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Les jeunes et leurs problèmes. Les jeunes devant la vie.
Devant ? Nés sans possibilité de choix, jetés dans une époque stable ou agitée, envoyés dans des écoles correspondant aux tendances du régime en cours, dirigés vers un métier ou une occupation à choix plus ou moins dicté par les possibilités du moment, la famille, les circonstances, lancés en quelque sorte sur un train en marche aux rails déjà posés et orientés, sommes-nous jamais placés devant la vie ? Dès notre arrivée en ce monde, ne sommes-nous pas immédiatement dans la vie ?
Pourtant, malgré cet étroit conditionnement, le cadre rigide des habitudes et les obligations de ceux qui entourent et élèvent l'enfant, les jeunes ont parfois la sensation de vivre un instant neuf, de voir quelque chose ou de ressentir une émotion comme pour la première fois de leur existence. C'est son père, sa mère qu'on regarde en explorateur faisant une découverte : un idéal surgit au cours d'une lecture ; la beauté d'un métier se révèle comme s'il s'agissait d'un appel, d'une vocation
Dans ces moments, les jeunes réagissent selon leur éducation, leur culture, leur caractère. Cette réponse est conditionnée ; elle sera une acceptation, un refus, une intégration, un enrichissement, une fausse adaptation, une déviation, un aiguillage raté, un progrès, selon les capacités, les forces et, comme nous venons de le dire, selon l'éducation reçue. On voit ici l'importance de celle-ci et l'immense responsabilité des parents.
Mais quand on parle des « jeunes devant la vie », on pense le plus souvent à une situation qui, en fait, ne se présente jamais à l'état pur. On imagine les jeunes, libres de tout engagement, debout devant le tableau de la vie de leur époque. On imagine qu'ils ont la faculté de le contempler et d'y choisir leur place socialement, moralement, économiquement; ils sont devant l'offre de leur temps.
Ainsi considérée, cette situation implique que nous reconnaissions que sur ce tableau, cette fresque immense et vivante, les peintres de la politique, de la science, de la technique, des sports couvrent sans cesse des surfaces considérables. Mais les jeunes ont d'autres aspirations que le confort, la danse, les sports, la guerre et l'énergie atomique. Trouvent-ils dans le tableau du monde des pièces faisant écho à leur besoin de beauté, de générosité, de désintéressement, d'idéalisme, d'amour ? Trouvent-ils une réponse à ce quelque chose d'autre qui appelle en eux, qu'on nomme - peu importe le nom - la vie intérieure, religieuse, intuitive ?
Qui devrait aussi peindre au tableau de la vie, afin que les jeunes y trouvent une place pour leur sensibilité et leur noblesse, les images de la réalité spirituelle ? Qui, sinon les éducateurs, les parents qui savent qu'à toute graine de la plus belle fleur, celle de l'enfance, il faut un climat. Et comment peindre sous les yeux des jeunes, sinon en actes d'exemples, en paroles respectueuses, en gestes adorants de toute vie, au cours des menues occupations quotidiennes avec et devant l'enfant.
Et comment maintenir les jeunes en cet état de recherche, sans changer nos méthodes d'enseignement qui instruisent la jeunesse dans le culte de la connaissance des techniques, des systèmes politico-économiques? Nos enfants, nos adolescents, les jeunes adultes sont entraînés à apprécier les mille nourritures admirablement terrestres d'une époque aux inventions prodigieuses. Mais que fait-on de leur appétit pour les valeurs non comptables que ni le corps, ni l'intellect ne peuvent apprécier ?
Les jeunes devant la vie, ceux qui possèdent encore cet appétit, ce désir, ce besoin de respirer librement, ceux-là souffrent et cherchent. Il ne doit pas nous suffire que les plus intelligents écrivent des poèmes désespérés et dessinent des paysages tristes, que les autres « vivent leur vie » ou se suicident : et pour les autres, nous devrions trembler de voir grossir le troupeau des résignés, car entre tous, ils ont déjà commencé de travailler au tableau de la vie que contempleront leurs propres enfants.
Nous donc, les aînés, les vieux peintres, reculons-nous, et le pinceau de nos actions à la main, contemplons notre oeuvre ; nous serons peut-être effrayés du panorama que nous offrons à ceux dont nous avons la garde ; au lieu de critiquer nos enfants, il nous viendra à l'idée de renouveler notre palette et de changer notre genre.
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