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En marge de la préparation de l'enfant à la vie scolaire (1). Chaque âge a son rythme qu'il faut respecter.
L'enfant de 3 ans n'a pas la notion du temps, il a devant lui l'éternité. Que de fois ne s'entend-il pas dire :« Dépêche-toi !» Eh bien ! il ne peut pas se dépêcher. Dans la hâte son geste devient désordonné. Il ne prévoit pas de but à son activité, alors pourquoi se hâterait-il?
Si vous l'envoyez se laver les mains, il ne revient plus, vous le trouverez absorbé à faire de la mousse, à se rincer les mains, à refaire de la mousse et à les rincer encore. En collant feuille de papier sur feuille de papier, il les entasse. « Que fais-tu? »-« Je colle ». Plus rien ne l'intéresse: il est heureux. Dans le sable, il creuse pour creuser, il ratisse pour ratisser ou, mieux, pour gratter. Il empile ses cubes sans ordre. C'est le plaisir du mouvement pour le mouvement et la réflexion semble absente. Souvent immobile, il aime regarder ; il n'y a pas plus badaud que l'enfant. Il enregistre les gestes avec une étonnante précision ; regarder les adultes faire les choses, regarder ses aînés faire de la gymnastique, regarder les bêtes. Il aime entendre de petites rimes bizarres, pas plus mystérieuses que les conversations d'adultes. Il écoute les chants, mais les répète plus rarement. Son vocabulaire est restreint et ses conversations plutôt réduites à des monologues, sauf avec l'adulte. S'il désire avoir des camarades auprès de lui et s'il s'intéresse parfois à leurs jeux, il reste le plus souvent seul avec son matériel. Il est bon qu'il consolide son indépendance dans des jeux et des expériences solitaires. Un crayon, un pinceau qui laissent une trace sur le papier blanc l'intriguent. Tout pour lui est découverte. La journée est pleine de miracles et de mystères ; il ne s'explique rien. C'est l'âge par excellence où l'apprenti-éducateur peut se former pour acquérir des qualités de base de son métier: savoir observer, attendre, s'effacer souvent, ne pas trop parler et respecter les lois de croissance du petit enfant. Si l'éducateur veut forcer ses possibilités, il s'en échappe et lui rappelle constamment le mot de Bacon :« On ne commande à la nature qu'en lui obéissant ».
A 4 ans, l'enfant a plus d'assurance, son geste est plus rapide. Il est capable de se défendre seul, devient plus agressif, mais aussi plus sociable. Dans ses jeux, il se groupe avec un ou deux camarades. Il aime les échanges. Le travail des aînés le stimule. Agir lui donne des idées. Il est extrêmement bavard, volubile, questionneur ; les mamans disent: « Il me tue avec son bavardage ». S'il ne savait à présent parler et agir en même temps, il ne ferait pas grand chose dans sa journée. Les mots nouveaux le charment, il les essaye, aime les poésies. Les histoires pleines d'humour et d'exagérations illuminent son visage. Il imite toujours les adultes, se plaît à leur parler, même à leur écrire des lettres et il cherche à faire admirer ses oeuvres. Par tous les moyens il essaye de s'exprimer, mouvement, mimiques et toutes activités manuelles : construction, modelage, peinture, dessin, découpage.
A 5 ans, mieux organisé, il est plus calme, plus serein, mais toujours aussi bavard, avec un vocabulaire plus riche. Son geste a gagné en précision et en rapidité. A son activité motrice s'allie maintenant une activité mentale. Ses constructions ont un but ; il prévoit, suggère et entraîne ses camarades ; son esprit critique s'éveille. Ses jeux ne sont collectifs qu'en apparence. Il lui est encore difficile de combiner une action avec les autres, il rapporte tout à lui-même et reste très égocentrique. Plus sûr de lui il exprime le désir d'aller seul à l'école. Vers 6 ans, le goût et le besoin d'ordre augmentent.
Chaque âge a ainsi son rythme qu'il faut respecter et ses besoins qu'il faut pourvoir. Si l'enfant était en liberté dans la nature, il trouverait souvent son matériel de jeu. Mais comme il est enfermé, il faut mettre à sa portée le matériel approprié à ses besoins.
Sans doute est-il indispensable de l'initier à certaines techniques, de lui apprendre parfois à se servir du matériel ; mais si son activité est trop dirigée, il ne crée plus rien d'original. Il sait déjà adopter une attitude, épouser les goûts de l'éducateur pour lui plaire et s'illusionner sur ses intérêts propres. Mais celui qui a le droit de suivre les goûts de son âge, de rester toujours authentique, c'est-à-dire souvent maladroit et imparfait dans ses productions, sera plus vrai, plus heureux et plus confiant en lui-même.
Dans cette atmosphère de sécurité, l'enfant s'exprimera par la parole. Tout naturellement, il adoptera le vocabulaire employé par l'éducatrice dans ses échanges avec lui et ses camarades, dans ses chants et ses poésies. Et là aussi, en classe comme en famille, il faut que l'enrichissement de son langage s'appuie sur une expérience vivante et répétée, qu'il s'entraîne progressivement à traduire par le langage ce qu'il fait et ce qu'il ressent.
Vers 5 ans 1/2 parfois seulement vers 6 ans ou 6 ans 1/2, les enfants seront susceptibles d'aborder les techniques scolaires. Il faudrait pouvoir, en confiance, attendre ce moment propice. Trop souvent les parents soucieux de ne pas perdre de temps, exposent leurs enfants à des échecs futurs.
(1) Extrait du livre du Dr A. Berge et d'un groupe de spécialistes: « Bon ou mauvais élève
». Edit. Soc. françaises.
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