'alors, un bonheur plus réel, plus sérieux, le bonheur de l'ouvrier. De plus, comme je ne plantais pas mes clous sous la direction d'autrui, mais à ma libre fantaisie, c'était en même temps le bonheur de créer. Voilà pourquoi ce travail pénible me causait une aussi durable satisfaction.
Je le remarque en passant : mon expérience personnelle m'a appris à ne croire que bien peu au fameux bonheur de jouer chez les enfants. L'enfant, quand il joue, se rend parfaitement compte qu'un abîme béant sépare la réalité des rêves de son imagination. J'eus tôt fait d'apprendre que les soldats de plomb, les petits moutons, les petits chevaux de terre cuite quand je les avais disposés à ma guise, devaient réintégrer leur boîte, comme je connus qu'ils nous regardent bêtement sans dire un mot, en dépit du beau rêve de vie qu'on leur prête. Le jeu commence toujours bien, c'est la suite qui ennuie, car elle ne sait que répondre à notre attente. C'est la raison pour laquelle il faut, quand on joue, changer perpétuellement pour entreprendre toujours à nouveau. Le jeu repose sur l'illusion : c'est pour cela qu'il finit par la désillusion. Mais planter des clous, ça, par exemple, c'est bien différent ! On fait quelque chose qui dure, qui survit; on laisse derrière soi des oeuvres qui demeurent.
Si le nombre des mots devait être en proportion de l'importance de ce qu'on décrit, je devrais consacrer bien des pages à la petite cour où je trouvai le bonheur.









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