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Les « Entretiens sur l'éducation » est un mensuel publié sans interruption depuis plus de 100 ans.
Le site www.entretiens.ch vous offre la possibilité de consulter en ligne ces extraordinaires archives parcourant/ponctuant au jour le jour l'histoire de l'éducation familiale d'un bout à l'autre du XXème siècle.
La survie de la brochure mensuelle imprimée parallèlement à la distribution virtuelle à travers le site est le garant de la poursuite de cette aventure. La rédaction est assurée de façon bénévole par un groupe de parents passionnés par la réflexion et l'écriture autour du vécu familial. Les frais d'impression du journal et la gestion du site (100 000 pages demandées par mois??)....30.- par an (20€).
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« Le ton fait la chanson »

- «Va chercher du bois!»
Et j'y allais, car ma mère savait quelle voix prendre pour me faire obéir. Si elle était fatiguée et énervée, elle prononçait les mêmes mots sur un ton qui faisait instantanément monter à mes lèvres, derrière mes lèvres plutôt, un «non» que je ne prononçais pas puisque c'était au temps où on ne discutait guère ouvertement un commandement d'adulte.
Depuis lors - et il y a longtemps -, j'ai observé, je me suis observé, et j'ai été appelé à réfléchir sur ce phénomène. J'ai noté par exemple les impressions que font les appels et les réponses téléphoniques. Il y a cent manières de dire «allo!», «voilà», «ici Madame…», cent manières de dire «bonjour», «au revoir», «comment allez-vous?» et surtout mille et une façons de donner ordres et conseils aux enfants et aux adolescents. Toujours des mêmes mots, mais des tons différents.
J'ai été amené à y prendre garde non seulement par mes propres réactions mais par les remarques des jeunes: «La manière dont il m'a dit çà! …j'aurais mieux aimé une gifle !». «Elle a un ton qui me glace…».«On a tout de suite envie de lui dire oui». «Ce ne sont pas les mots mais c'est son ton!». «Il peut nous dire n'importe quoi, on l'accepte toujours», etc.
Parfois on pense à cela lors d'une mission délicate: «Envoyez Monsieur Untel, il sait parler sans blesser ; ce n'est pas ce qu'il dit mais sa voix est apaisante». «Ne le lui faites pas dire par X sinon tout est perdu, avec sa voix!».
On n'en finirait pas de citer des exemples.
Mais allons plus profond; d'où vient la voix, d'où vient le ton? La voix vient du larynx où on nous dit qu'il y a des cordes vocales dont les dimensions règlent le grave et l'aigu, ce qui fait des voix hautes, des voix moyennes et des voix basses. Bon. Mais pourquoi telle voix aiguë devient-elle pointue? et telle voix basse menaçante? C'est ici le ton de la voix et ce qui est derrière le ton : toute la personne, son caractère, son affectivité, son coeur, ses intentions, ses calculs, ses générosités, son amour, son amertume, sa haine, etc.
Si la personne à qui l'on parle se trouve être un adulte, un adulte raisonnable, comme il se doit, l'intention de l'interlocuteur, qui de l'oreille arrive au psychisme, peut être comprise, même devinée, et si le ton est désagréable, le choc est pour ainsi dire raisonné, accepté, compris.
Mais s'il s'agit d'un enfant, d'un petit enfant, il faut se rappeler qu'il y a inégalité foncière entre sa mentalité et celle des grandes personnes. Le meilleur exemple qu'on en puisse citer n'est-il pas dans ce qu'une mère «dit» à son bébé nouveau-né? Ici le ton fait tout puisque le vocabulaire n'est rien, les mots ne servant qu'à moduler une musique agréable que l'enfant perçoit comme un bruit qui se veut aussi doux qu'un roucoulement de tourterelle.
Durant des années, lorsque les termes mêmes du discours seront compris, c'est encore le ton qui transmettra à l'enfant les sentiments et les intentions. «Quand maman appelle, elle crie toujours par la fenêtre : Albert ! Suivant le ton, je sais que j'ai oublié l'heure et je sais aussi ce qui m'attend!»
Les mamans - et les papas aussi - sont souvent gens fatigués et à bout de nerfs. Dans ces moments-là, il leur est difficile de se mettre, au moins un peu, à la place de l'enfant et de se souvenir des règles qu'on enseigne dans les cours de psychologie familiale. Se mettre à la place d'un enfant, c'est savoir par exemple qu'on va le déranger dans un jeu, couper son élan, désorganiser la partie au nom de l'heure dont il est totalement inconscient, d'un visiteur à saluer avec récitation de la dernière petite poésie, etc. etc. Alors va jaillir le «Pierrot viens vite!!» avec, sur le dernier mot un accent sf comme on met sur les partitions de musique, et une note à trois ou quatre tons de distance vers l'aigu. Pierrot viendra… ou traînera… ou ne viendra pas. Il aurait suffi de supprimer l'accent et de donner le mot «vite» une tierce en-dessous pour que Pierrot ressente différemment l'appel, sente qu'il venait de l'aimante maman ou du compréhensif papa. Il aurait quitté son jeu et ses camarades avec un regret d'une autre sorte, un regret dénué d'agressivité. Il aurait en quelque sorte compris, approché la grande personne dans son exigence ; il l'aurait acceptée. Le lien qui se serait établi entre elle et lui aurait eu une valeur affective et aurait été en plus une source de progrès mental.
Abrégeons, car on pourrait creuser et nuancer sans fin ce qui a l'air d'une petite chose, le ton de la voix, mais qui est une grande, très grande chose, puisque le langage constitue l'instrument par excellence de contact humain et qui règle nos rapports avec ceux que nous appelons nos semblables.
A ce propos, rappelons encore une fois que les enfants ne sont pas tout à fait nos semblables et que «faire la grosse voix» ou «prendre un ton spécial» qu'on sait plus ou moins contraignant ou même terrifiant, peut être l'équivalent d'un véritable châtiment corporel avec ses conséquences. Rappelez-vous l'exemple du début «…J'aurais mieux aimé une gifle!».









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