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Argent de poche

Les réflexions qui suivent sont le résultat de plusieurs causeries suivies d'entretiens dans des cercles de parents, à la ville comme à la campagne. On y verra donc l'écho des préoccupations d'un grand nombre plutôt que des réponses définitives aux questions que tous les parents se posent.
Faut-il donner de l'argent de poche à nos enfants? Sauf dans certains villages retirés où les enfants n'ont pour ainsi dire pas d'occasions de dépense, la question de principe n'est plus discutée.
Mais partout on se demande à quel âge il faut commencer et combien et comment il faut le leur donner. On voudrait aussi savoir s'il y a des moyens pour leur apprendre à « gérer » cet argent de poche.

Pour répondre avec un peu plus de pertinence à ces questions, quelques réflexions sur notre temps et la place qu'y prend l'argent s'imposent. Il est devenu bien banal de dire que notre vie est de plus en plus soumise à la machine, mais, ce qu'il faut souligner, c'est que, à cause même de cela, notre vie est de plus en plus soumise à l'argent. Car les machines, qu'il s'agisse d'un moteur industriel, d'une machine à laver ou d'un moyen de locomotion, coûtent cher, autant par leur entretien que par leur achat. Et ce qu'il faut souligner aussi, c'est que nous sommes de plus en plus soumis à la machine et à l'argent dans nos loisirs et nos plaisirs. Ceux qui sont nés encore au siècle passé se souviennent des longues courses à pied de leur jeunesse. Ils se souviennent d'avoir vu, adultes et enfants se baigner en chemise de nuit parce qu'on n'avait pas de costumes. Voyez la place que prennent aujourd'hui dans un budget les voyages, les tenues de plage et les accessoires du ski ! On ne conçoit plus beaucoup de distractions qui ne coûtent rien. Or nos enfants vivent dans cette ambiance de dépenses nécessaires ou luxueuses. S'amuser et dépenser deviennent très rapidement chez eux synonymes. Ils ne peuvent plus penser leur vie sans que l'argent entre en ligne de compte et prenne une place de première importance.
Ce qu'il faut voir aussi, c'est que l'économie n'est plus une vertu au même titre qu'autrefois. Certes, il y a encore d'énormes capitaux inscrits sur les carnets d'épargne, mais on ne compte pas sur ces réserves pour s'en faire des rentes ; les cinquante dernières années nous ont trop appris l'instabilité monétaire pour que nous puissions compter sur l'argent pour assurer nos vieux jours ; ces réserves sont plutôt momentanées et doivent nous aider à acheter un mobilier ou la machine qu'on espère. C'est pourquoi la « cachemaille » a perdu dans la famille et l'éducation de l'enfant, la place importante qu'elle avait. Tandis que la question de l'argent de poche a gagné le premier plan.
Si ces quelques réflexions nous aident à comprendre pourquoi la question de principe ne se pose pour ainsi dire plus, elles nous aideront aussi à répondre aux questions subsidiaires : quand, combien, comment. Ces réponses dépendent, en effet, du degré d'évolution du milieu dans lequel vit l'enfant. Il y aura de sensibles nuances selon que l'enfant vit dans une ville très industrialisée, ou dans une cité qui s'attarde encore dans un passé qu'on appelle heureux. Faut-il réagir contre cette évolution ou s'y laisser entraîner? Je crois qu'il faut répondre : ni l'un ni l'autre ! Il faut freiner ! Le retour en arrière est impossible, mais nous n'avons aucun avantage à précipiter le mouvement. Ce n'est du reste pas le seul chapitre de l'éducation où la sagesse est d'avancer.., sagement, de freiner pour éviter la catastrophe.
On voudra donc bien tenir compte de cette sagesse et de ces nuances dans les réponses qui vont suivre.

A quel âge faut-il donc commencer à donner de l'argent de poche aux enfants ? Précisons d'abord que noue entendons par argent de poche, une somme qui leur est accordée régulièrement par semaine ou par mois et non pas les petits sous que nous leur donnerions occasionnellement pour « aller au carrousel ». Il semble que douze ans soit l'âge du point de départ. C'est celui où l'enfant commence à sortir plus ou moins régulièrement avec ses « copains ». L'âge aussi où, dans les villes, plusieurs commencent le collège.
Combien faut-il donner? Assez pour que l'enfant ne soit pas tenté de vivre au crochet de ses camarades plus fortunés ou moins bien élevés. Des entretiens que nous eûmes avec les parents, il semble que l'on a commencé généralement par le franc hebdomadaire, pour arriver aux deux francs à l'âge des quatorze ans, aux trois francs, à seize ans et aux cinq francs par semaine pour les élèves des classes supérieures et les apprentis. Nous répétons qu'il s'agit là d'indications et non de règles absolues.
Comment lui donner cet argent? Comme lui dû? Comme une récompense ? Comme un salaire en contrepartie d'un travail accompli ? Quelle que soit la méthode qu'un choisira, elle a des risques. Si l'on prend la première, on favorise chez l'enfant cette tendance qu'il a déjà si facilement de considérer les parents comme ses débiteurs et ses obligés, et la maison comme une pension alimentaire où on lui doit tout et où il ne doit rien. Si l'argent de poche devient une récompense, pour des bons points scolaires,par exemple, on favorise chez le bon élève la course à ces bons points, et on décourage le mauvais écolier. On risque ainsi d'atteindre des résultats exactement opposés à ceux qu'on aurait aimés et qu'on devrait obtenir. Quant à l'argent de poche-salaire c'est un bon moyen pour renforcer encore l'influence pernicieuse du temps où tout se paye, où rien ne se fait par plaisir de rendre service. La moins mauvaise de ces méthodes! Je serais bien emprunté de le dire. Sachons, voir où elles risquent de nous conduire afin de les corriger à temps, l'une par l'autre… peut-être. Et ne nous décourageons pas trop si, malgré toute notre bonne volonté et notre prudence, il nous semble que nous courons à l'échec. La vie corrige souvent nos maladresses grâce à tout ce qu'il y a tout de même de bon dans un coeur d'enfant et à ce que nous sommes pour eux, pour autant que nous ne sommes pas, nous-mêmes, esclaves de l'argent.
Faut-il, enfin, garder un droit de regard sur cet argent et essayer d'apprendre aux enfants à le dépenser? Ou à l'économiser? Certains pères de famille ont obtenu que tel de leurs enfants établisse un compte exact de ses dépenses. Tel autre encourage les siens à économiser en leur donnant un vingt, un cinquante et même un cent pour cent de la somme qu'ils ont mise de côté. Tel autre enfin estime que, là encore, la vie se charge d'apprendre à l'enfant comment il doit dépenser son argent et se refuse à tout contrôle, même discret. De nouveau chacune de ces méthodes comporte ses risques. Le premier père avouait que ce qui avait réussi avec l'un avait complètement échoué avec l'autre qui très rapidement apprit à falsifier sa comptabilité. La totale liberté n'est pas non plus, avec tous les enfants, le meilleur chemin pour les conduire à la sagesse. Même l'encouragement à l'épargne peut lamentablement échouer, surtout si l'on n'a pas la prudence de choisir une raison d'économiser qui plaise à l'enfant : acquisition d'un objet qui lui fait grande envie, par exemple. Et si, dans cette ligne-là, on ne vise pas trop haut et trop loin. Car si l'enfant n'a pas la perspective de jouir assez rapidement de ce qu'il désire, le jeu, pour lui, n'en vaut bientôt plus la chandelle.

On voit bien ici qu'il faut, pour résoudre cette question, non seulement tenir compte du milieu dans lequel vit l'enfant mais aussi, et combien, du caractère de l'enfant lui-même. Je ne veux pas m'engager dans le labyrinthe de la psychologie de l'enfance. Je n'en ai ni les compétences, ni le temps. Qu'on me permette seulement de remarquer que l'on peut en gros diviser les enfants… et leurs parents, en deux classes : les enfants-cigales et les enfants-fourmis, tels que La Fontaine les voit, cela va sans dire. Mais là encore : des nuances avant toute chose ! Je ne connais point d'enfant absolument fourmi ou absolument cigale, mais seulement des caractères où prédominent un certain goût de l'épargne, une naturelle tendance à calculer et à prévoir, tandis que d'autres caractères vont plus volontiers vers la libre bohème où l'argent glisse entre les doigts. A ce propos, nous dirons : malheur à l'enfant qui vit dans un milieu fortuné ! Car s'il est fourmi, il y a bien des chances pour qu'il le devienne toujours plus, fermant peu à peu son cÅ“ur à tout ce qui n'est pas l'argent. Et s'il est cigale, les difficultés de la vie ne lui apprendront pas à calculer ses dépenses. L'enfant pauvre, au contraire, apprend, s'il est fourmi qu'il y a des joies qui ne coûtent rien et qui sont parmi les plus belles. S'il est cigale, il est bien obligé pour vivre d'apprendre à compter.
Car c'est ici qu'on découvre un des grands secrets de l'éducation: favoriser l'évolution du caractère vers un bon équilibre des tendances. Parents, apprenez à votre enfant, s'il est naturellement cigale, à développer chez lui la fourmi qui sommeille et s'il est naturellement fourmi, apprenez-lui à chanter sans trop s'occuper de l'hiver qui vient !
Et commencez d'abord par vous connaître vous-mêmes et par lutter contre le démon d'une prévoyance excessive ou contre celui d'une légèreté fâcheuse.
Luttons en nous-mêmes et dans notre foyer contre cet enseignement du monde qui veut nous faire croire que l'argent est le Sésame de toutes les sécurités et de toutes les joies. Heureux plutôt les pauvres en esprit, car le royaume des cieux est à eux.









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