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Dépêche-toi !

Que de fois un petit enfant a entendu sa mère proférer cet ordre ! Il faut qu'il se dépêche, le matin, de faire sa toilette, qu'il se dépêche de manger (jusqu'au jour où on lui dit qu'au contraire, il doit manger lentement), qu'il se dépêche de s'habiller pour la promenade, et qu'il se dépêche de se coucher. Il semble que ce petit enfant, qui n'a rien à faire, au moins pendant ses premiers ans, soit si occupé que les journées sont trop courtes pour qu'il puisse s'acquitter de toutes ses obligations.
Eh non ! ce n'est pas cela. On sait bien qu'un petit enfant n'a rien à faire et qu'il n'a nul besoin de se presser. Mais c'est la maman qui a beaucoup à faire et a besoin de se presser. Quand elle dit à son enfant: « Dépêche-toi! », elle le dit autant à elle-même. Elle dit aussi bien : « Dépêchons-nous ! » Ou bien elle doit faire la toilette d'autres enfants, ou bien elle ne peut consacrer à la promenade qu'un temps fixé dont il ne faut rien perdre, ou bien elle est rentrée un peu plus tard qu'il ne fallait, ou bien le repos de l'enfant dure trop et lasse sa surveillance, ou bien elle est fatiguée le soir et désireuse elle aussi de se reposer.
C'est donc à elle que cette injonction est en réalité destinée et adressée. Elle dit: « Dépêche-toi !», non parce que l'enfant a besoin, mais parce qu'elle a besoin, elle, de se dépêcher. C'est à elle, et non à son enfant, que la hâte est utile et nécessaire. Si la maman expliquait, commentait son ordre, elle dirait au petit: « Il faut que tu te dépêches, parce que si tu ne te dépêchais pas, tu m'empêcherais de me dépêcher; et il faut que je me dépêche. Je m'occupe de toi, nos deux activités sont liées, il faut que nous nous hâtions ensemble. Moi, maman, je vis dans une hâte continuelle, parce que j'ai beaucoup à faire ; va à la même vitesse que moi; ta lenteur me gênerait. »
J'entends de loin quelques-unes, peut-être beaucoup, de mes lectrices, protester: « Nous accusez-vous d'égoïsme, diront-elles, et de ne penser qu'à nous? Il est vrai que nous avons beaucoup à faire et qu'il faut que nous soyons vives sous peine d'être toujours en retard. Sans doute les petits enfants n'ont, eux, rien à faire, mais si on ne les presse pas, ils resteront lambins, ils prendront l'habitude de la lenteur, et quand la vie les obligera de se presser, ils n'en seront plus capables. »
Mais en disant ceci, j'ai peur que les mamans ne fassent quelque confusion. Quand elles disent à leur enfant, par occasion :« Dépêche-toi », elles ne veulent pas dire: « Agis vite », mais: « Presse-toi, hâte-toi », c'est-à-dire :« Va plus vite, agis plus rapidement qu'à l'ordinaire ». Et agir vite et agir plus vite sont deux opérations tout à fait différentes, et auxquelles on n'accède pas du tout par la même voie. Prenons un exemple bien simple. Supposons que, pour nous amuser, nous veuillions arriver à donner le plus de coups de marteau possible à la minute sur une planche. Nous commencerons évidemment à frapper aussi vite que possible et à accélérer sans cesse. Rien de plus facile, puisqu'il s'agit seulement d'atteindre de la vitesse et non de la précision. Mais si nous voulons frapper avec un marteau d'une façon précise et efficace sur un clou, nous savons qu'il nous faut, au contraire, nous exercer lentement, et garder longtemps le même rythme avant de pouvoir le presser. Si nous voulons trop tôt nous dépêcher, nous frapperons à côté du clou, et nous frapperons toujours à côté du clou.
De plus, pour toutes ces petites opérations de la vie quotidienne, la pratique, nos expériences, nos dispositions naturelles (car les temps diffèrent beaucoup d'une personne à l'autre) nous amènent à acquérir un certain rythme, automatique, inchangeable, que nous ne pouvons plus modifier à volonté. Qu'une maman, au moment où elle dit à un de ses enfants :« Dépêche-toi », essaie elle-même de nouer plus vite qu'à l'ordinaire les lacets de ses chaussures ; j'ai grand'peur que les lacets ne s'emmêlent et que l'opération ne prenne beaucoup plus de temps.
« Mais à toutes ces opérations les petits enfants sont plus lents que leurs mères. » Sans doute, puisqu'il s'agit pour eux d'apprendre des mécanismes qui leur sont tout nouveaux et leur paraissent souvent bien compliqués. Il leur faut du temps pour les apprendre, et si on ne leur permet pas de prendre ce temps, ils ne les apprendront pas, ils ne sauront jamais donner sur un clou un coup de marteau exact, ni lacer correctement leurs chaussures. Soyons certains que bien des enfants que nous rencontrons avec des boutons mal engagés dans leurs boutonnières, ou des chaussures mal lacées, sont des enfants à qui des mères impatientes ont trop souvent dit de se dépêcher.
Et les enfants, comme les grandes personnes, sont parvenus à avoir un rythme qu'ils ne peuvent changer immédiatement, sur une injonction, qu'ils ne pourraient changer qu'avec de nouveaux, nombreux et lents exercices. Quand on leur dit: « Dépêche-toi », ils ne comprennent pas, parce qu'ils ne savent pas ce qu'ils pourraient faire pour se laver, se coiffer, s'habiller ou se déshabiller plus vite.
Ils ont d'autant plus de mal à comprendre et à obéir que, dans toutes leurs premières activités, tous les éléments qui les composent ont une importance égale, et que ce n'est qu'à la longue qu'ils apprennent à distinguer ceux qui conduisent véritablement au but et ceux qui ne sont pas indispensables. Un petit enfant qui met un bouton dans une boutonnnière exécute un certain nombre de gestes dont les uns sont nécessaires, dont les autres disparaîtront peu à peu, pour ne laisser subsister que le procédé économique (par économie d'actes et de temps) dont nous nous servons. Mais pour le petit enfant tous les gestes qu'il fait sont également nécessaires à la suite de l'opération et de toutes les opérations analogues.









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