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Paresse

Je distingue plusieurs paresses : la paresse d'indocilité, la paresse de souffrance, la paresse de fatigue, la paresse d'ennui.
La première se reconnaît aisément, et, confondue avec l'indocilité, elle demande, comme ce défaut, à être énergiquement réprimée et de bonne heure. La loi du travail est dure pour l'enfant plus encore que pour l'homme; il faut qu'il s'y soumette dès les premières années.
La paresse de souffrance exige, pour qu'on ne la confonde pas avec l'autre, beaucoup d'attention, de sagacité, et aussi une connaissance complète des habitudes physiques ou morales de l'enfant. La diminution de l'appétit et du goût pour les jeux actifs, l'expression souffreteuse de la figure, l'état précaire de quelque fonction, sont des indices de sincérité que le jugement éclairé du médecin corrobore ou qu'il infirme. L'enfant n'a pas d'ailleurs à sa disposition des supercheries bien raffinées et ses simulations sont faciles à reconnaître; l'art de découvrir « la fourbe et l'erreur » est habituellement, et d'une manière exclusive, du domaine maternel. D'ailleurs, la précaution de faire payer aux enfants suspects les avantages d'un repos illicite par quelques petits retranchements imposés à leur sensualité décourage bien vite leur mauvais vouloir.
Quant aux deux autres paresses, celles de l'ennui et de la fatigue, j'avouerai hautement (que nul collégien ne m'entende) que je les considère comme légitimes et salutaires. La faute en est au système qui sépare l'attrait intellectuel du travail et qui écrase les écoliers sous la masse d'un programme de plomb. Qu'on trouve mieux, et l'on pourra gourmander les enfants tout à son aise.
Ramener l'attrait et la mesure dans le travail, voilà la formule. Je sais bien qu'il y a des natures indolentes ou amoureuses du « farniente » qui se cantonnent de parti pris dans la paresse, et qui, au lieu d'ennui ou de fatigue, n'ont simplement que du mauvais vouloir. C'est à voir de près et à se déterminer en conséquence. La paresse se guérit plus aisément par l'attrait que par la répression. On a dit que la suprême sagesse consiste à mettre son plaisir dans ses devoirs; cela est vrai de l'écolier comme de l'homme.
Vient enfin le troisième terme de la perversité scolaire: l'étourderie. C'est là une fonction de l'enfant; tout est mobilité chez lui, et il éprouve à fixer son esprit la même difficulté qu'à ne pas bouger ses jambes. Les avertissements et les conseils ne laissent pas plus de sillon dans sa mémoire que les hirondelles n'en laissent dans le ciel bleu qu'elles traversent; impressions, souvenirs, jeux, travaux, il effleure tout sans aller au fond de rien ; il passe sans jamais s'arrêter; abeille étourdie, il n'a qu'un but: c'est de faire de la gaîté avec toutes les fleurs; il les aime, parce qu'il peut passer de l'une à l'autre; le dégoût viendrait vite si on le forçait à s'arrêter constamment sur l'une d'elles.
Il faut que l'instruction soit mobile comme l'est l'attention de l'enfant, et qu'elle s'inspire du principe nécessaire de la variété. Il faut qu'elle n'exige pas de l'enfant une continuité de contention d'esprit qui est antipathique à sa nature comme à ses goûts, et cela est d'autant plus indispensable qu'il est plus jeune. On doit bien se garder surtout, pour combattre la légèreté, d'éteindre chez les enfants cette fougue primesautière et mobile pour en faire des modèles, c'est-à-dire des petits esprits bien rangés, bien étriqués, bien méthodiques, creusant leur sillon géométrique, allant de la huitième à la philosophie, comme les hommes rangés vont du berceau à la tombe, à la façon du train de Birmingham à Manchester, suivant l'ingénieuse comparaison de Töpffer, et auxquels ne manque qu'un front chauve pour être des savants accomplis. Quelle monstruosité ! Sans doute, il faut exercer l'attention des enfants, mais il ne faut pas exiger d'eux que leur sève se fige dans une branche : qu'elle monte joyeusement et s'éparpille; trop la régler, c'est la tarir.
Cela est vrai, mais il y a une mesure en tout, et la légèreté la dépasse aisément.
L'écolier devient alors peu saisissable; tout glisse sur lui, impressions d'esprit comme de discipline; il faut combattre cette sorte de volatilisation de l'intelligence, et la concentrer dans des efforts peu prolongés mais actifs.
Vient enfin la lambinerie, le gaspillage du temps. C'est de tous les défauts scolaires le plus préjudiciable à la santé. L'écolier qui naît avec lui ou qui le contracte est forcément arriéré et malheureux ; il met une heure à faire ce que d'autres réalisent en deux minutes ; il s'arrête en route, collectionne des pensums qui compliquent sa situation, se décourage et se bute. Avec ce défaut, obligation du travail après le repas, promenades nulles ou raccourcies, exercices insuffisants, pénurie d'air, de soleil, de gaîté; une santé compromise, en un mot. Mais ce qui est compromis aussi, c'est l'habitude du travail actif, remplacé par une flânerie improductive ; et puis le cerveau, comme un cheval qu'on a laissé toujours aller au pas, trouve cette allure commode et n'en veut plus d'autre : l'éperon de la nécessité n'y fait rien; il n'en va pas plus vite, il se cabre et laisse le progrès sur la route. La lenteur est sans doute quelquefois une disposition native, une affaire de caractère, mais aussi souvent elle rélève un état maladif du cerveau chez les enfants : leur intelligence fonctionne à la condition de ne pas être pressée ; les stimule-t-on à aller plus vite, leurs yeux se cernent, ils baillent, pâlissent, et, quand on observe bien, on comprend qu'on a dépassé le rhytme qui convenait au fonctionnement de leur intelligence. Si cette disposition est permanente, il faut s'y résigner et ne pas s'obstiner à aller trop vite ; si elle est passagère, il faut attendre que cette mauvaise période soit franchie et tâcher ensuite de regagner le temps perdu.
J'ai connu de ces lenteurs maladives qu'il eût été bien dangereux de contrarier ; elles étaient l'indice expressif de la nécessité de ménagements particuliers.









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