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Les « Entretiens sur l'éducation » est un mensuel publié sans interruption depuis plus de 100 ans.
Le site www.entretiens.ch vous offre la possibilité de consulter en ligne ces extraordinaires archives parcourant/ponctuant au jour le jour l'histoire de l'éducation familiale d'un bout à l'autre du XXème siècle.
La survie de la brochure mensuelle imprimée parallèlement à la distribution virtuelle à travers le site est le garant de la poursuite de cette aventure. La rédaction est assurée de façon bénévole par un groupe de parents passionnés par la réflexion et l'écriture autour du vécu familial. Les frais d'impression du journal et la gestion du site (100 000 pages demandées par mois??)....30.- par an (20€).
En dehors du grand intérêt pour vous de cette matière exceptionnelle, que vous soyez jeune parent, chercheur dans une université ou simplement intéressé par l'évolution des comportements humains, votre soutien par l'intermédiaire d'un abonnement nous est indispensable. Pour les pays lointains et si vous ne désirez pas profiter de la version papier, un abonnement sous forme de pdf est accessible au même prix annuel de CHF 30. Il vous donne un accès complet aux archives
RETOURLes enfants-adultes vivant avec leurs parents « Cette simple phrase : Aimez vos enfants pour eux-mêmes, et non pour vous, bien méditée, bien prise à coeur renferme tous les secrets de l'éducation morale. » VINET. - Ah! si on pouvait les garder petits! C'est dommage qu'ils grandissent ! Ils grandissent en effet, deviennent des adolescents; ils « attrappent » dix-neuf ans, puis vingt…. et parce qu'ils sont étudiants, parce que la maladie les empêche d'apprendre un métier, parce qu'ils restent célibataires, parce qu'ils demeurent au foyer pour soigner et protéger les parents, ils sont des enfants-adultes vivant à la maison. C'est parfois réussi, même touchant, mais souvent aussi que de tensions, de conflits latents ou ouverts, que de difficultés que seuls l'amour et l'intelligence peuvent éviter ! Car, biologiquement, la position est fausse; dans la règle, l'oiseau quitte le nid et construit sa propre demeure. Le jeune homme, la jeune fille qui sont partis, indépendants, affranchis, libres, reviennent à la maison paternelle en visite, pour un séjour, mais leur affection pour père et mère s'est modifiée. On se parle entre grandes personnes, entre camarades, ce qui n'empêche ni la tendresse ni la reconnaissance. Mais l'enfant-adulte, qui n'a pas quitté la maison et vit avec ses parents, a tendance à se considérer avant tout comme un adulte; ses parents au contraire (« On ne les voit pas changer lorsqu'on est tous les jours avec eux !») sont tentés de continuer à le traiter en enfant. -« J'ai vingt ans, j'ai bien le droit de… » -« Tant que tu dépends de nous, nous avons bien le droit de… » Or, lorsque parents et enfants en sont à régler leurs rapports au nom du droit, les choses risquent de mal aller. Elles vont souvent fort mal. C'est les portes claquées, l'apprentissage rompu « pour gagner sa vie et être libre »; c'est la chambre « en ville » parce qu'on ne veut pas recevoir Ernest… C'est les journées entières où l'on ne se parle pas, les cachettes, les téléphones non transmis, la correspondance clandestine; en bref, la guerre chaude ou froide. Pourtant, nous l'avons dit plus haut, tout peut s'arranger avec de l'amour et de l'intelligence. L'intelligence aide à comprendre que la situation des enfants-adultes vivant à la maison est contraire aux tendances normales d'indépendance; l'amour aide à faire, de part et d'autre, les concessions qui créeront la paix et le bonheur. Les parents peuvent poser ainsi leur problème : si Pierre, qui est étudiant, était matériellement indépendant et vivait ailleurs, que ferait-il ce soir? - Exactement ce qu'il voudrait: rentrer à dix heures… ou à deux heures du matin, voir des copains… ou cette Irma qui ne nous plaît pas…, fumer deux… ou vingt cigarettes, écouter une conférence… ou aller au cinéma, manger une fondue ou sauter un repas, dépenser deux francs… ou deux billets de cinq… Bref, il ferait ce qui plaît aux parents… ou ce qu'ils désapprouvent. Mais Pierre vit avec vous, il connaît vos goûts et dégoûts. Va-t-il feindre d'aller ici alors qu'il ira ailleurs ? Osera-t-il discuter tranquillement son point de vue? Comprendrez-vous ses désirs de « 20 ans 1955 »? - Osera-t-il vous dire qu'Irma, malgré ses « trois-quarts violets », est une fille propre? - Inviterez-vous celle-ci un soir pour la connaître et pouvoir parler d'elle avec Pierre? - Lui ferez-vous confiance lorsqu'il vous demandera la permission de minuit? - Irez-vous jusqu'à risquer une autorisation « dangereuse » ? Aurez-vous la voix qu'il faut (et le ton, c'est la part de l'amour) pour dire fermement « non » et lui expliquer tranquillement que, vivant sous votre toit, il n'est pas isolé, mais fait partie d'une communauté qui a ses règles de vie, que sa part consiste justement à respecter une limitation et à l'accueillir avec les avantages de la situation ? Il se peut que nos enfants-adultes vivant au foyer acceptent difficilement certaines privations. Je connais des parents qui exposent leurs difficultés à un ami très respecté de leurs grands enfants. Et c'est alors l'ami qui joue le rôle de bon messager, fait comprendre et admettre aux jeunes les règles du « jeu » de famille. Nous ne nous arrêterons pas au problème de l'enfant-adulte resté à la maison pour raison de santé. Disons seulement que, pour autant qu'il ne joue pas au résigné ou ne soit éteint par des parents trop heureux de le conserver à l'état d'enfant, sa position est encore plus difficile. C'est en lui donnant une quantité de menues occupations que père et mère fortifieront le sentiment de sa dignité d'adulte ; à moins qu'il ne soit totalement paralysé, le malade est capable de remplir bien des tâches, tâches morales aussi; il sait entretenir intelligemment des visiteurs, répondre à des lettres; il peut aussi fabriquer de petits objets (Adressez-vous à Pro Infirmis dans ce cas). Nous n'avons décrit que quelques situations essentielles, croyant ainsi sans allonger inutilement, avoir montré où se trouve le noeud du problème lorsque les enfants devenus adultes restent auprès de leurs parents. On pardonne aux jeunes de se « plier » avec quelque difficulté à la persistance de la tutelle paternelle, même lorsqu'elle s'exerce avec doigté; on leur pardonne… précisément parce qu'ils sont jeunes. Mais que dire aux parents qui rognent continuellement les ailes de leurs enfants « pour les garder »? Que leur dire, sinon qu'ils appliquent la plus infaillible méthode pour les perdre. Les perdre pour eux, parents, car ils auront rempli d'amertume et peut-être de rancune le coeur de leurs enfants; et qui sait, les perdre aussi pour une belle vie, une belle vie avec des forces, du caractère, un esprit d'indépendance bien construit et un coeur débordant de gratitude à l'égard d'un père et d'une mère qui les ont guidés et instruits dans la liberté. |
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