
|
|
Les « Entretiens sur l'éducation » est un mensuel publié sans interruption depuis plus de 100 ans.
Le site www.entretiens.ch vous offre la possibilité de consulter en ligne ces extraordinaires archives parcourant/ponctuant au jour le jour l'histoire de l'éducation familiale d'un bout à l'autre du XXème siècle.
La survie de la brochure mensuelle imprimée parallèlement à la distribution virtuelle à travers le site est le garant de la poursuite de cette aventure. La rédaction est assurée de façon bénévole par un groupe de parents passionnés par la réflexion et l'écriture autour du vécu familial. Les frais d'impression du journal et la gestion du site (100 000 pages demandées par mois??)....30.- par an (20€).
En dehors du grand intérêt pour vous de cette matière exceptionnelle, que vous soyez jeune parent, chercheur dans une université ou simplement intéressé par l'évolution des comportements humains, votre soutien par l'intermédiaire d'un abonnement nous est indispensable.
Pour les pays lointains et si vous ne désirez pas profiter de la version papier, un abonnement sous forme de pdf est accessible au même prix annuel de CHF 30. Il vous donne un accès complet aux archives
Les jeunes et leurs problèmes. Les jeunes et nous.
Il vient tout récemment d'être présenté à la jeunesse protestante de Genève le film « Les inconnus dans la maison ». On sait la thèse de ce film*. Pendant une équipée stupide d'une jeune bande de voyous, dans une petite ville de province française, un passant est blessé et finalement tué d'une balle. Au Tribunal, l'avocat de la défense, révèle que, pour toute attraction, il n'y a dans la ville qu'une centaine de bistros, que les parents ne comprennent rien à leurs enfants parce qu'ils sont malhonnêtes ou trop honnêtes (donc ennuyeux), inconscients ou trop attachés à leurs devoirs (donc responsables de la fuite de leur progéniture). Et l'avocat poursuit en proposant comme remède à la déchéance de la jeunesse :« une piscine, un stade, un vélodrome ». Et voilà, le camping, le plein air consacrés comme force spirituelle rénovatrice !
Clamer la responsabilité des parents totale, entière, et juger les jeunes « victimes de leurs parents », il y a de quoi mettre en joie de jeunes spectateurs. L'un d'eux s'écria :« C'est un film qui dit la vérité ! »
Voici donc la situation exposée : d'un côté des parents égoïstes ou inconscients, de l'autre, une jeunesse qui se débrouille comme elle peut pour « vivre », et qui vit mal.
Est-ce la vérité dans la majorité des cas? Je ne le crois pas, en tout cas, il faut y ajouter beaucoup de nuances et compter avec de nombreuses exceptions. Cependant un fait demeure, c'est que la jeunesse d'aujourd'hui a perdu la foi en ses aînés, elle a perdu le contact avec eux parce que les conceptions de vie ont rapidement évolué à notre époque et qu'elle trouve qu'ils ne sont plus « à la page ».
Elle est indépendante et refuse d'être conduite sur des chemins tracés d'avance. Et nous, les aînés, nous regardons passer tous ces jeunes, nos bras chargés du bagage de nos expériences que nous aimerions bien leur offrir et dont ils ne veulent pas.
Ce qui les éloigne le plus sûrement de nous, c'est une certaine suffisance, une certaine assurance de notre supériorité conférée par l'âge et l'expérience, que nous affichons plus ou moins consciemment à leur égard. Autrefois, les jeunes acceptaient sans beaucoup de révolte cette hiérarchie naturelle des années (tout en en pensant pas moins peut-être!). Aujourd'hui, ils la refusent tout simplement car ils sont devenus très lucides et ne croient plus à la supériorité morale de leurs aînés ; en outre, ils ont acquis une indépendance d'esprit qui leur donne la hardiesse de secouer notre autorité. Alors, mieux vaut accepter franchement cette situation et se mettre à chercher avec eux (et non pas pour eux) la meilleure manière de vivre.
Saint-Exupéry a dit :« l'humilité du coeur n'exige pas que tu t'humilies mais que tu t'ouvres. C'est la clef des échanges. Alors seulement tu peux donner et recevoir »
Si nous ouvrons vraiment notre coeur, Dieu y met tout de suite quelqu'un. Les contacts se créent tout naturellement quand le MOI disparaît. Une des formes de l'amour du prochain est aussi de lui dire que nous avons besoin de lui.
Ouvrons donc notre coeur sans restriction intérieure à toutes les recherches des jeunes, à leurs aspirations, à leurs inquiétudes, et même à leurs essais d'innovation timides ou hardis, et disons-leur en toute sincérité :« Merci, vous m'apprenez beaucoup! » Le regard surpris et confiant qu'ils nous lanceront alors sera notre récompense et nous verrons les barrières s'abaisser et peut-être disparaître entre nous.
Quand ce premier pas sera fait, il restera à chercher ensemble les moyens de faire face à la vie. Les remèdes au vide de l'existence proposés par le film : une piscine, un stade, un vélodrome, sont justes mais d'une insuffisance certaine. Ce ne sont pas des biceps durs et des muscles entraînés qui nourriront les coeurs.
Il faut y ajouter une grande idée.
Deux jeunes Américains me disaient un jour: « Il faudrait que les nations civilisées s'unissent toutes ensemble pour porter secours aux pays pauvres et sous-alimentés ; ainsi serait occupée et utilisée pour le Bien l'agressivité qui les dresse trop souvent l'une contre l'autre. » Il en est de même pour les individus.
Là encore il ne s'agit pas de leur donner des idées mais de les aider à les trouver eux-mêmes. Tout ce qui surgit des profondeurs du coeur a une force autrement grande que ce qui vous est proposé du dehors. Ces idées directrices, qui orienteront leurs études ou leur apprentissage, ne naîtront pas comme par un coup de baguette. Chez certains elles mûriront très lentement et nous serons là simplement, présence discrète et disponible, pour les aider à trouver leur forme d'expression. L'essentiel est qu'ils soient en quête de quelque chose, qu'ils ne subissent pas l'attrait de la facilité mais soient résolus à donner un sens à leur vie. Si les parents ont eux-mêmes décidé de servir ensemble un idéal élevé et s'efforcent de le vivre jour après jour, la recherche des enfants en sera grandement encouragée. Qu'il s'agisse d'art, de science, d'un appel au service social ou spirituel, du soin des enfants ou des malades, ou d'une préférence pour les domaines pratiques de l'existence (commerce, industrie, etc.), peu importe pourvu que le coeur y soit.
« J'ai un métier, j'y ajoute le coeur, cela devient une vocation », disait un homme. C'est vrai à tous les âges et dans toutes les situations, car le coeur est véritablement la source de la vie, d'une vie qui nourrit et donne satisfaction. Cela vaut donc la peine de lutter aux côtés de nos enfants pour qu'ils trouvent cette vie.
Pour cela, il faut que nous, les aînés, nous ayons du cÅ“ur les tout premiers. Une chère vieille amie me disait un jour aux approches de Noël: « Oh ! pour moi ce n'est pas difficile de penser aux autres à Noël parce que j'ai toujours vu faire ça à la maison, depuis mon enfance! » Heureux les jeunes qui grandissent dans un foyer où la vie du coeur s'exprime quotidiennement, à l'extérieur comme à l'intérieur du cercle de famille. C'est notre responsabilité d'alimenter le coeur de nos enfants jeunes afin qu'ils soient ouverts et attentifs aux besoins des autres quand ils seront grands. Ainsi préviendrons-nous peut-être l'inquiétude morbide de l'adolescence parce qu'une flamme haute et pure aura été allumée en eux.
Et Celui qui est la Lumière du monde, à travers les siècles, les accompagnera sur le chemin difficile d'une vie qui se veut belle et utile.
* Extraits d'un article paru dans La vie protestante du 3 février 1956.
|
|
|