Accueil
   

 

 

 

RECHERCHES
Rechercher un mot dans les articles:


Recherche avancée
• par mots
• par thèmes

ARCHIVES DE TOUS LES ARTICLES



AUTRES MENUS
ACCUEIL
ADRESSES
  • Adresses utiles
  • Bibliographie
  • Liens Internet
LE JOURNAL






Les « Entretiens sur l'éducation » est un mensuel publié sans interruption depuis plus de 100 ans.
Le site www.entretiens.ch vous offre la possibilité de consulter en ligne ces extraordinaires archives parcourant/ponctuant au jour le jour l'histoire de l'éducation familiale d'un bout à l'autre du XXème siècle.
La survie de la brochure mensuelle imprimée parallèlement à la distribution virtuelle à travers le site est le garant de la poursuite de cette aventure. La rédaction est assurée de façon bénévole par un groupe de parents passionnés par la réflexion et l'écriture autour du vécu familial. Les frais d'impression du journal et la gestion du site (100 000 pages demandées par mois??)....30.- par an (20€).
En dehors du grand intérêt pour vous de cette matière exceptionnelle, que vous soyez jeune parent, chercheur dans une université ou simplement intéressé par l'évolution des comportements humains, votre soutien par l'intermédiaire d'un abonnement nous est indispensable.
Pour les pays lointains et si vous ne désirez pas profiter de la version papier, un abonnement sous forme de pdf est accessible au même prix annuel de CHF 30. Il vous donne un accès complet aux archives
RETOUR

Ne parlez pas trop de votre enfant devant lui !

Je venais d'assister à une scène pénible. Les parents d'Annick et Albert avaient réuni quelques amis autour d'un arbre de Noël, à deux mètres de la table du thé. Les enfants comparaient leurs cadeaux. Une âme bien intentionnée crut bien faire en complimentant Annick. « C'est un ange, dit sa mère en se rengorgeant. Elle est si douce, si mignonne, si jolie. Et elle travaille si bien en classe, et elle est si douée pour la récitation. Ne l'avez-vous jamais entendue réciter « Le vase brisé » ?» Annick n'attendait que cette invitation : la voilà, qui bondit et entame d'une voix de tête le sublime morceau, tout en minaudant. « Et toi, Albert, dit la même visiteuse décidément aimable, n'as-tu pas de talent de société ? »-« Pensez-vous, dit son père, il est trop bête et trop timide. » Avais-je été le seul à surprendre sur les traits soudain empourprés de l'enfant comme une lueur de révolte?

A de telles scènes, on assiste tous les jours. Les parents sont persuadés, Dieu sait pourquoi, que leurs enfants ne comprennent pas que l'on parle d'eux. Cette excuse est, à vrai dire, invoquée quand il s'agit d'enfants jeunes, de 3-4 ans. Elle n'a, déjà à cet âge, aucune valeur. Même un enfant de cet âge comprend parfaitement le sens de telles paroles.

Aucune des paroles prononcées n'aurait dû l'être. Quelle que soit votre fierté devant les progrès de votre enfant (et il est de fait que ces progrès peuvent à bon droit paraître prodigieux), n'en faites pas un enfant prodige. Il aura tendance, comme Annick, à devenir suffisant, insupportable avec ses frères et soeurs qu'il va écraser de sa supériorité ; avec ses camarades, il jouera à la grande personne, saccageant ainsi ce temps merveilleux de l'enfance. Mais surtout, évitez de blesser ceux qui, du moins en apparence, sont moins bien doués. Ne traitez jamais un enfant de crétin parce qu'il travaille mal, parce qu'il ne comprend pas assez vite. Ne vous exclamez pas devant votre fille: « Mon enfant, ma pauvre fille, ce que tu peux être laide!» Il en restera quelque chose. Trop souvent, nous voyons cette conviction, qui parfois ne répond plus à la réalité des faits, chez des adolescents, voire chez des adultes à qui l'on a répété pendant toute leur enfance qu'ils étaient laids, grotesques, gauches, contrefaits. On parle souvent de la cruauté des enfants; je voudrais rappeler qu'elle n'est pas leur apanage exclusif.
Ils le sont cependant, cruels, et entre eux, dans ces rivalités quasi normales qui opposent frères et soeurs, ils ne manquent pas, eux aussi, de se servir de ces arguments impitoyables que les grandes personnes mettent inconsidérément à leur disposition.

« Je sais bien » me dit le père de l'infortuné Albert, que j'ai vertement semoncé (inutile de dire que ce n'était pas devant témoins ; il aurait pu, lui aussi, en faire un complexe, comme il dit). « Vous avez raison, mais, que voulez-vous, ce gamin m'irrite. Il est lent quand il faudrait bouger, il ne tient pas en place dès qu'il faut s'appliquer, il est pourri de tics. Et puis il a des taches de rousseur ». - « Je vous remercie pour votre franchise, lui dis-je, et je ne vous demande pas d'être un saint. Je conçois que toutes ces petites imperfections vous agacent, mais reconnaissez qu'il n'est pas coupable d'en être affligé. C'est encore un enfant qui se développe ; les diverses parties de son corps font en ce moment la course. Mais tout s'arrangera, sauf peut-être les taches de rousseur. Au contraire, quand vous l'accablez, vous le paralysez littéralement, vous lui donnez le sentiment d'être un incapable, une pauvre créature et destinée à le rester. Mais faut-il que je vous avoue que j'ai habilement interrogé votre mère sur votre propre enfance ? Vous n'étiez pas très différent de lui. Et maintenant… Mais songez un instant quels seraient vos sentiments si votre chef de service se mettait soudain à vous critiquer de façon acerbe et excédée devant ses autres collaborateurs. Vous auriez encore la ressource de vous draper dans votre dignité et de quitter ce tribunal improvisé. Le permettrez-vous à cet infortuné Albert, et ne croyez-vous pas qu'une taloche suivrait immédiatement cette sublime résolution ?

Et puis, rappelez-vous, enfin, que les enfants sont des êtres entiers, violents, que d'être aimés a pour eux une importance considérable, que certains d'entre eux feront n'importe quoi pour échapper à ce carcan d'indifférence ; ils voleront pour faire des cadeaux, ils feront des fugues pour débarrasser de leur présence la maison où on ne les aime plus; parfois, ils songeront à en finir avec la vie. Non que je cherche à vous effrayer, mais je veux que vous compreniez l'âme de votre enfant. »









www.entretiens.ch fait partie du réseau « NETOPERA - culture - société - éducation sur Internet » et pour la photographie PhotOpera - Uneparjour || DEI - Défense des Enfants - International
ROUSSEAU 13: pour allumer les lumières - 300 de Rousseau  ROUSSEAU 13: les IMPOSTURES - 300 de Rousseau - portraits déviés PHOTOGRAPHIE:Nicolas Faure - photographe d'une Suisse moderne - Le visage est une fiction - photographie de l'image brute - Laurent Sandoz - comédien et acteur professionnel - Genève